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Transports - L'UFC-Que choisir épingle les trains régionaux pour leurs retards et leurs coûts d'exploitation

Pour sa première grande étude sur le secteur des transports, l'UFC-Que choisir dresse un constat sévère sur la qualité du service des transports régionaux et sur la dérive des coûts d'exploitation. En cause, selon elle : le monopole de la SNCF. En vue des élections régionales, l'association de consommateurs lance une pétition à l'attention des candidats. Elle plaide aussi pour l'expérimentation de l'ouverture à la concurrence pour les régions qui le souhaitent.

Hasard du calendrier, le jour même de la remise du rapport Duron sur l'avenir des trains Intercités (lire notre article ci-contre), l'UFC-Que choisir a dévoilé le 26 mai les résultats de sa première grande étude sur le secteur des transports qu'elle a choisi de centrer sur les transports régionaux (TER, RER et Transilien). "Notre ambition est de marquer les esprits en mettant la qualité du service des transports au cœur des politiques régionales, a souligné Alain Bazot, président de l'UFC-Que choisir en présentant l'étude. A l'approche des élections régionales de décembre 2015, il nous semble utile d'amorcer une nouvelle ère en la matière."

Ponctualité dégradée

Tout en se félicitant de la hausse de la fréquentation des trains régionaux (+34% depuis 2002, avec 4,3 millions de voyageurs aujourd'hui), l'association de consommateurs estime qu'en termes de ponctualité, "la France est dans le wagon de queue européen" et que de surcroît, la situation s'est dégradée en dix ans malgré plus de 7 milliards d'euros investis par les régions dans le renouvellement des trains depuis 2002. En 2014, seuls 89,5% des TER sont arrivés à destination avec un retard inférieur à 6 minutes alors que le taux de ponctualité était de 90,4% il y a dix ans. La France se situe aujourd'hui loin des performances des meilleurs élèves européens que sont l'Autriche (96,4% des trains arrivés à l'heure), l'Allemagne et les Pays-Bas (94,9%) et se trouve aussi devancée par l'Italie (92%), le Luxembourg (91,9%), le Royaume-Uni (91%) et la Belgique (90,5%). "En France, quand on effectue 10 trajets par semaine, on risque statistiquement de connaître au moins un retard ou une absence de train", illustre Joël Dufour, administrateur national de l'UFC-Que choisir. Les performances des trains régionaux sont en outre très variables sur le territoire : la ponctualité connaît ainsi près de 20% d'écart entre les régions. Si l'Alsace détient le meilleur score (95,2% de taux de ponctualité) et si des régions comme Champagne-Ardenne ou la Bretagne affichent aussi une ponctualité satisfaisante (respectivement 94,1% et 93,9%), les régions du sud de la France présentent "une qualité désastreuse", souligne l'association, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur étant lanterne rouge avec un taux de ponctualité de seulement 77,3%. Mais la situation n'est guère plus brillante en Ile-de-France avec 550.000 usagers subissant un retard quotidien (dont 360.000 sur les seuls RER A, B et D).

Des données officielles sous-évaluées

Plus grave, insiste l'étude de l'UFC-Que choisir, les données officielles sur les retards ne sont que "le reflet amincissant des difficultés quotidiennes des voyageurs". Les chiffres officiels calculés par la SNCF elle-même ne tiennent en effet pas compte des retards inférieurs à 6 minutes et comptabilisent de la même façon tous les TER, sans distinguer heures de pointe et heures creuses alors que les problèmes se concentrent sur les premières. Sur la ligne Beauvais-Paris, par exemple, selon les données relevées par un collectif d'usagers de la ligne sur les retards et annulations de trains, le taux de ponctualité des trains les jours ouvrés aux heures de pointe n'atteint que 77,1% alors que les données communiquées par la SNCF à la région Picardie affichent un taux proche de 90%. En outre, souligne l'UFC-Que choisir, les données officielles masquent une grande partie des trains annulés puisque tous les trains supprimés la veille avant 16h sortent des statistiques. Selon l'association, jusqu'à 10% des TER ne roulent pas chaque mois - et même 25% en juin 2014, un mois marqué par deux semaines de grève – sans être pour autant comptabilisés comme des trains annulés…

Des coûts "50% plus élevés qu'en Allemagne"

L'association de consommateurs pointe aussi "l'inquiétante dérive des coûts d'exploitation des trains régionaux" qui sont selon elle "50% plus élevés qu'en Allemagne, pays où la mise en concurrence des exploitants ferroviaires existe de longue date". 10,3 milliards d'euros ont été consacrés à ces trains en 2013 et les subventions atteignent l'équivalent, hors investissements, de 7.800 euros par abonné au TER et par an et de 1.500 euros en Ile-de-France, rappelle-t-elle. "Pour 24% de trains en plus, les dépenses d'exploitation ont augmenté de 87% de 2002 à 2012, a détaillé Mathieu Escot, responsable adjoint des études à l'UFC-Que choisir. Hors péages à RFF (aujourd'hui SNCF Réseau), qui ont été multipliés par trois, le coût au kilomètre a augmenté de 41% sur la même période alors que l'inflation a atteint 18%". Pour l'association, la principale responsable de cette dérive est bien la SNCF, qui jouit, au moins jusqu'à la fin 2019, d'un monopole (partagé avec la RATP en Ile-de-France) sur l'exploitation des trains régionaux. "A l'abri de la concurrence, la SNCF a fait le choix de son intérêt avant celui de ses clients dans l'affectation des gains de productivité qu'elle a réalisés, assène-t-elle. Ainsi, alors qu'elle a réduit ses effectifs de 14% entre 2003 et 2013, sa masse salariale a augmenté dans le même temps de 16%".

Une application "Anti-retards"

L'UFC-Que choisir estime donc qu'"une remise à plat s'impose". "L'échec durable de la SNCF et de la RATP est notamment le résultat des faibles incitations à la qualité : les bonus/malus qui incluent une part de rémunération variable dans les subventions reçues par transporteurs pour les trains régionaux sont dérisoires – en moyenne moins de 1% du total des subventions, constate-t-elle. De même, les abonnés qui subissent ces retards ne sont, sauf rares exceptions encore embryonnaires, pas indemnisés par les transporteurs."
L'association a donc décidé d'agir sur plusieurs fronts pour améliorer la situation des usagers des trains régionaux. Elle a lancé le 26 mai une application gratuite "Anti-retards" pour smartphones Android et iOs pour que les usagers puissent signaler tous les incidents subis dans les TER, RER et Transiliens, qu'il s'agisse de retards ou d'annulations, en indiquent le motif. "Nous voulons ainsi constituer un observatoire indépendant de la qualité des trains régionaux, avec comme acteur principal l'usager lui-même", a expliqué Alain Bazot.

Pétition en direction des candidats aux régionales

L'association a aussi décidé de lancer dans le même temps une pétition "Payons en fonction de la qualité" à l'attention des candidats aux élections régionales dans laquelle elle demande une baisse automatique du tarif des abonnements en cas de retards récurrents sur une ligne. Elle forme également un recours gracieux auprès du syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif) pour que celui-ci modifie les conventions de service public qui le lient à la SNCF et à la RATP en mettant en place "des dispositifs réellement incitatifs pour une meilleure qualité de service". Enfin, l'association réclame une expérimentation de l'ouverture à la concurrence de l'exploitation des trains régionaux pour les régions qui se porteraient volontaires. "Cela permettrait, à l'horizon 2030, 20% d'économies sur l'exploitation des TER", conclut-elle.