Logement social - L'Ile-de-France va-t-elle bénéficier d'un régime d'exception ?

Au-delà des problémes spécifiques au marché du logement, l'Ile-de-France souffre d'une absence de structuration des politiques locales en faveur du logement social. Le comité de pilotage mis en place par Christine Boutin le 14 novembre devra impulser de nouvelles dynamiques territoriales.

En septembre, lors du dernier congrès HLM, l'USH demandait instamment à la ministre du Logement, Christine Boutin, de lancer une politique de logements sociaux spécifique à l'Ile-de-France pour répondre à une situation de forte pénurie. Le président de l'USH, Michel Delebarre, déclarait le 20 septembre : "Nous considérons que l'Etat ne peut laisser les choses aller à vau-l'eau et doit prendre des initiatives pour que la régulation du logement se fasse à un niveau plus cohérent avec la réalité du bassin d'habitat." Le même jour, la ministre, annonçant la mise en place d'un comité de pilotage, avançait : "Peut-être faudra-t-il aller aussi jusqu'à envisager une forme d'exception francilienne, au moins pendant une période limitée, en matière d'urbanisme, d'aménagement et de politique de financement du logement." Selon les données du ministère, le retard accumulé conduit aujourd'hui à estimer les besoins de construction à au moins 60.000 logements par an.


Dalo oblige

Le 14 novembre, Christine Boutin a mis en place à la préfecture de région le comité de pilotage des "Etats généraux du logement en Ile-de-France" réunissant le président du conseil régional, le maire de Paris et le président de l'Association des maires d'Ile-de-France, les huit présidents des conseils généraux ainsi que les préfets de départements. Quatre thématiques (et donc quatre groupes de travail) sont à l'ordre du jour : l'impulsion de nouvelles dynamiques territoriales, la production du foncier et l'articulation urbanisme et logement, la prise en compte des spécificités du marché francilien et l'accès au logement. La problématique spécifique à l'Ile-de-France n'est pas nouvelle mais l'application très prochaine de la loi du 5 mars 2007, dite loi Dalo, impose aujourd'hui de prendre le taureau par les cornes. Dans son rapport d'octobre dernier, le comité de suivi Dalo estimait que "la région francilienne représente à elle seule environ 40% des publics concernés par la loi du 5 mars 2007". Toujours en octobre, l'Union sociale pour l'habitat d'Ile-de-France (Aorif) ajoutait que près de 100.000 demandeurs de logements pouvaient saisir la commission de médiation sans délai. Pour autant, l'organisme régional rappelait que "2006 devrait être une année exceptionnelle avec une augmentation de la production de logements sociaux de 28,77% par rapport à 2005". L'Aorif demandait alors une harmonisation à l'échelle de l'agglomération francilienne des modalités de mise en oeuvre du Dalo.

 

Dur, dur...

Car, au-delà des problématiques liées à un marché particulièrement tendu et donc à un foncier difficile d'accès, se pose depuis longtemps la question du pilotage des politiques locales du logement dans cette région. Faut-il, comme l'avait proposé en 2005 le conseil économique et social de la région, donner à la région ce rôle de pilote ? La difficile et longue négociation sur la révision du schéma directeur de la région Ile-de-France (Sdrif) a illustré les fortes tensions entre élus locaux mais aussi la position spécifique de l'Etat. Le 16 septembre dernier, le préfet de la région Ile-de-France diffusait un avis dans lequel il regrettait que "la relance de la construction de logements n'ait pas été appréhendée de façon satisfaisante pour permettre un développement ambitieux de l'Ile-de-France". Comment les commissions de médiation installées au niveau départemental pour appliquer la loi du 5 mars vont-elles pouvoir harmoniser leur politique ? Comme l'a rappelé le comité de suivi Dalo dans son rapport d'octobre dernier, cette organisation départementale ne correspond pas au bassin d'habitat - la région - sur lequel interviennent 1.395 collectivités et groupements de collectivités.

 

...quand les fondations sont fragiles

Comment, alors, pouvoir s'appuyer, à l'instar des autres régions, sur la délégation des aides à la pierre alors que l'Ile-de-France est à la traîne en matière d'intercommunalité ? La solution passerait-t-elle, comme l'a proposé récemment l'association des maires Ville et Banlieue, par des périmètres  intercommunaux imposés par les préfets ? L'article 55 de la loi SRU qui prévoit un pourcentage de 20% de logements sociaux sera-t-il la bonne réponse au phénomène de "ségrégation spatiale" (8% des communes concentre la moitié du parc locatif social) comme l'a suggéré le comité de suivi Dalo ? Le 14 novembre, lors de l'installation du comité de pilotage, le président du conseil régional, Jean-Paul Huchon (PS), a demandé à nouveau son "application sévère" rappelant que "sur 188 communes soumises à la loi SRU, seules 89 ont atteint leurs obligations de construction". Si l'on ajoute le retard de production et la tension du marché... le chantier s'annonce pour le moins complexe et impose, estiment certains acteurs du secteur, la mise en place d'un plan Marshall placé sous l'autorité du ministère du Logement. Le comité de pilotage "Etats généraux du logement en Ile-de-France" doit faire connaître ses propositions d'ici le printemps prochain.

 

Clémence Villedieu