Locations meublées : de nouvelles possibilités d'investigation pour les communes, mais les amendes s'effondrent
Suite du feuilleton des locations touristiques meublées. Un décret publié le 31 octobre vient préciser les demandes d'information qu'une commune peut soumettre aux plateformes. Celles-ci pointent les effets pervers d'un "excès de réglementation". Dans le même temps, un amendement sénatorial au projet de loi "Engagement et proximité" entend permettre aux communes de ramener de 120 à 60 jours par an la durée maximale de location d'un logement via une plateforme. Julien Denormandie est contre. Pour l'heure, les contentieux sont bloqués dans l'attente d'une décision de la CJUE.
Lors de l'examen, en première lecture, du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique ("Engagement et proximité"), le Sénat a adopté, le 16 octobre, un amendement permettant aux communes de ramener de 120 à 60 jours par an la durée maximale d'une location touristique meublée, autrement dit des logements proposés en location sur des sites comme Airbnb ou Abritel (voir notre article ci-dessous du 18 octobre 2019). Cet amendement a été adopté, à une large majorité, contre l'avis du rapporteur, mais aussi contre celui du gouvernement. Ces derniers craignent en effet un risque d'inconstitutionnalité, dans la mesure où la durée légale d'occupation d'une résidence principale est de huit mois (240 jours). Or l'amendement reviendrait, de fait, à la porter à 300 jours, en ramenant la durée légale de location de 120 à 60 jours.
Une demande annuelle d'informations pour les communes
Le gouvernement ne reste cependant pas inactif pour encadrer davantage l'activité des plateformes de locations meublées touristiques. En effet, un décret du 30 octobre 2019 vient préciser les demandes d'information pouvant être adressées par les communes aux intermédiaires de location de meublés de tourisme. Ce texte, qui entre en vigueur le 1er décembre, est pris en application de l'article 145 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan).
Le décret précise que la commune qui a mis en place la procédure d'enregistrement des locations meublées peut adresser "au plus une demande d'information par année civile" aux plateformes d'intermédiation locative, "portant sur les locations de meublés de tourisme de l'année en cours et celles de l'année civile précédente". La demande, transmise par voie électronique, peut porter sur les locations de meublés de tourisme "situés dans un périmètre donné couvrant tout ou partie du territoire de la commune". La plateforme transmet les informations, sous forme électronique et dans un délai maximal d'un mois à compter de la demande, "pour chaque meublé de tourisme ayant fait l'objet d'au moins une location dans la commune par l'intermédiaire de [la plateforme], y compris si ce meublé n'est plus offert à la location à la date de la demande".
Les informations à transmettre par la plateforme portent sur l'adresse du local meublé (en précisant, lorsqu'elle en a connaissance, si ce dernier fait partie d'un immeuble comportant plusieurs locaux, le bâtiment, l'escalier, l'étage et le numéro d'appartement), sur le numéro de déclaration (si la plateforme en a connaissance) et sur le nombre de jours au cours desquels ce meublé a fait l'objet d'une location par son intermédiaire.
En cas de non-respect de ces obligations, les plateformes sont susceptibles d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros par meublé de tourisme objet du manquement. L'amende est prononcée par le président du tribunal de grande instance, statuant en référé, sur demande de la commune.
Un doublon avec les informations de la taxe de séjour ?
Si Julien Denormandie se félicite de cette mesure, dans un entretien au Parisien du 31 octobre, il redit son opposition à l'amendement du Sénat – qui ne devrait pas figurer dans le texte final – et réaffirme que "louer sa résidence principale 120 jours ne réduit pas l'offre de logements". Ian Brossat, l'adjoint (PCF) à la maire de Paris en charge du logement, juge au contraire "incompréhensible que le gouvernement reste sourd à la colère d'habitants de plus en plus nombreux qui ne supportent plus les nuisances engendrées par Airbnb".
De son côté, l'Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV), qui regroupe les principales plateformes de locations touristiques meublées, regrette un "excès de réglementation [qui] n'aura pour effet que de détourner les propriétaires des plateformes qui respectent la loi" et "les incitera à avoir de plus en plus recours au marché parallèle qui échappe à tout contrôle". Elle fait également remarquer, non sans raison, que les informations prévues par le décret du 30 octobre 2019 sont déjà transmises dans le cadre de la perception et du reversement de la taxe de séjour.
Le montant total des amendes divisé par sept en un an
Dans le très long feuilleton des locations touristiques meublées, BFM Immo apporte une nouvelle pièce au dossier en dévoilant l'effondrement des recettes liées aux amendes infligées aux loueurs de meublés qui ne respectent pas la réglementation. A Paris – de très loin la ville la plus concernée –, le montant total de ces amendes est passé de 2 millions d'euros en 2018 à 298.500 euros cette année, soit une division par sept.
La raison de cet effondrement tient à une cause unique : le blocage des contentieux dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Dans une décision du 15 novembre 2018, la Cour de cassation a en effet accepté de transmettre une question préjudicielle à la CJUE (voir notre article ci-dessous du 6 décembre 2018). La saisine émane d'une SCI condamnée pour location abusive par le tribunal de grande instance de Paris. Celle-ci faisait valoir que la cour d'appel a violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne, en ce qu'elle n'a pas établi que cette restriction à la libre prestation de service était justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général et que l'objectif poursuivi ne pouvait pas être réalisé par une mesure moins contraignante, comme l'exige l'article 9 de la directive européenne "Services" de 2016. En attendant la décision de la CJUE, pour laquelle aucune date n'est encore avancée, tous les contentieux de même type sont bloqués de fait par les tribunaux. Sur les 210 dossiers transmis par la ville au TGI de Paris, 154 sont actuellement en sursis à statuer, conduisant ainsi à l'effondrement des amendes.
Références : décret n°2019-1104 du 30 octobre 2019 pris en application des articles L.324-1-1 et L.324-2-1 du code du tourisme et relatif aux demandes d'information pouvant être adressées par les communes aux intermédiaires de location de meublés de tourisme (Journal officiel du 31 octobre 2019).