Mise en œuvre de la loi Elan : satisfecit global de l'Assemblée
La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale s'est penchée sur la mise en application de la loi Elan. Soulignant le rythme effréné de publication des décrets d’application, elle rappelle qu’il ne s’agit là que d’une première étape. Et que l’effort de pédagogie doit être soutenu "afin que tous les acteurs locaux s'approprient les nouveaux outils".
Depuis sa publication au Journal officiel, Localtis a consacré pas moins d'une soixantaine d'articles à la mise en œuvre la loi Elan (portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique) du 23 novembre 2018 (voir ci-dessous les nombreux articles parus sur le sujet). Cela fait beaucoup.
Une impression largement partagée par la commission des affaires économiques de l'Assemblée, qui publie un rapport d'information consacré à la mise en application de la loi Elan, présenté par Thibault Bazin, député (LR) de Meurthe-et-Moselle, et Richard Lioger, député (LREM) de Moselle et l'un des deux rapporteurs du projet de loi (avec Christelle Dubos, devenue depuis lors secrétaire d'État). Le rapport conclut en effet que "malgré quelques retards par rapport aux objectifs initiaux, la mise en application de la loi Elan est en bonne voie". À la date du rapport (remis à la présidence de l'Assemblée fin juin), 53% des mesures d'application de ce texte très dense de 234 articles étaient ainsi déjà publiés.
Construction et urbanisme : délais tenus !
Les deux rapporteurs soulignent toutefois que "l'équilibre entre la nécessité de procéder à des concertations préalables approfondies et la volonté d'aller vite est parfois difficile à atteindre et doit s'adapter aux enjeux de chaque mesure réglementaire". En outre, ils rappellent que "la publication des décrets d'application et des ordonnances n'est cependant qu'une première étape dans la mise en œuvre de cette loi, qui nécessite encore un effort de pédagogie important, afin que tous les acteurs locaux s'approprient les nouveaux outils qu'elle offre".
Le rapport d'information aborde successivement trois aspects de la mise en œuvre de la loi Elan. Le premier concerne les dispositions relatives à la construction et à l'urbanisme, dont "l'essentiel [...] est désormais applicable, mais nécessite un temps d'appropriation des acteurs". Un coup d'œil à l'échéancier de mise en œuvre de la loi, tenu par Légifrance (à jour au 8 juillet 2019, voir lien ci-dessous), confirme que la quasi-totalité des textes d'application du titre Ier "Construire mieux et moins cher" consacré à cet aspect sont effectivement publiés, dont certains sur des sujets délicats comme le décret du 16 mai 2019 sur la notion de "logement évolutif" (qui remplace l'accessibilité universelle des logements neufs de la loi Handicap de 2005) ou celui du 21 juin 2019 qui restreint les pouvoirs de l'architecte des bâtiments de France.
Logement social : du retard, mais qui n'empêche pas le secteur de se réformer
La situation est un peu moins avancée pour la publication des décrets relatifs au logement social, "qui accuse un certain retard, ce qui n'empêche pas le secteur de se réformer". A l'actif figurent notamment les ordonnances sur la vente de logements sociaux avec application différée du statut de la copropriété (7 mai 2019) et sur les loyers HLM (15 mai 2019). En revanche, un important travail reste encore à fournir, puisqu'à la date du rapport, seuls 16 décrets, sur les 40 prévus, étaient effectivement publiés.
Manquent ainsi encore à l'appel, entre autres, les décrets relatifs aux clauses types des sociétés de coordination (SAC) et des sociétés de vente de logements HLM, ceux sur les modalités de mise en vente des logements vacants, sur les nouveaux indicateurs des CUS (conventions d'utilité sociale), ou encore sur la réforme de la gouvernance d'Action logement (qui serait bienvenue en ces temps agités pour la gouvernance du groupe).
Pour autant, les rapporteurs considèrent que "les retards observés dans la publication de certains décrets d'application relatifs au secteur HLM n'empêchent pas celui-ci d'être pleinement engagé dans la restructuration initiée par la loi Elan". Ils en voient la preuve dans le fait que "75% des bailleurs sociaux concernés par l'obligation de regroupement de la loi Elan ont engagé ou achevé un projet de rapprochement avec d'autres bailleurs sociaux et une quarantaine de groupes, dont une majorité de SAC, devraient être créées d'ici à 2021. Parmi les 353 bailleurs sociaux soumis à cette obligation, 41 font déjà partie d'un projet de regroupement situé à un stade avancé, tandis que seulement 25 ne semblent avoir lancé aucune réflexion à ce sujet".
De même, se fondant sur des chiffres de l'USH, les rapporteurs estiment que les ventes de logements sociaux ont progressé de 14% entre 2017 et 2018, tandis que le premier appel à manifestation d'intérêt lancé par l'opérateur national de vente (ONV) d'Action logement a suscité 71 réponses de bailleurs publics et privés correspondants à 11.000 logements.
Encadrement des loyers et Action Cœur de ville
La troisième partie du rapport est consacrée aux mesures relatives au parc privé de logements et aux centres-villes. En ce domaine, l'expérimentation de l'encadrement des loyers a effectivement été (re)lancée par un décret du 13 mai 2019. Mais, pour l'instant, seules deux candidatures formelles se sont manifestées : celles de Paris – où l'encadrement est effectivement entré en vigueur et fait déjà l'objet de recours – et l'établissement public territorial (EPT) de Plaine Commune (Seine-Saint-Denis).
Les choses sont plus avancées sur les opérations de revitalisation de territoire (ORT) et la réforme de l'aménagement commercial. Il est vrai que le programme "Action Cœur de ville" a été engagé dès le printemps 2018 et a déjà donné lieu à la signature de 222 conventions-cadres. De même, 8 conventions ORT ont été signées et 334 autres communes se sont engagées dans le processus d'élaboration ou d'homologation d'une convention d'ORT, parmi lesquelles 159 sont issues du programme "Action Cœur de ville", 31 bénéficient de l'appel à manifestation d'intérêt pour les centres-bourgs et 144 sont des communes "autres" qui se sont portées candidates.
Réforme des implantations commerciales et copropriétés
De façon complémentaire, la réforme de la procédure des autorisations d'exploitation commerciale (AEC), afin de mieux réguler l'implantation de surfaces commerciales en périphéries des villes, est également en bonne voie, avec la publication de deux décrets (17 avril et 7 juin) modifiant la composition des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) et renforçant le contrôle ex post des AEC. Manque toutefois encore le décret permettant au préfet de département de suspendre l'examen des projets d'implantation commerciale menaçant la réalisation d'une opération de revitalisation de territoire (ORT), qui nécessite une consultation de la Commission européenne en application de la directive Services.
Le dernier grand chantier concerne la réforme du régime de la copropriété, afin de lutter contre le phénomène des copropriétés dégradées. En tout état de cause, l'ordonnance sur la question devra intervenir avant le 23 novembre 2019. Les dernières consultations sont en cours et le Conseil d'État devrait être saisi avant l'été.
Le rapport d'information précise enfin que, "dans la mesure où 47% des mesures réglementaires doivent encore être prises, vos rapporteurs préconisent qu'un deuxième bilan sur la mise en application de la loi soit réalisé à l'issue d'un nouveau délai de six mois, conformément à l'article 145-7 du règlement de l'Assemblée nationale".