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Enfance - MNA délinquants : une note de la Justice tente de démêler "l'articulation complexe" entre les juridictions et l'ASE

Une note du ministère de la Justice s'efforce de clarifier une situation passablement complexe à laquelle sont confrontés de nombreux départements urbains : celle de l'augmentation du nombre de mineurs non accompagnés (MNA) impliqués dans des affaires pénales et souvent détenus. La note précise que ces situations concernent surtout les grandes métropoles comme Paris, Marseille, Montpellier, Lille, Lyon, Nantes et Rennes. Elle ne manque pas non plus de rappeler que, si ces mineurs sont délinquants, ils sont aussi "exploités par des réseaux pour commettre des vols, impliqués dans le trafic de stupéfiants, mais sont également consommateurs de ces produits" et sont "souvent victimes de traite des êtres humains et parfois repérés à l'occasion de délits de subsistance". Ils présentent en outre souvent une santé dégradée "par leur vécu et leur parcours, tant sur le plan somatique que psychique".

La question de l'évaluation de la minorité

Le problème est que ces MNA "ne sont ni pris en charge par les services de la protection judiciaire de la jeunesse, ni par les conseils départementaux". Sans hébergement, il sont le plus souvent incarcérés sans représentant légal désigné et sans suivi éducatif d'un conseil départemental, ni de la PJJ.
Le but de la note est donc de garantir à ce public spécifique la mise en place d'une protection ou d'un statut, rendu indispensable par leur minorité et leur isolement. La première question est précisément celle de l'évaluation de la minorité et de l'isolement des personnes se déclarant MNA. Si aux termes du décret du 24 juin 2016, cette évaluation incombe au président du conseil départemental, "toutefois, rien n'indique qu'il doive y procéder dans un cadre pénal". Pour autant, aucun texte ne prévoit non plus une intervention de la PJJ en matière d'évaluation de la minorité.
Conclusion : il s'agit d'"un élément de la vérification de l'identité du mis en cause, qui relève du travail d'enquête mené lors de la garde à vue par les services de police ou de gendarmerie", tel que prévu par l'article 388 du Code civil. Comme dans le cas des évaluations de minorité par les départements, la note précise que "l'examen radiologique osseux ne peut intervenir qu'en dernier ressort, sur décision judiciaire, avec l'accord de l'intéressé et en complément d'autres investigations".

Articuler "au mieux" procédure pénale et éducative

Comme le remarque la note, la décision de placement en détention provisoire, qui est souvent prononcée, "ne favorise pas la mise en œuvre d'une action éducative susceptible de s'inscrire dans une démarche de parcours". La note pointe aussi "une articulation complexe" entre les juridictions saisies en assistance éducative et l'aide sociale à l'enfance (ASE). La situation pénale du mineur et l'incertitude sur sa minorité réelle peuvent en effet "conduire les conseils départementaux à attendre l'intervention de la PJJ".
La note estime néanmoins "nécessaire que les personnels de la PJJ, qu'ils interviennent en détention ou dans le cadre du milieu ouvert, apportent une attention toute particulière à ces publics, afin d'instaurer avec eux une relation éducative et de les aider à surmonter l'isolement supplémentaire induit par l'enfermement".
Par ailleurs - et quelles que soient les réquisitions envisagées par le procureur de la République -, il est important que l'ordonnance de placement provisoire (OPP) et la saisine du juge des enfants en assistance éducative se fassent au plus tôt et même avant la présentation du mineur au juge des enfants dans le cadre pénal. Cela permettra au MNA de bénéficier des mêmes droits que n'importe quel mineur (hébergement, accompagnement, continuité de la prise en charge...) et facilitera l'élaboration d'une proposition éducative, notamment d'alternative à l'incarcération. Cela permettra aussi au juge des enfants auquel le mineur sera présenté au pénal d'être saisi en assistance éducative dans le même temps et d'articuler ainsi au mieux les deux procédures.
A défaut d'évaluation préalable de la minorité et de l'isolement réalisée par le département dans un cadre pénal, le procureur de la République pourra vérifier si une mesure d'assistance éducative n'est pas déjà ordonnée. En l'absence de base nationale, le parquet devra saisir la cellule nationale d'orientation et d'appui.
De même, "si le juge des enfants confie le mineur au conseil départemental dans le cadre de l'assistance éducative et en l'absence d'évaluation antérieure de la minorité et de l'isolement, le conseil départemental devra prendre en charge le mineur". Si le département a des doutes sur la minorité du MNA, rien ne l'empêche d'organiser une évaluation. Si celle-ci conclut à la majorité de l'intéressé, le département pourra alors demander la mainlevée du placement.

Préparer la sortie

La note du 5 septembre précise aussi l'hypothèse de la sollicitation d'une mesure éducative en cas de réquisition d'un mandat de dépôt. Dans ce cas, "le suivi pénal doit s'organiser à partir de la juridiction de présentation du mineur primo-délinquant, qui déterminera ainsi le conseil départemental et le service de milieu ouvert PJJ compétents, dès le défèrement, quand ces derniers sont désignés par l'autorité judiciaire pour assurer un suivi".
En cas d'absence de représentant légal du MNA sur le territoire, le service éducatif doit saisir sans délai le procureur de la République aux fins d'ouverture d'une tutelle ou de prononcé d'une délégation d'autorité parentale (ce qui permettra notamment de préparer le plus en amont possible un projet de sortie, "notamment pour assurer sa prise en charge effective par le conseil départemental").
Enfin, si à l'approche de la sortie de détention d'un MNA, aucun service de l'ASE n'a encore été désigné par l'autorité judiciaire, le service éducatif doit solliciter le procureur de la République du lieu de détention. Celui-ci peut alors saisir un juge aux affaires familiales aux fins de désigner un tuteur, ou saisir la cellule nationale d'appui pour qu'elle fasse une proposition d'orientation.

Références : ministère de la Justice, note n°JUSF1821612N du 5 septembre 2018 relative à la situation des mineurs non accompagnés faisant l'objet de poursuites pénales (mise en ligne sur Legifrance le 1er octobre 2018).
 

 

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