Transports - Projet de loi Macron : le Sénat donne son feu vert au transport par autocars sur longue distance
Dans le cadre de l'examen en séance du projet de loi Macron pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, le Sénat a donné, dans la nuit du 8 au 9 avril, son feu vert au transport par autocars sur longue distance, prévu par l'article 2 du texte. Avant d'entamer un long débat sur ce sujet, les sénateurs ont d'abord adopté l'article 1er du projet de loi qui crée l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) et fixe notamment ses compétences. Ils ont aussi suivi leur commission spéciale qui a proposé l'ouverture à la concurrence des délégations de service public pour le transport ferroviaire régional au 1er janvier 2019. Puis le groupe Communiste, républicain et citoyen (CRC) a présenté un amendement de suppression de l'ensemble de l'article 2, qui a été rejeté par 21 voix pour et 306 contre. "La dérégulation des liaisons par autocars a toutes les apparences du bons sens et de la modernité. Mais comme le diable se niche dans les détails, le bon sens et la modernité masquent parfois des réalités moins riantes", a plaidé la présidente du groupe Eliane Assassi. Elle a notamment fait valoir que les lignes de car risquaient d'entrer en concurrence avec le train et de dissuader les investissements dans le ferroviaire. "Les transports par car ne sont ni plus courts ni plus confortables", a-t-elle poursuivi. En termes de progrès social, favoriser la mobilité dans les meilleures conditions passe par le développement du ferroviaire. "Lutter contre la pollution est aussi un impératif", a-t-elle souligné. "Pour les jeunes pauvres, il y a encore mieux, moins cher et plus écologique que l'autocar : la diligence. Il faut y penser !", a glissé Jean-Pierre Bosino (CRC). Plus sérieusement, le sénateur CRC a fait part de ses craintes de voir les régions tentées de fermer des lignes TER, d'en fusionner d'autres. "Quelque 16.000 emplois de cheminots sont en jeu !", s'est-il exclamé.
Ce secteur "crée de l'emploi, une dizaine de milliers d'emplois, selon France Stratégie", a répliqué Emmanuel Macron. "Le secteur privé s'installera sur des lignes présentant un potentiel de trafic, a fait valoir le ministre de l'Economie. Par définition, il ne concurrence pas les lignes TET [trains d'équilibre du territoire, ndlr] et TER." "En somme, si l'on vous suit, parce qu'il existe des cantines, on n'aurait pas le droit d'ouvrir des restaurants et des restaurants bon marché parce qu'il en existe des chers!", a-t-il ajouté.
"M. le ministre est très jeune. Sait-il ce qui s'est passé le 31 juillet 1982 à Beaune? 45 enfants morts dans un accident d'autocar!", a rétorqué Jean-Pierre Bosino. "Il n'est pas correct de tirer ainsi argument d'événements tragiques, a répondu Emmanuel Macron. Il n'y a d'ailleurs pas plus de morts dans des accidents d'autocar que de train. Je vous le dis franchement, M. Bosino, quand on vient de vivre un événement catastrophique comme le récent drame aérien, évoquer un accident de car, certes tragique, n'est pas à la hauteur du débat."
L'article 2 a finalement été adopté par 187 voix contre 140. Les sénateurs de droite, majoritaires, ont suivi leur commission qui a porté à 200 kilomètres la distance en dessous de laquelle les liaisons par autocar pourront être interdites ou limitées par l'autorité organisatrice de transports (AOT). En première lecture, les députés s'étaient, eux, prononcés pour une distance de 100 km. En revanche les écologistes se sont abstenus sur cet article et les autres sénateurs de gauche (PS, CRC et RDSE, à majorité PRG), ont voté contre. "Le système parfait n'existe pas", a estimé le ministre de l'Economie qui avait déposé un amendement rétablissant les 100 kilomètres. Ceux-ci "permettent de donner un droit de regard à l'Autorité organisatrice des transports sans risquer le blocage que provoquerait un seuil à 200 ou 250 kilomètres, a-t-il ajouté. C'est une amélioration technique. On pourrait, sinon, se retrouver en grande couronne avec de nombreuses liaisons différemment couvertes". Estimant que "porter le seuil kilométrique de 100 à 200 kilomètres va dans le bon sens", Michel Le Scouarnec (CRC), a proposé d'aller plus loin, jusqu'à "250 kilomètres" mais il n'a pas été suivi.
Quelque 1.700 amendements ont été déposés sur l'ensemble du texte dont l'examen va durer jusqu'au 17 avril. Il fera l'objet d'un vote solennel le 6 mai.