Insertion - Loin de décoller, le RSA-jeunes recule
En septembre 2009, lors de l'annonce de la prochaine mise en place d'un RSA-jeunes (revenu de solidarité active), Nicolas Sarkozy avait évoqué le chiffre de 160.000 moins de 25 ans concernés. Puis, au moment de la mise en place de cette nouvelle prestation, le 1er septembre 2010, le gouvernement avait tablé sur des chiffres a priori plus réalistes, avec un objectif d'environ 15.000 bénéficiaires la première année. Mais même cet objectif modeste ne sera finalement pas atteint.
Les dernières statistiques publiées par la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) montrent que non seulement le RSA-jeunes n'a pas décollé, mais qu'il enregistre au contraire, pour la première fois, un recul du nombre de ses bénéficiaires. Les chiffres, qui se situent au 30 septembre 2011, soit un an après la mise en place de la prestation, font en effet état à cette date d'"environ 9.000 foyers résidant en France métropolitaine". Ce chiffre marque donc un recul par rapport à celui du 30 juin 2011, qui était de 10.000 allocataires. La Cnaf indique toutefois que si l'on prend en compte l'ensemble des jeunes ayant bénéficié de cette prestation durant au moins un mois depuis septembre 2010, on arrive à un total de 19.000 allocataires. Même si la baisse du troisième trimestre 2011 devrait être annulée lorsque seront connus les résultats au 31 décembre, les résultats sont très modestes : au 31 décembre 2010, soit trois mois après la mise en place de la prestation, on comptait déjà 7.000 bénéficiaires du RSA-jeunes.
Des conditions d'accès drastiques
Le marché de l'emploi, toujours très morose, peut difficilement expliquer cette stagnation du RSA-jeunes. La réponse est donc à chercher du côté de la prestation elle-même. Elle tient à des conditions d'accès très restrictives. Celles-ci ont d'ailleurs été durcies par rapport au projet d'origine, ce qui explique aussi l'écart entre le chiffre initial évoqué par le chef de l'Etat en septembre 2009 et la prévision du gouvernement un an plus tard. Outre les conditions d'âge (18 à 25 ans) et d'épuisement des droits à l'assurance chômage, l'attribution du RSA-jeunes suppose en effet que le demandeur justifie d'au moins deux années de travail (3.214 heures) au cours des trois années précédentes.
Le choix de restreindre l'accès au RSA-jeunes était volontaire et résulte en ligne directe des mêmes débats que ceux qui ont présidé à la création du RMI en 1988 : ne pas installer les jeunes dans une situation d'"assistance" avant même leur entrée dans la vie active. Lors de la création du RMI, le choix avait ainsi été fait de limiter la prestation aux plus de 25 ans, sauf en cas de charge de famille. Mais dans le cas du RSA-jeunes - qui devait atténuer, sinon lever, cette barrière des 25 ans -, il semble aujourd'hui que l'effet de conditions d'accès très restrictives est allé au-delà même de ce qu'envisageaient les promoteurs du dispositif. Une situation qui a récemment conduit le Conseil national de lutte contre l'exclusion (CNLE), présidé par Etienne Pinte, à demander "la suppression de la condition de deux années dans l'emploi avant l'ouverture des droits, de façon à ce que ce complément de salaire puisse bénéficier à tous les jeunes qui travaillent" (voir notre article ci-contre du 6 décembre 2011).
Jean-Noël Escudié / PCA
Qui sont les bénéficiaires du RSA-jeunes ?
La dernière livraison de la Cnaf apporte aussi des informations intéressantes sur le profil des allocataires du RSA-jeunes. Ainsi, seul un quart des bénéficiaires est âgé de 18 à 20 ans (ce qui s'explique sans doute, pour une bonne part, par l'obligation de deux années de travail dans les trois années précédentes). La tranche d'âge la plus fréquente est celles des 23-24 ans, qui représentent plus de 40% des foyers concernés. Les bénéficiaires du RSA-jeunes comptent 46% de femmes seules et 38% d'hommes seuls, soit plus de 80% d'isolés.
Le bénéfice du RSA-jeunes cesse lorsque l'intéressé atteint l'âge de 25 ans. Mais nombre d'entre eux basculent alors sur le RSA non majoré. C'est le cas de plus de 10% du "stock" d'allocataires chaque trimestre.
L'étude de la Cnaf fait également apparaître des écarts importants dans la répartition géographique des allocataires du RSA-jeunes - faible proportion en Ile-de-France et dans le Sud-Ouest et proportion plus importante dans le Grand Ouest -, mais les quantités sont si faibles qu'il paraît difficile d'en tirer des conclusions probantes.