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Santé - L'Igas et l'IGF pointent l'endettement des hôpitaux, la FHF dénonce les normes

Montrant que l'endettement des hôpitaux a triplé entre 2002 et 2012, le rapport sur l'"Evaluation du financement du pilotage de l'investissement hospitalier" préconise notamment une plus grande rigueur dans le choix des investissements.

L'inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale des finances (IGF) publient leur rapport définitif sur l'"Evaluation du financement du pilotage de l'investissement hospitalier". L'objectif est d'examiner "les moyens de maintenir la capacité d'investir de l'hôpital, aussi bien au niveau microéconomique que macroéconomique". Le rapport rappelle au passage que, si le plan Hôpital 2012 a été mieux encadré que son prédécesseur (le plan Hôpital 2007), il s'est en revanche "largement évanoui en cours de route faute de financement". En dépit de cette défaillance des financements publics, le montant de l'investissement hospitalier a doublé au cours de la période 2002-2012, en bonne partie sous l'effet des plans H2007 et H2012. Mais, pendant que l'investissement doublait, l'endettement des hôpitaux a triplé. L'encours des prêts à moyen et long terme est ainsi passé de 9 milliards d'euros en 2003 à plus de 24 milliards en 2011.

Un recours massif à l'endettement

Ainsi, cet effet de ciseaux entre le volume d'investissement et la défaillance du financement public a eu pour conséquence que "le surcroît d'investissement a été financé par un recours massif à l'endettement, saturant ainsi en partie la possibilité de recours à l'emprunt pour les investissements à venir, d'autant que la situation bancaire est délicate". En outre, la capacité des établissements à financer leurs investissements passés et futurs - autrement dit la marge brute non aidée -, "réduite par l'investissement massif sans une maîtrise correspondante de la gestion interne, reste encore très insuffisante". Pourtant, il reste des opérations "inéluctables" à financer, comme la mise aux normes de sécurité (désamiantage et mise aux normes parasismiques) ou la réponse à des situations de vétusté devenues critiques. Enfin, le rapport constate que la restructuration de l'offre de soins n'a pas été menée à son terme et que certaines grosses opérations de regroupement restent à financer.
Devant ce constat - et contrairement a ce qui a pu être écrit dans la presse -, le rapport de l'Igas et de l'IGF ne propose pas de restreindre le recours à l'emprunt, qui demeurera indispensable pour mener à bien les opérations évoquées ci-dessus en période de pénurie budgétaire. Mais il préconise - en amont du financement - une politique mieux maîtrisée de l'investissement.

Les ARS doivent être plus sélectives dans leurs décisions

Ceci passe d'abord par une plus grande rigueur dans le choix des investissements, et vise surtout les agences régionales de santé (ARS) qui "doivent être beaucoup plus sélectives dans leurs décisions, préserver une marge de manœuvre annuelle et rester en première ligne de l'expertise des projets en raison de leur rôle essentiel de régulateur territorial". Le rapport préconise aussi de mettre en place un vrai pilotage national de l'investissement dans les systèmes d'information hospitaliers et les équipements lourds - un problème récurrent depuis trente ans - et de renforcer le rôle d'ingénierie immobilière de l'Anap (Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médicosociaux).
Le second élément de réponse passe par le fait d'"autofinancer au maximum" les investissements, grâce à une gestion interne maîtrisée et pilotée à la marge brute non aidée. Il s'agit aussi de préserver l'accès au crédit à moyen et long terme, en assurant une capacité de remboursement sans incident et de maintenir un financement extra-tarifaire (subventions) pour recomposer l'offre de soins.
Enfin, la troisième voie de réponse consiste à "garder la maîtrise de l'investissement en exécution", allusion aux dérapages récurrents sur le coût final des investissements. Pour cela, il convient à la fois de responsabiliser les établissements, de maîtriser le dimensionnement des capacités (au regard des besoins locaux et de l'évolution des pratiques) et de mieux maîtriser la phase de programmation et de conception, en construisant un hôpital modulaire plutôt que "l'hôpital du futur rigide, construit sur le futur d'hier". Au passage, le rapport estime que le recours au PPP (partenariat public-privé) doit être "limité". Il indique en effet que "la mission n'a pu manquer de relever que les partenariats public-privé n'avaient pas fait la preuve de leur bénéfice dans le domaine hospitalier".

Le FHF dénonce le risque d'"embolie" de l'hôpital

C'est peu dire que le rapport de l'Igas et de l'IGF a fait bondir la Fédération hospitalière de France. Dans un communiqué en date du 17 mai, la FHF indiquait déjà avoir "pris connaissance avec consternation" des conclusions du rapport. Dans une interview au quotidien Les Echos du 28 mai, Frédéric Valletoux - son président, mais aussi maire de Fontainebleau et conseiller régional (UMP) d'Ile-de-France - rappelle que la trésorerie des hôpitaux est excédentaire de plus de deux milliards d'euros. Il demande donc que ces fonds "soient mutualisés et placés auprès de la Caisse des Dépôts", afin de bénéficier d'une rémunération et de mutualiser les risques.
Le président de la FHF estime aussi que "si les hôpitaux se sont endettés, ce n'est pas pour combler des déficits qui seraient dus à une mauvaise gestion", mais parce que "l'endettement a été poussé par l'Etat, qui a lancé de grands programmes d'investissement". En outre, selon lui, le niveau de la dette devrait diminuer, "le gouvernement ayant restreint drastiquement les projets d'investissement depuis 2011".
La FHF juge que ce resserrement des investissements n'était pas indispensable et "ne justifie pas en tout cas la recentralisation excessive qui est en cours". Frédéric Valletoux pointe notamment la centralisation de toutes les décisions d'investissement, avec des "procédures administratives interminables, ce qui retarde des investissements indispensables". Il dénonce en particulier le risque d'"embolie" de l'hôpital avec la multiplication des normes et procédures et regrette que le "pacte de confiance" annoncé se soit transformé en "actes de défiance".
Le président de la FHF ne devrait donc guère goûter non plus le récent amendement surprise sur le projet de loi Fioraso sur l'enseignement supérieur, qui met en place une rémunération obligatoire des stages de plus de deux mois dans les hôpitaux et les collectivités territoriales. L'impact budgétaire d'une telle mesure a d'ailleurs déjà conduit le gouvernement à lancer une concertation pour essayer de trouver une solution aux effets délétères de cette nouvelle règle... 
Quant à la ministre de la Santé, Marisol Touraine, elle a estimé ce 28 mai que la conception des investissements hospitaliers devait "évoluer" : "Dès aujourd'hui, il nous faut construire l'hôpital de demain (...) Et l'une des clés de ce changement, c'est l'investissement. Mais notre conception même des investissements doit évoluer. Il faut les rendre cohérents à l'échelle d'un territoire", a déclaré la ministre à Hôpital Expo, le salon du monde hospitalier. Marisol Touraine a rappelé qu'elle avait mobilisé 400 millions d'euros sur cinq ans pour le programme "hôpital numérique" et obtenu, en faveur des hôpitaux, de l'argent provenant du fonds d'épargne de la Caisse des Dépôts et des "centaines de millions d'euros de prêts à taux faibles" de la part de la Banque européenne d'investissement (BEI).

 

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