Intercommunalité - Mutualisation des services : vers une nouvelle politique RH pour le bloc communal ?
A quelques jours de l'adoption par les assemblées communautaires des schémas de mutualisation, prévus en application de L'article L.5211-39-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) complété par l'article 74 de la loi Notr du 7 août 2015, l'Assemblée des Communautés de France (AdCF), le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) ont présenté jeudi 17 décembre 2015 une étude commune sur "La dimension RH des schémas de mutualisation" au sein du bloc local.
L'AdCF a également communiqué les résultats d'une enquête rapide réalisée les 15 et 16 décembre auprès de ses adhérents, à laquelle près de 300 communautés ont répondu. Il apparaît ainsi qu'un tiers des schémas ont déjà été adoptés, un tiers sont en cours de rédaction. Seuls 14% des EPCI n'ont pas engagé la démarche. Ces chiffres témoignent pour Loïc Cauret, président délégué de l'AdCF et président de Lamballe communauté, d'une "appétence" des communautés pour les schémas de mutualisation. Par ailleurs, seules 10% des communautés ont déclaré souhaiter attendre la mise en oeuvre des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) pour adopter leur schéma de mutualisation.
Une élaboration "fortement dépendante de la dynamique intercommunale"
Fruit d'un travail de près de deux ans, l'étude réalisée par les trois organismes est fondée sur l'observation de l'élaboration puis de la mise en œuvre des schémas de mutualisation dans cinq communautés de communes et d'agglomération, qui ont accepté de servir de sites pilotes. Il s'agit de Lamballe communauté, la Communauté d'agglomération Orléans Val de Loire, Tulle agglomération, la Communauté du pays de Vendôme, et de la Communauté des 4B Sud Charente.
Il en ressort tout d'abord que "la dynamique d'élaboration des schémas de mutualisation est fortement dépendante de la dynamique intercommunale" elle-même : ainsi, "une intercommunalité acceptée et reconnue dans ses apports au territoire est souvent gage d'une approche positive de la mutualisation". Dans le même temps, le contexte de mutation territoriale, et les perspectives d'extension de périmètres des intercommunalités, agissent comme un "frein", en particulier pour ce qui concerne la création de services communs : ils induisent une forme de frilosité des élus devant ce qui est peut être perçu comme un éloignement des centres de décision et des services publics de la réalité du terrain, posant ainsi la question de l'avenir de la place des communes. Un sentiment largement partagé par les répondants de l'enquête rapide.
Par ailleurs, les mutualisations envisagées dans les cinq schémas s'avèrent essentiellement être des mutualisations de gestion ou d'organisation. Outre la reprise de compétences auparavant exercées par l'Etat comme l'urbanisme, sont concernés l'ingénierie et l'expertise, l'internalisation des prestations, ainsi que des groupements de commandes ou des partages de matériels. Ces avancées, si elle ne provoquent pas une intégration accrue pour les communautés, ne sont toutefois pas négligeables puisqu'elles pourraient les amener à réaliser des économies substantielles.
"Un questionnement fondateur d'une politique des ressources humaines"
L'ensemble des intervenants a souligné l'importance des ressources humaines dans les mutualisations. Il faut placer l'agent "au cœur du processus de création d'un nouveau service public", dont il doit voir le sens, a ainsi insisté Vincent Potier, directeur général du CNFPT. Pour l'étude, la prise en compte du volet RH, ainsi que la réalisation de cartographies emploi/compétences montrent "l'émergence d'un questionnement fondateur d'une politique des ressources humaines", qui fait ressortir plusieurs problématiques. En matière d'encadrement, la nécessité de renforcer la ligne managériale ; concernant les mobilités, la possibilité de penser les mobilités professionnelles des agents à l'échelle du bloc local ; sous l'angle de la professionnalisation des agents, l'intérêt de mutualiser les besoins de formation, ainsi qu'il l'a été envisagé par la Communauté des 4B Sud Charente ; enfin, la nécessité d'une réflexion sur l'accompagnement des changements induits par les mutualisations, tant au plan organisationnel qu'en termes d'identité professionnelle.
Reste à savoir, s'interrogent les auteurs de l'étude, si ces questionnements se concrétiseront en une véritable politique de ressources humaines, et si les prémices observées d'une démarche de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC) trouveront de réels prolongements, tels qu'un éventuel repositionnement des fonctions ressources humaines au-delà de leurs missions traditionnelles de gestion administrative et de paye des personnels.
Il est prévu que l'étude, dans sa seconde phase, interroge les communautés sur leurs besoins et sur les ressources et l'appui que pourraient leur apporter l'AdCF, la FNCDG et le CNFPT, pour accompagner cette fois la mise en œuvre des schémas de mutualisation. Cette offre de service porterait notamment sur "la capitalisation et l'échange d'expériences en matière de mutualisation ; l'évaluation des démarches de mutualisation ; l'accompagnement à la réalisation de plans de formation mutualisés et le déploiement d'une offre de formation spécifique ; l'accompagnement à la mise en œuvre de démarches de GPEEC et la mise à disposition de cadres d'analyse". Afin d'approfondir cette réflexion, l'AdCF organisera une rencontre le 5 févier 2016 sur le thème "Recomposition des blocs et ressources humaines".