L'évolution de la loi SRU fait monter la tension entre la ministre du Logement et les maires
Les propos d'Emmanuelle Wargon sur l'application de la loi SRU ont suscité une réaction virulente de l'Association des maires de France. Réuni le 9 décembre, le bureau de l'AMF "considère que la stigmatisation des maires, accusés de 'ne pas jouer le jeu' en faveur du logement social, à laquelle s’est livrée la ministre du Logement sur un média national est inacceptable".
Le vingtième anniversaire de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU) donne lieu à des tensions entre Emmanuelle Wargon, la ministre déléguée chargée du logement, et l'Association des maires de France (AMF). La raison n'est, bien sûr, pas le vingtième anniversaire de la loi, mais plutôt la publication du bilan de la période triennale 2017-2019 (voir notre article du 8 décembre 2020) et les annonces ministérielles sur les suites de ce bilan et sur les évolutions envisagées pour la loi SRU. Les échanges ne seraient sans doute pas si vifs s'ils ne succédaient à une première polémique, qui a prospéré pendant et après le premier confinement, sur les lenteurs des maires à délivrer les permis de construire.
"On a toujours besoin de logements sociaux partout"
Le 5 décembre, Emmanuelle Wargon a cosigné, avec une cinquantaine d'élus adhérents de Territoires de Progrès (l'aile gauche de la majorité présidentielle), une tribune dans le Journal du Dimanche évoquant notamment la nécessité de "réviser les obligations des collectivités territoriales, dans le cadre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains" (voir notre article du 7 décembre 2020).
Le 7 décembre, interrogée par RTL, la ministre du Logement a également appelé à un durcissement des sanctions pour les communes carencées, ne respectant pas les quotas et les objectifs de la loi SRU, notamment en demandant aux préfets de se substituer aux maires concernés dans l'attribution des permis de construire (ce qui est au demeurant prévu par la loi). Cela devrait concerner cette année une quinzaine à une vingtaine de villes. Emmanuelle Wargon souhaite également une augmentation des sanctions pour les maires qui préfèrent payer l'amende plutôt que de remplir leurs objectifs quantitatifs et/ou qualitatifs de construction de logements sociaux. Mais la ministre a également expliqué que "par rapport à toutes les villes qui ne respectent pas, pour la première fois, on va en sanctionner plus de la moitié", l'autre moitié concernant des communes où il est "vraiment objectivement difficile" de construire.
Elle a aussi appelé à une prolongation des dispositions de l'article 55 de la loi SRU, en affirmant que "sinon les maires se disent : 'oh ça dure jusqu'à 2025, on a fait le plus dur, on va jouer la montre et puis après ça s'arrêtera. Donc non, ça ne s'arrête pas, parce qu'on a toujours besoin de logements sociaux partout".
"Le dialogue est possible et nécessaire, mais il doit être respectueux et responsable"
Les propos de la ministre du Logement n'ont pas manqué de faire réagir les maires. Réuni le 9 décembre, le bureau de l'AMF considère ainsi que "la stigmatisation des maires, accusés de 'ne pas jouer le jeu' en faveur du logement social, à laquelle s'est livrée la ministre du Logement sur un media national est inacceptable". Dans un communiqué, l'association dénonce "ces déclarations, profondément injustes et démagogiques, [qui] confirment, une fois encore, le peu de considération portée à l'action des maires et des intercommunalités, ainsi que la méconnaissance des efforts faits dans les territoires".
Et l'AMF de renvoyer la balle en expliquant que "la ministre du Logement devrait d'abord s'interroger sur les conséquences de la décision prise il y a trois ans de faire supporter le coût de la baisse de l'APL aux bailleurs sociaux, ce qui a fortement réduit leur capacité d'investissement" et en rappelant que l'association s'était prononcée contre cette mesure.
Pour autant, "les maires de France sont toujours disponibles pour participer au dialogue avec l'État et les acteurs de la construction, mais ils ne peuvent accepter que l'État leur fasse la leçon alors qu'ils partagent l'objectif de développement d'une offre de logement social supplémentaire et qu'ils en sont les premiers acteurs". Si une réforme de la loi SRU s'engage effectivement, "le dialogue est possible et nécessaire, mais il doit être respectueux et responsable", comme l'affirme l'AMF, mais il pourrait être aussi un peu tendu...