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Culture - A Marseille, le Mucem entrevoit le bout du tunnel

A l'occasion de l'un de ses tout premiers déplacements, Frédéric Mitterrand s'est rendu, le 5 juillet, à Marseille pour visiter le site du futur musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem). Le ministre de la Culture, accueilli par Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, et l'architecte Rudy Ricciotti, a indiqué qu'il comptait faire de la construction de ce musée l'une de ses priorités. Rappelant les engagements - successifs - de l'Etat, il a également affirmé que le dossier avait été évoqué lors du séminaire gouvernemental réuni le 28 juin autour de François Fillon pour réfléchir à l'utilisation du futur "grand emprunt national" : "J'ai abordé la question. L'idée d'un grand investissement à Marseille et sur le thème de la Méditerranée et du Nord/Sud est forcément une idée qui, pour moi, est prioritaire."
Après un parcours pour le moins mouvementé, le Mucem pourrait ainsi entrevoir le bout du tunnel. Il constituerait alors le premier véritable exemple de décentralisation complète d'un musée parisien, à la différence des opérations Louvre-Lens ou Beaubourg-Metz. Le projet d'origine - considérablement élargi depuis - visait en effet à transférer dans la cité phocéenne le musée national des Arts et Traditions populaires, complété par les collections européennes du musée de l'Homme. Approuvé dans son principe en 2000 par Jacques Chirac, le projet a été officiellement lancé par le gouvernement de Lionel Jospin en 2002, mais sans les financements correspondants. Depuis, malgré le choix du projet architectural en 2004, le dossier a connu de nombreuses vicissitudes, au point de faire douter de sa concrétisation. Entre-temps, le coût prévisionnel du projet n'a cessé de grossir. Parti autour d'une centaine de millions d'euros, il était déjà arrivé à 146 millions d'euros lors de la délivrance du projet de construire en juillet 2008, avant d'atteindre aujourd'hui 175 millions d'euros (60% pour l'Etat et 40% pour les collectivités). Si le projet est soutenu par la ville, le département et la région, sa concrétisation n'était donc pas envisageable sans un engagement de l'Etat. C'est finalement le choix de Marseille Provence comme capitale européenne de la culture pour 2013, le 16 septembre dernier, qui a sauvé le projet de Mucem.
Désormais sur les rails, celui-ci est cependant loin d'être au bout de ses peines. D'une part, le permis de construire a fait l'objet d'un recours de deux associations locales, une situation qui rappelle fâcheusement celle qui a abouti à l'abandon du projet de la fondation Pinault à Boulogne-Billancourt. D'autre part, le management du projet connaît actuellement quelques tangages. La nomination, le 19 mai, de Bruno Suzzarelli - inspecteur général de l'administration des affaires culturelles et ancien directeur de l'administration générale du ministère - à la tête d'une mission de préfiguration est certes une preuve supplémentaire de l'engagement de l'Etat, mais elle a été très mal prise par le directeur actuel du Mucem, Michel Colardelle, qui porte le projet depuis l'origine et bénéficie du soutien des collectivités territoriales. Celui-ci, qui s'était déjà senti visé par un audit commandé en 2007 par le ministère au président du musée du Quai Branly (qui lui avait finalement donné raison), n'hésite pas à évoquer l'existence, rue de Valois, d'un "lobby anti-Mucem". Ces tensions ne peuvent qu'inquiéter dans un dossier lui-même très tendu. Enfin, il reste à régler la question du coût de fonctionnement du musée (autour de 12 millions d'euros par an). Sans oublier l'articulation délicate avec le conseil culturel de l'Union pour la Méditerranée, chapeauté par Henri Guaino (voir notre article du 10 décembre 2008 ci-contre).
Prudent, Frédéric Mitterrand s'est bien gardé d'annoncer une date précise pour le début des travaux (qui auraient normalement dû être engagés au mois de juin) ni pour l'ouverture. Compte tenu de l'ampleur du chantier - qui concerne à la fois le nouveau bâtiment de Rudy Ricciotti, mais aussi le fort Saint-Jean et le centre des réserves de la Belle-de-Mai -, c'est en effet une véritable course contre la montre qui s'engage désormais. Après des années de tergiversations, le moindre incident compromettrait l'ouverture en 2013.

 

Jean-Noël Escudié / PCA