Logement social - Expérimentation Dalo : pour ou contre ?
A la date d'aujourd'hui, 98 délégataires des aides à la pierre (25 départements et 73 EPCI) ont en charge les financements de l'Etat pour programmer les constructions de logements sociaux et pour engager les actions dans le parc privé. Globalement, la délégation a permis d'augmenter la production de logements et s'est donc révélée être un succès. Détenteurs d'un nouveau levier, certains délégataires regrettent de ne pas avoir dans leurs mains l'ensemble des outils pour maîtriser le parcours résidentiel du logement. La loi instaurant un droit opposable au logement est-elle l'occasion d'élargir leur portefeuille ? Votée en mars 2007, la loi est notamment le fruit des réflexions engagées par le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées. Mais à l'inverse de cette institution, elle ne donne pas aux délégataires la responsabilité de son application mais leur préfère l'Etat. Elle ouvre cependant la possibilité aux délégataires volontaires de prendre le pilotage du Dalo. Aujourd'hui, cette loi devient une réalité : les commissions départementales de médiation seront mises en place au 1er janvier 2008 et au 1er décembre 2008, soit 11 mois plus tard, les recours devant les tribunaux administratifs seront ouverts au public prioritaire. Comment vont se placer les collectivités et EPCI fortement engagés dans le logement dans ce nouveau mécanisme ? Si la communauté urbaine de Brest préfère ne pas postuler à l'expérimentation, la communauté d'agglomération de Rennes Métropole est prête : il lui reste à négocier les conditions de son intervention.
Articulation ?
"Le droit opposable au logement est l'un des quatre axes prioritaires du quatrième plan local de l'habitat adopté le premier janvier prochain", lance Jean-Pierre Caroff, vice-président de la communauté urbaine de Brest Métropole Océane en charge de l'habitat. Pour l'agglomération bretonne de plus de 210.000 habitants, la loi du 5 mars 2007 ne devrait pas provoquer de grands bouleversements : "Nous avons déjà constaté, il y a 15 ans, qu'il était nécessaire de mettre en place un dispositif 'anti-patate-chaude', les différents acteurs du secteur se défaussaient les uns sur les autres pour ne pas prendre en charge les populations les plus difficiles à loger." Toute demande de personne non logée est donc examinée dans le cadre de la Casal (commission d'accompagnement social et d'accès au logement ). Chaque trimestre, avec tous les partenaires concernés, la CU règle les problèmes des personnes les plus en difficulté, c'est-à-dire celles qui ont des problèmes économiques mais aussi comportementaux pour accéder à un logement. " Nous avons aussi un dispositif de sortie des logements d'insertion : l'office communautaire a alors six mois pour trouver un logement", ajoute l'élu de Brest Métropole Océane. Comment, dans ces conditions, va se mettre en place la commission départementale qui a bien entendu une vocation géographique plus large mais qui ne devra pas faire doublon sur un territoire intercommunal déjà très structuré ?
A Rennes comme à Brest, l'objectif est de demander à cette nouvelle instance départementale de déléguer ses compétences à la conférence intercommunale qui aujourd'hui applique de fait le droit au logement opposable. "Nous voulons éviter que la loi ait pour effet de casser l'acquis, de remettre en cause la concertation, bref, qu'elle ne fasse entrer un éléphant dans un magasin de porcelaine", commente Guy Potin, adjoint au maire de Rennes et conseiller communautaire en charge du dossier à Rennes métropole. A la communauté d'agglomération rennaise, la conférence d'appel intercommunale réunit toutes les personnes qui ont intérêt à être membres de cette instance. Elle statue sur les demandes des personnes et répond en fonction de leurs profils et de leurs attentes. "Nous sommes favorables à une priorisation de l'accès au logement mais nous adaptons les paramètres pour maintenir la mixité sociale. La loi du 5 mars 2007 ne nous semble pas être une bonne réponse : si nous la respectons à la lettre, seuls les plus démunis auront accès au logement social", ajoute Guy Potin.
Pilotage local ?
"En matière d'expulsion, nous travaillons avec la sous-préfecture pour mobilier la réservation préfectorale." Pour autant, le vice-président de Brest Métropole Océane n'est pas favorable à une délégation de ce contingent à l'EPCI : "Dans la pratique, le contingent est délégué mais nous ne nous risquerons pas à signer une convention qui nous imposerait à devenir les seuls responsables." La loi Dalo prévoit en effet, au nombre des compétences transférées, la délégation du contingent préfectoral à l'EPCI mais, selon la législation en vigueur, le représentant de l'Etat peut se substituer au président de l'établissement public de coopération intercommunale pour décider directement de la réservation des logements. "Il faut que ce système évolue : le transfert total de responsabilité est inadmissible : nous devons poursuivre un engagement partagé!", commente Jean-Pierre Caroff.
Pour Rennes, la problématique est différente car il n'y a jamais eu de contingent préfectoral. "Pour la délégation des aides à la pierre, les objectifs définis par l'Etat ont été bien au dessous de ceux que nous avons remplis : pour le Dalo, nous ne risquons rien !" Reste encore, et la délibération intercommunale n'a pas été prise, à délimiter le périmètre de cette expérimentation en fonction des moyens de la communauté d'agglomération car l'article 14 de la loi Dalo donne aux délégataires volontaires compétences en matière d'insalubrité, de procédures de résorption des immeubles menaçant ruine, de procédures de réquisition ou d'action sociale. "Nous préférons faire face à nos responsabilités et si le Dalo ne nous apporte rien, nous préférons nous porter candidat pour éviter qu'une démarche administrative fasse place à une véritable démarche politique mise en place depuis des années", conclut Guy Potin.
Clémence Villedieu