Archives

Commande publique - Le premier PPP français annulé par le juge administratif

Par un jugement du 29 avril 2008, le tribunal administratif d'Orléans a annulé, pour la première fois, un contrat de partenariat public-privé (PPP) lancé pour la construction et l'entretien d'un collège. Ce PPP conclu pour une durée de dix ans et pour un montant global de 21,5 millions d'euros avait été lancé sur le fondement de l'urgence du projet. Le juge administratif, saisi par le Syndicat national du second oeuvre (SNSO), a toutefois considéré que le caractère urgent du projet, invoqué par le conseil général du Loiret pour avoir recours au contrat de partenariat, ne pouvait être justifié en l'espèce au motif que "l'atteinte portée au fonctionnement du service public par le retard affectant la réalisation du collège de Villemandeur ne présentait pas (...) un caractère de gravité suffisant" permettant de déroger au droit commun de la commande publique.
L'évaluation préalable, réalisée par la collectivité pour justifier le recours à un contrat de partenariat, mettait en avant le retard important pris dans la réalisation du projet et l'urgence de la situation. Ce projet, lancé en 1999, aurait normalement dû prendre fin en 2002. La construction du collège avait été décidée pour faire face aux carences d'équipements scolaires du secteur qui conduisaient à la "surcharge" d'un collège voisin. Suite aux nombreuses difficultés rencontrées lors de l'acquisition des terrains et lors du lancement de deux appels d'offres successifs, déclarés infructueux, le département s'est finalement tourné, en 2006, vers un contrat de partenariat.
Selon le juge administratif, même si ce contrat a effectivement permis un gain de temps d'un à deux ans dans la réalisation du projet - le collège a finalement ouvert en 2007 -, la gravité de la situation ne justifiait pas le recours à un contrat de partenariat puisque les solutions provisoires mises en place par le département (en termes de transport, d'accueil, d'enseignement et de restauration) auraient permis de faire face à la situation pendant le temps nécessaire au lancement d'une procédure de marché publics "classique".
Le juge précise que selon la définition posée par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2003-473 DC du 26 juin 2003, l'urgence peut justifier la passation d'un contrat de partenariat sous réserve qu'elle "résulte objectivement, dans un secteur ou une zone géographique déterminés, de la nécessité de rattraper un retard particulièrement grave affectant la réalisation d'équipements collectifs". Le juge fixe donc deux conditions : la gravité de la situation et l'objectivité, qui signifie que l'urgence ne doit pas résulter du fait de l'administration.

 

Apasp

 

L'urgence, une notion juridique floue

Il n'existe pas, en droit français, de définition précise et concrète de la notion d'urgence. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision 2003-473 DC du 26 juin 2003, fixe néanmoins les contours du critère de l'urgence permettant de recourir aux PPP. Le Conseil constitutionnel juge que les PPP constituent une "dérogation au droit commun de la commande publique" et que par conséquent ce type de contrat doit être réservé à des "situations répondant à des motifs d'intérêt général tels que l'urgence qui s'attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable (...)".

Le conseil général reste convaincu par la procédure

Le conseil général du Loiret n'a pas encore décidé s'il ferait appel de ce jugement. Mais il n'abandonne pas l'idée de recourir à l'avenir à cette procédure pour la construction d'autres collèges : interrogé par l'AEF, il indique qu'il "s'inscrira dans la législation actuellement en vigueur pour les PPP ou le cas échéant dans la législation future" (à savoir le projet de loi présenté en février dernier - voir nos articles ci-contre). Eric Doligé, président du conseil général soutient que ce partenariat public-privé "a répondu à une urgence véritable, à un besoin de sécurité et a donc réduit les délais mais aussi les coûts d'investissements de 25%". L'Unsa-éducation ne partage pas cette analyse : "Il n'est absolument pas prouvé qu'un PPP coûte moins cher qu'une passation de marché ordinaire et nous souhaitons que le gouvernement conduise une évaluation sur le sujet", rétorque Sami Driss, secrétaire national. La fédération syndicale se félicite de la décision du tribunal orléanais "qui montre bien que les collectivités locales n'ont pas besoin de recourir à ce type de partenariat", dit son représentant. - C.M.

Références :  tribunal administratif d'Orléans, jugement 0604132,06044140 du 29 avril 2008 ; Conseil constitutionnel, décision 2003-473 DC du 26 juin 2003.