Transports - Libéralisation du transport par autocars : les opérateurs se positionnent
La loi Macron n'est pas encore votée mais les transporteurs par autocar sont déjà sur la ligne de départ, dans la perspective de la libéralisation du marché français. Le projet de loi revient dès ce 8 juin en commission à l'Assemblée et pourrait encore être complété par le gouvernement, après que sénateurs et députés ont échoué à se mettre d'accord. Sur le principe de l'ouverture à la concurrence du transport par autocars, les jeux semblent faits. Mais députés et sénateurs affichent encore leur désaccord sur la distance en-dessous de laquelle les liaisons pourront être interdites ou limitées par les autorités organisatrices de transports (AOT), c'est-à-dire les collectivités locales : 100 kilomètres pour les premiers, 200 pour les seconds.
En attendant que le texte achève son parcours parlementaire, les transporteurs affichent leurs ambitions sur ce nouveau marché, à l'instar de Transdev, qui a lancé le 4 juin sa marque Isilines. Le groupe, filiale de la Caisse des Dépôts, avait annoncé depuis plusieurs mois son intention de lancer des lignes longue distance en France, dès que la législation le lui permettrait. Maison mère d'Eurolines, dont les autocars transportent 4 millions de voyageurs par an en Europe, Transdev a annoncé le 4 juin qu'elle lancera ses premières lignes le 10 juillet, avant d'exploiter l'ensemble de ses 17 lignes et de relier une cinquantaine de villes à partir de l'automne. Objectif à l'horizon 2017 : 100 millions d'euros de chiffre d'affaires, 5 millions de passagers annuels, et 1.000 emplois directs créés. Sa marque Isilines pourra proposer par exemple un tarif compris entre 19 et 35 euros, pour les 6h30 de trajet entre Paris et Lyon.
Transdev n'est pas la première à se positionner sur ce marché. Des entreprises étrangères, comme Megabus ou StageCoach, sont également sur les rangs. Le numéro un des voyages par autocar outre-Rhin, la start-up Flixbus, ambitionne de devenir leader du marché français d'ici deux ans, et promet des tarifs entre deux fois et trois fois et demie moins cher que le train.
L'argument prix
Car c'est bien le prix qui devrait attirer les voyageurs vers l'autocar. La SNCF table d'ailleurs sur une perte de chiffre d'affaires qui pourrait aller jusqu'à 200 millions d'euros. Mais prévoit pourtant, elle aussi, d'étoffer son offre de transports en autocar IDBus, lancé en 2012. Elle n'a avancé aucune date pour dévoiler sa future offre. La directrice générale de Voyages SNCF, Rachel Picard, avait jugé, début mars, que l'arrivée des autocars viendrait "prendre du chiffre d'affaires à tous les acteurs en place aujourd'hui".
Le PDG de Transdev, Jean-Marc Janaillac, estime au contraire que cette ouverture grossira le gâteau, attirant des passagers dont "la plupart ne voyageaient pas ou prenaient leur voiture", car cette ouverture "permet d'ajouter des liaisons qui n'existent pas (...) ou d'offrir le choix au consommateur" entre vitesse et prix. Mais les transporteurs par autocar se défendent d'offrir un moyen de transport au rabais, et promettent un "service de qualité", avec des sièges espacés et inclinables, des prises électriques, le wifi, des toilettes... Lors de la présentation de l'offre Isibus, la directrice générale France de Transdev, Laurence Broseta, a même taclé la SNCF au sujet du confort, avec la présence dans ses bus de "prises électriques et USB qui manquent cruellement dans les autres modes de transport".
La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) reconnaît pour sa part que "l'autocar est nécessaire sur les axes interurbains non desservis par le train, ou (mal) desservis". Tout en reconnaissant qu'il s'agit d'un moyen de transport "bon marché", elle souligne le fait qu'il est "moins confortable que le train (...), moins sûr et beaucoup plus lent en raison de la vitesse limitée à 100 km/h sur les autoroutes, des embouteillages aux entrées de villes, des temps de montée et descente des voyageurs et des pauses régulières des conducteurs".