A Mayotte, après l’urgence, la reconstruction se fait attendre
Dans le cadre d'une tournée de cinq jours dans l'océan Indien, le chef de l'Etat a fait une halte à Mayotte, lundi, où il a présenté aux élus les grandes lignes de sa stratégie de reconstruction. Stratégie chiffrée à 3,2 milliards d'euros qui passera par deux textes de loi adoptés en conseil des ministres le soir même.

© SERGEY PONOMAREV/The New York Times-REDUX-REA
"Quatre mois après, la situation sur le terrain demeure extrêmement difficile. Nombre de mesures annoncées tardent à se concrétiser. (…) L’incompréhension grandit. Nos collectivités locales ont dû faire face à des dépenses exceptionnelles : gestion des déchets, relogement d’urgence, remise en état des bâtiments publics." Les propos du président du conseil départemental de Mayotte, Ben Issa Ousseni, prononcés lundi 21 avril, en présence d’Emmanuel Macron, résument la circonspection des élus des mois après le passage du cyclone Chido qui a fait quelque 40 morts et causé 3,5 milliards d'euros de dommages dans l’archipel. Venu inspecter l’étendue des dégâts en décembre, le président de la République était de retour sur place, dans le cadre d’une tournée de cinq jours dans l’océan Indien. L’occasion d’évaluer les avancées et présenter sa "stratégie de reconstruction" qui doit succéder à présent à la gestion de la crise. "Plus de 500 millions d’euros ont été mobilisés, une loi d’urgence a été votée", a-t-il rappelé, après avoir visité plusieurs communes, notamment à Tsingoni et Mamoudzou, accompagné de son épouse et de quatre ministres : Manuel Valls (Outre-mer), Annie Genevard (Agriculture), Yannick Neuder (Santé) et Thani Mohamed-Soilihi (Francophonie).
3,2 milliards d'euros
Face à des élus dénonçant le manque d’eau, le retard pris par certains dispositifs de cette loi d’urgence du 24 février, comme les prêts à taux zéro pour la reconstruction de logement, ou encore les aides aux familles sinistrées non assurées, Emmanuel Macron a estimé que la situation était en voie de "stabilisation". "C’est un peu moins bien que ce qui existait avant Chido", a-t-il concédé au sujet de l’accès à l’eau. "Aucun de ces points n’est facile sinon il aurait déjà été réglé, d’ailleurs chacun de ces points préexistait dans sa complexité à Chido", a-t-il développé, avant de dévoiler les grandes lignes de son plan de reconstruction qui se chiffre, selon lui, à 3,2 milliards d’euros.
Ce plan, qui mobilisera à la fois des fonds nationaux, des fonds européens et les bailleurs internationaux, passera par deux textes qui ont été adoptés quelques heures plus tard lors d’un conseil des ministres exceptionnel qu’il a présidé depuis son avion en partance pour La Réunion. Le premier est un projet de loi organique relatif au statut de collectivité unique du département-région de Mayotte. Le second est un projet de loi de programmation quinquennal "pour la refondation de Mayotte" bâti autour de 34 articles, répartis en 6 titres. Il accorde une large place au volet migratoire, l’un des grands sujets d’inquiétude des habitants et des élus. Il prévoit ainsi de durcir les conditions d'obtention du titre de séjour dans l'archipel, le retrait des titres des parents lorsque leurs enfants constituent une menace pour l’ordre public, une aide au retour ou une aide à la réinsertion économique des étrangers volontaires...
Bidonvilles
Autre priorité : la lutte contre les bidonvilles, en facilitant les expulsions de leurs occupants et la démolition des locaux. Le texte vise aussi à faciliter la lutte contre le travail illégal dans ces bidonvilles. Avant le passage du cyclone, l’archipel comptait "environ 25.000 bangas, représentant près de 30% de l’habitat total", rappelle l’exposé des motifs du texte. Contrairement aux promesses faites il y a quatre mois, ces bangas ont aussitôt été reconstruits. Le texte comporte une série de mesures relatives aux infrastructures et à "l’aménagement durable" du territoire. En matière économique et social, il prévoit de Mayotte une zone franche globale projet de loi et une "convergence des prestations sociales" entre la métropole et l'archipel. Il instaure un fonds de soutien aux activités périscolaires et contient enfin des mesures en matière d’attractivité dans la fonction publique.
Déposé au Sénat, le texte sera examiné en commission des Lois les 13 et 14 mai, puis en séance publique du 19 au 23 mai. Emmanuel Macron espère son adoption "d'ici l'été". Les mesures règlementaires seront prises "à horizon du 14 juillet".
"Ce texte, nous l’accueillons avec espoir mais aussi avec lucidité et vigilance légitimes", a commenté Ben Issa Ousseni. Selon lui, certains dispositifs d'urgence ont été mal taillés. Ainsi du fonds d’aide au relogement d’urgence (Faru) et des prêts à taux bonifié pour nos collectivités. "Ils sont encore insuffisants pour répondre à l’ampleur de nos besoins : 100 millions d’euros pour 23 collectivités, lorsque pour le seul conseil départemental de Mayotte les dommages dépassent cette enveloppe", a-t-il dit. Selon lui, il y a "un impératif" : "bâtir différemment parce que le cyclone Chido ne sera pas le dernier…"