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Droit au logement opposable - Mythe ou réalité ?

La loi instituant le droit au logement opposable est-elle applicable ? Au-delà de cette question un peu provocatrice, les professionnels du logement s'interrogent sur la mise en oeuvre de la réforme.

Selon le rapport 2007 de la Fondation Abbé-Pierre, sur l'état du mal-logement, près de 4 millions de personnes sont non-logées ou mal-logées. Elles pourraient donc engager, avec la loi instituant le droit au logement opposable,  et ce dès le 1er décembre 2008, une procédure pour obtenir un logement. "Si l'on reste à ce stade sans créer un dispositif contraignant vis-à-vis de l'offre de logements, analyse Bernard Lacharme, sécrétaire général du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD), cette loi sera un échec."  Le Comité national de suivi, animé par le HCLPD, s'est réuni de manière informelle, le 20 mars dernier, afin de lancer la feuille de route de ses travaux. "La loi instituant le droit au logement opposable est bonne mais des questions en suspens demeurent comme celle de l'organisation des responsabilités entre l'Etat et les collectivités territoriales", ajoute Bernard Lacharme. le Haut Comité avait, pour rappel, privilégié dans son rapport de décembre 2006, "de rendre le droit opposable à des collectivités territoriales désignées par la loi comme responsables".

Des clarifications sur le texte

Le gouvernement a choisi que l'Etat soit le garant de ce droit. Reste un certain nombre de dispositions à éclaircir : la loi du 5 mars 2007 précise, dans son article premier, que ce droit est garanti "à toute personne résidant sur le territoire français de façon régulière". Il reste au décret d'application prévu par la loi de définir cette formulation. Autre point important mis en avant par Nicolas Rousseau, chargé de mission du réseau Habitat développement : "cette loi ne peut s'appliquer que si les commissions départementales de médiation fonctionnent. Aujourd'hui, elles sont au nombre de 78 et une partie d'entre elles ne fonctionne pas encore".

Autre clarification nécessaire, le recours à l'amiable est ouvert à deux catégories de population : pour les publics qui ne sont pas qualifiés de "prioritaires" (et qui pourront faire jouer leur recours à compter du 1er janvier 2012), la loi prévoit que le demandeur, quand il n'aura pas reçu de réponse de la commission à l'expiration d'un délai anormalement long, pourra se retourner vers le juge. Cette notion de "délai anormalement long" va être définie par arrêté préfectoral. "Cela signifie-t-il que suivant les départements, les délais pourront varier ?", s'interroge Nicolas Rousseau.

Et l'accompagnement social ?

"Si l'on fait une lecture restrictive de la loi,  il semblerait que le préfet ne soit tenu de présenter qu'une seule offre de logement. Cela revient-il à dire que sauf à contester cette proposition devant le juge, le demandeur perdra ensuite son droit au logement et cela pour une période indéterminée ?", questionne le chargé de mission du reseau Habitat et développement. La disposition qui prévoit que les EPCI pourraient, de manière expérimentale, prendre en charge le droit opposable devrait, elle aussi, être précisée dans la mesure où il est prévu qu'une partie des compétences des conseils généraux en matière sociale pourra être transférée aux EPCI. "Qu'est-ce que regroupe cette formulation ?", demande Nicolas Rousseau.

Enfin, l'application de cette réforme impose un accompagnement social. Peut-on dire qu'en proposant de nouveaux logements à des familles qui ont été expulsées pour des impayés de loyers, on leur donne la réponse adéquate ? Est-ce efficace  de supprimer, d'un côté,  les aides personnelles au logement (APL) pour  proposer, de l'autre, un nouveau logement à ces familles ? Le comité national de suivi a constitué un groupe de travail sur la problématique de l'accompagnement social. Pour Serge Contat, directeur général de l'Anah, "l'une des propositions pourrait consister à maintenir une partie des APL afin que la dette des ménages ne devienne pas impossible à rembourser !".

 

Clémence Villedieu

 

Un comité national de suivi encore dans les cartons

La loi a prévu dans son article 13 la mise en place d'un comité de suivi de la mise en oeuvre du droit au logement opposable. Si le décret d'application du 5 mars dernier liste les organismes participant à cette instance, l'arrêté de désignation des personnes membres ; qui conditionne la mise en place de l'organisme, reste en suspens. Le 20 mars, le comité s'est donc réuni de façon informelle pour définir une feuille de route. "Des groupes de travail devraient être constitués mais seule une réunion officielle peut entériner ces axes de travail", précise Bernard Lacharme, secrétaire général du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées.  Le premier rapport sur la mise en oeuvre de la loi est annoncé pour octobre. Il devrait être précédé par un rapport d'étape en juillet. Les questions du respect du calendrier, de l'installation des commissions départementales de médiation, et du diagnostic des demandes dans le cadre des PDALPD (plans départementaux d'action en faveur du logement des personnes défavorisées) devraient être à l'ordre du jour. Enfin, le Comité national de suivi a demandé des moyens de fonctionnement (un poste de collaborateur permanent) et la possibilité de recourir à des organismes comme le conseil général des Ponts et Chaussées. "Pour être opérationnel, le comité de suivi doit avoir des outils de connaissance", conclut Bernard Lacharme.