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Banlieues - Les zones franches urbaines à nouveau sur la sellette

Une nouvelle étude de l'Insee confirme l'essoufflement des zones franches urbaines après 2002 et leurs imperfections. Un constat partagé par l'association Ville et banlieue qui demande quand même leur prolongation jusqu'en 2016, soit deux ans de plus que prévu. L'association remet également sur le tapis son idée d'emplois francs...

L'emploi dans les quartiers dits "sensibles" fait son entrée dans la campagne présidentielle : il constitue l'une des onze priorités déclinées en 120 propositions que l'association de maires Ville et banlieue va envoyer aux candidats. Dénonçant un "abandon" des banlieues, l'association reprend le "chiffre magique" qui sert de base à toute discussion sur le sujet : un jeune homme de banlieue sur deux est au chômage. Ce chiffre est en réalité bien loin de la réalité puisque, comme le montrait récemment l'Onzus (voir ci-contre notre article du 22 février 2012), il englobe volontairement ou non actifs et inactifs. Sur les 681.000 jeunes de 15 à 24 ans vivant en zones urbaines sensibles (ZUS), 370.000, soit plus de la moitié, sont en cours d'études ou de formation. Les vrais statistiques, au sens du BIT, montrent que le taux de chômage des 15-24 ans en ZUS est de 14,5%.
Il n'empêche, environ 100.000 jeunes de ces quartiers se retrouvent sans emploi, sans compter les 74.000 inactifs qui ne sont pas en formation et qu'on a du mal à identifier, dont les fameux "décrocheurs".
Parmi leurs propositions, les maires de banlieue réclament un renforcement du service public local de l'emploi (Pôle emploi, missions locales, Plie, etc.) autour d'une "véritable stratégie territoriale" et la généralisation des clauses d'insertion dans les marchés publics. Ils demandent aussi de revoir le dispositif-phare de ces quartiers en matière de développement économique : les 100 zones franches urbaines (ZFU). Ce dispositif déployé en plusieurs vagues à partir de 1997 vient d'être prolongé jusqu'à la fin de 2014, avec une prime à l'emploi local renforcée. Le budget 2012 a en effet prévu de faire passer à un sur deux le nombre d'emplois recrutés localement pour pouvoir bénéficier des aides, contre un sur trois auparavant. L'association - qui semble ignorer cette modification en la reprenant à son compte - propose de prolonger les ZFU de deux ans supplémentaires, jusqu'en 2016. Mais elle considère comme imparfaites les ZFU et remet sur le tapis l'idée d'emplois francs.

Effets d'aubaine

Les imperfections des ZFU ont été soulignées à plusieurs reprises, notamment par l'Onzus. Une étude que l'Insee vient de publier enfonce le clou : elle constate un essoufflement à partir de 2002. De 1997 à 2002, les ZFU ont en effet permis l’implantation de 9.700 à 12.200 établissements, soit 41.500 à 56.900 emplois, indique l'Insee. Ensuite, leurs effets sont "plafonnés". Fin 2006, dans les 41 ZFU créées en 2004, les résultats sont même très limités : on comptabilise entre 1.400 et 3.400 établissements supplémentaires, "sans effet statistiquement significatif sur le nombre d’emplois". S'agissant des entreprises déjà implantées, les allégements fiscaux n'ont eu aucun impact notable sur leur taux de survie, leur niveau d’emploi ou leur santé économique.
L'étude montre également l'effet d'aubaine engendré par les aides. De nombreuses entreprises en ont profité pour se relocaliser. "Ces implantations en zones franches se seraient ainsi partiellement faites au détriment d’autres zones", estime l'Insee. Ainsi, avant la création des ZFU, les deux tiers des implantations dans ces quartiers résultaient de créations d'entreprises nouvelles ; les transferts ne représentaient que 14%, le reste étant constitué des reprises. A partir du lancement du dispositif, les transferts constituent plus de la moitié des nouvelles implantations...

Emplois francs

Seulement, pour les maires de banlieue, malgré leurs imperfections, les ZFU ont le mérite d'exister. L'Insee reconnaît elle-même qu'il est difficile "d'estimer ce qu'aurait été le dynamisme économique de ces zones en l'absence des exonérations". Mais Ville et banlieue ressort la marotte des "emplois francs". De quoi s'agit-il ? D'attacher l’exonération à la personne du demandeur d’emploi - sur un critère d’adresse, celui de la ZUS - plutôt qu’à l’entreprise. Ce qui aurait l'avantage par rapport à la ZFU de "désenclaver le quartier par l'emploi". Ainsi, toute entreprise qui recruterait en ZUS bénéficierait d'exonérations. L'idée est séduisante mais elle est accueillie avec prudence par l'Onzus. Cette discrimination positive qui ne dit pas son nom pourrait susciter un nouvel effet d'aubaine. Selon le président de l'Onzus, "le dispositif risquerait de donner la tentation d'aller se domicilier là où il faut".
D'ailleurs, le quartier d'origine conditionne beaucoup moins l'accès à l'emploi que le niveau de formation. Certes, à compétences égales, un jeune de ZUS a 1,4 fois plus de risque d'être sans emploi qu'un autre trois ans après sa formation initiale. Mais comme le montre l'Onzus, un jeune sans diplôme en a, lui, huit fois plus d'être sans travail ! D'où l'intérêt de porter les efforts sur la formation et l'accompagnement. C'est aussi ce que réclame Ville et banlieue, qui pointe la juxtaposition de nombreux dispositifs selon les régions et les départements "sans véritable logique complémentaire". L'association réclame un dispositif global simplifié d’accompagnement du demandeur d’emploi "qui engagerait ce dernier à l’égard de la collectivité : formation initiale et continue, accès à un logement, permis de conduire, achat d’un véhicule, garde d’enfants". 

 

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