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Pauvreté - Les communes riches font moins pour les pauvres, selon une enquête du Secours catholique

Pourquoi mener une politique envers les pauvres s'il n'y en a pas dans sa commune ? Les villes de gauche ne développent-elles pas des actions envers les plus défavorisés d'abord parce qu'elles y puisent leur électorat ? Le Secours catholique se refuse évidemment à ces calculs. Les siens sont d'ordre statistique. Et ils montrent sans détours les inégalités en oeuvre d'une commune à l'autre de l'Ile-de-France.

"Une disparité très forte selon les communes dans la prise en compte des pauvretés et leur traitement". Voilà ce que montre, chiffres à l'appui, une enquête menée par le Secours catholique auprès des communes d'Ile-de-France de plus de 10.000 habitants, hors Paris (*), portant sur l'analyse des besoins sociaux de leurs habitants, de leurs politiques d'’accueil, de domiciliation, d’hébergement, de logement et leur politique familiale et culturelle. L'association note "une forme inquiétante d’abandon de ces sujets par les communes riches aux municipalités déjà les plus en prise avec la misère".
76% des communes ayant répondu à l'enquête du Secours catholique ne dispose ainsi d'aucune place d’hébergement, alors même que la loi impose un minimum de 5 places pour une ville de 10.000 habitants. Celles proposant des lieux d’hébergement sont souvent les moins riches, comme Saint-Denis, Brétigny-sur-Orge et Argenteuil, qui sont citées.
Dans les Yvelines, les lieux choisis pour loger temporairement les demandeurs d’asile sont Sartrouville, Chanteloup-les-Vignes, Les Mureaux, Porcheville ou Trappes, relève le Secours catholique, "c’est-à-dire les villes les plus pauvres du département".
L'hébergement serait "un sujet totalement ignoré des communes riches", conclut l'association.

PLAI ? Quel PLAI ?

Plus de 44% des communes ayant répondu à l'enquête offrent moins de 25% de logements sociaux. L’écart entre les municipalités les plus actives et celles les plus en retrait va de 1 (pour Neuilly-sur-Seine) à 17 (pour Bonneuil-sur-Marne).
85% des communes ont moins de 10% de leurs logements sociaux en PLAI ou ignorent cette dénomination. Là encore, les plus engagées sont aussi les communes les plus pauvres : Champigny-sur-Marne, Villetaneuse, Montfermeil. Tandis que "les communes les plus aisées, très peu actives en termes de logement social, ignorent le PLAI", note le Secours catholique.
Des chiffres que l'association met au regard du taux de relogement Dalo en Ile-de-France estimé à 30% des personnes ayant exercé un recours (Sources : Comité de suivi Dalo) et qui lui font dire que "la carence de logements très sociaux (PLAI) rend le droit au logement inapplicable".

"Il n’y a pas de SDF chez nous"

Les écarts sont là encore forts dans la mise en œuvre de la domiciliation, dispositif qui permet aux personnes sans domicile stable de recevoir du courrier privé ou administratif et d’accéder à leurs droits civils, civiques et sociaux. 14% des communes admettent ne pas pratiquer du tout la domiciliation "et être donc hors la loi", comme le souligne le Secours catholique, précisant que sur les 86% qui la pratique 14% domicilient moins de 10 personnes. Le taux de personnes domiciliées par rapport au nombre d’habitants varie en effet, selon les mairies, de 0,02 (pour Montfermeil, Ville-d'Avray, Vaucresson) à 2,5% (Colombes) et exceptionnellement à 4,1% (pour Nemours). 1% de la population en Ile-de-France aurait besoin de domiciliation, "soit 4 fois plus que ce que les communes proposent", estime le Secours catholique.
"Il n’y a pas de SDF chez nous, donc la commune n’a jamais été sollicitée", justifie une municipalité qui ne domicilie pas. Une autre explique qu'elle "fait de la domiciliation mais seulement pour le personnel communal en rupture de logement ou en instance de séparation".
Une autre que "la domiciliation Dalo est la seule véritablement prise en compte par la commune sous réserve de prouver une attache avec celle-ci : y avoir résidé, avoir de la famille, un enfant scolarisé, une activité professionnelle… "
Quant à la domiciliation "Asile", elle n’est assurée que par 24% des mairies, "alors qu’elle est absolument indispensable pour prétendre au droit à l’asile", souligne le Secours catholique, soupçonnant que "les communes qui n’assurent pas ce droit, interprètent de manière restrictive la loi pour limiter l’accueil des étrangers".

Pilotage à vue

"La moitié des communes pilotent leur politique sociale sans visibilité", conclut le Secours catholique découvrant que seulement 48,5% des communes ont réalisé une analyse de besoins sociaux (ABS). "Il semblerait que certaines reculent devant le coût que peut constituer la réalisation de l’ABS ou face à la relative complexité de l’exercice", ajoute-t-il. Mais il y a aussi celles qui "ne mesurent pas l’importance de cet outil d’analyse pour pouvoir concevoir les politiques sociales". Et de rappeler que l'ABS est obligatoire depuis 1995 et que "l’UNCCAS propose des outils pour aider les communes, notamment celles qui ont moins de 20.000 habitants".
Les communes privées d'ABS "n’ont pas de connaissances réelles des situations de pauvreté sur leur territoire et ne sont pas en mesure d’évaluer finement la réalité des besoins et l’efficacité de ce qui est mis en œuvre", insiste l'association.

La moitié des communes proposent un écrivain public

Une large part des mairies interrogées affirment avoir développé une politique d’accueil. Ainsi 94% des communes déclarent faciliter l’accès physique aux démarches administratives et près de 50% mettent à disposition un écrivain public aux personnes en grande difficulté. 89% déclarent que leurs agents municipaux d’accueil ont bénéficié d’une "formation à l’écoute". Un tiers ont pris des engagements sur la qualité de leur accueil, par exemple via une "charte d’accueil".
Dans les crèches, 67% des communes proposent des conditions d’accès adaptées aux enfants dont les parents sont sans emploi ou à temps partiel. 80% proposent des activités culturelles pour les familles les plus en précarité à des conditions accessibles. "Sur le terrain, le Secours catholique constate cependant que ces activités sont souvent méconnues par les familles et les relais qui pourraient les informer", tempère l'association.

Valérie Liquet

(*) Enquête réalisée au cours du dernier trimestre 2013 auprès des 210 communes d’Ile-de-France de plus de 10.000 habitants, sauf celles des Hauts-de-Seine qui avaient déjà fait l'objet d'une telle enquête en 2012. 70 ont répondu au questionnaire, soit 33 d'entre elles.