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Lutte contre l'exclusion - L'Ile-de-France, toujours plus riche, toujours plus inégalitaire

Le Secours catholique publie une étude intitulée "La fracture territoriale : analyse croisée des inégalités en Ile-de-France". Cette étude très riche et documentée - qui agrège de nombreuses sources statistiques - montre notamment que le dynamisme global de l'Ile-de-France se paye d'une fracture sociale et spatiale croissante au sein de la région.

Revenu médian : 50% d'écart entre les Hauts-de-Seine et la Seine-Saint-Denis

Le signe le plus évident de cette fracture se lit dans les disparités de revenus, avec un écart de plus de 50% entre le revenu médian disponible de Seine-Saint-Denis et celui des Hauts-de-Seine. Mais il se lit aussi "au sein de chaque département avec une très forte concentration des pauvretés dans certaines communes ou certains arrondissements".
Le même type d'écarts se retrouve dans bien d'autres domaines, pour la plupart en lien direct avec les disparités de revenu : le taux de chômage, la proportion d'allocataires du RSA, le nombre de familles monoparentales, mais aussi l'éducation, le logement ou la santé (écarts dans les taux de mortalité par cancer, prévalence de l'obésité...).
Plus encore que l'existence de ces écarts, le plus inquiétant est que "la tendance mesurée au cours des dix voire des cinq dernières années révèle un accroissement de ces disparités. Les départements les moins favorisés d'Ile-de-France deviennent encore plus pauvres. Les communes les plus pauvres de chaque département voient leur situation se dégrader un peu plus chaque année".
Cette fracture sociale se double en effet d'une fracture territoriale, avec une forte concentration de la pauvreté en Seine-Saint-Denis, dans le nord-est de Paris et dans une partie du Val-de-Marne. S'y ajoutent des "îlots" de pauvreté en grande couronne de l'agglomération, comme à Mantes dans les Yvelines ou dans certaines zones périurbaines éloignées en Seine-et-Marne.

Logement et hébergement : rien ne va plus

Il n'est évidemment pas possible de rendre compte des très nombreuses données compilées par le Secours catholique. On peut néanmoins en retenir quelques éléments significatifs. Par exemple, en huit ans, la proportion de ménages pauvres a progressé deux fois plus vite en Ile-de-France que dans le reste de la France (+5 points contre +2,6 points). Autre signe de ce creusement des inégalités : dans les dix communes aux revenus les plus faibles de chaque département francilien, les revenus médians et ceux du premier décile ont moins progressé que ceux de l'ensemble du département considéré depuis cinq à dix ans. Ceci vaut aussi pour les arrondissements parisiens, où l'écart se creuse entre le nord-est de la ville et le reste de la capitale.
En matière de logement également - et malgré les obligations des lois SRU et Alur - "le parc social des communes les plus pauvres a tendance à s'accroître plus vite que dans les autres communes : plus faible est le revenu par habitant, plus élevée est la densité du parc social". L'étude pointe au passage "la crise aiguë du logement social en Ile-de-France", malgré l'accélération du rythme de la construction. Sans même parler du Dalo (droit au logement opposable), pour lequel l'Ile-de-France concentre 57% des dossiers nationaux (avec Paris en tête devant la Seine-Saint-Denis).
Cette fracture en matière de logement se retrouve sans surprise dans "la répartition géographique inéquitable" de l'hébergement d'urgence, concentré sur la Seine-Saint-Denis et le nord-est de Paris (notamment pour les nuitées hôtelières).

Des écarts très maqués dans l'accès aux diplômes

Les disparités territoriales sont tout aussi importantes en matière d'accès aux diplômes : la part de la population de plus de quinze ans dépourvue de tout diplôme va de 12,4% à Paris à 29% en Seine-Saint-Denis (pour une moyenne francilienne de 17,1% et nationale de 17,2%). Les contrastes sont également très marqués dans la part d'élèves entrant en 6e avec au moins une année de retard : 7,6% dans les Hauts-de-Seine, mais 16% en Seine-Saint-Denis (pour des moyennes régionales et nationales de 11,1% et 11,2%).
Enfin, les résultats ne sont pas meilleurs en termes d'accès aux soins, même si les indicateurs sanitaires de l'Ile-de-France sont globalement favorables. Un habitant des Hauts-de-Seine affiche ainsi une espérance de vie supérieure de deux ans à celle d'un habitant de la Seine-Saint-Denis.