Commande publique - L'opposition aux contrats de partenariat veut empêcher un "désastre"
Tous unis contre le contrat de partenariat. A 48 heures de l'examen par les députés du projet de loi qui doit élargir les possibilités de recours à ce nouvel outil de la commande publique, les architectes et les représentants des PME du bâtiment (Capeb), des géomètres-experts (UNGE) du second oeuvre (SNSO) et des sociétés coopératives du BTP (FNSOP BTP) ont fait part de leurs vives inquiétudes lors d'une conférence de presse commune. Ces acteurs, qui représentent un million d'actifs et 350.000 sociétés, dénoncent une procédure qui va selon eux favoriser "les majors" du bâtiment. Le caractère global du contrat et sa complexité nécessitent de "monter une équipe lourde" composée, outre l'entreprise de BTP, d'un cabinet d'avocats et d'un partenaire financier, indique Denis Dessus, vice-président du Conseil national de l'ordre des architectes (Cnoa). Une exigence qui conduira inévitablement à "une limitation drastique de la concurrence". Les 40 sociétés coopératives du BTP font déjà le bilan : les 16 contrats de partenariat lancés depuis 2005 par des collectivités dans le but de rénover l'éclairage public et qui s'élèvent à 280 millions d'euros ont tous été remportés par de grands groupes.
Selon les architectes, ceci est d'autant plus regrettable que le contrat de partenariat ne favorise pas la qualité de la construction. "En Angleterre, jamais un 'award' n'a été accordé à un bâtiment construit en PPP", font-ils valoir. En France, "il est déjà arrivé que sur trois projets architecturaux, le plus mauvais soit finalement sélectionné parce qu'il avait un bon financement", fait remarquer le président du Cnoa, Lionel Dunet, pour qui le contrat de partenariat mène tout droit à ce genre de dérive. Autre souci : l'élu perdra autorité sur le devenir de la ville, et ce d'autant que l'architecte ne conseillera plus la collectivité, mais qu'il sera "aux côtés de l'entreprise pour l'aider à obtenir la meilleure marge aux frais du contribuable". S'il reste quelques avantages au contrat de partenariat, ceux-ci sont "diaboliques", estime Denis Dessus. Par un artifice comptable, la collectivité pourra, par exemple, masquer une partie de son endettement, risquant de créer une véritable "bombe fiscale à retardement".
S'ils ne prônent pas la suppression pure et simple du contrat de partenariat, les acteurs de la coalition contre les partenariats public-privé exigent la mise en place de garde-fous très stricts. Ils voudraient que les contrats de partenariat restent une procédure d'exception, étroitement encadrée par les critères de la complexité et de l'urgence. Ils sont ensuite favorables à un seuil plancher, lequel, rappellent-ils, existe en Grande-Bretagne (où le minimum s'élève à 25 millions d'euros). Enfin, ils demandent que le concours d'architecture se déroule obligatoirement avant la passation du contrat de partenariat, "dans le but de préserver la liberté de choix du maître d'ouvrage public sur les projets architecturaux et urbains".
Pour continuer à se faire entendre, les opposants au contrat de partenariat feront paraître un appel commun dans le journal "Le Monde" du 25 juin (daté du 26).
Thomas Beurey / Projets publics