Banlieues - Emploi des jeunes : un "effet quartier" marginal
Un jeune (de 15 à 24 ans) de quartier sensible "a 1,4 fois plus de risque d'être hors emploi, trois ans après sa sortie de formation initiale". Ce résultat provient d'une étude que l'Onzus (Observatoire national des zones urbaines sensibles) s'apprête à publier courant mars. Ce risque est un peu plus élevé pour les jeunes dont les parents sont originaires du Maghreb (1,55) que ceux originaires d'Afrique subsaharienne ou de Turquie (1,38). Mais pour les responsables de l'observatoire, l'écart dans l'accès à l'emploi tient moins à "l'effet quartier" qu'à d'autres facteurs individuels, comme le sexe, l'origine sociale, le niveau de formation... Il est à mettre en parallèle avec un autre chiffre issu du dernier rapport de l'Onzus présenté le 2 novembre : "Seulement 3% des personnes vivant en ZUS pensent avoir été discriminées en raison de l'endroit où elles vivent." Certes, il s'agit là d'un sentiment, mais il tranche avec la vision très répandue de l'effet ghetto... L'Onzus tient aussi à rétablir certaines données relatives à l'emploi dans les quartiers. Récemment, devant les maires de grandes villes, le directeur de la fondation Terra Nova allait jusqu'à dire que 80% des jeunes "issus de la diversité" étaient au chômage (voir ci-contre notre article du 29 septembre 2011). La vérité semble bien différente. Un jeune de ZUS sur cinq est en emploi (20,3% contre 28% sur le reste de l'agglomération considérée) mais seulement un sur sept est au chômage (14,5% contre 9,1%). Car les trois quarts restants, ce sont les "inactifs", la plupart étant en formation. Un reliquat de 10% (74.000 jeunes) concerne des personnes qu'on a plus de mal à suivre : les fameux "décrocheurs", mais pas uniquement, souligne Bernadette Malgorn, la présidente du conseil d'orientation de l'Onzus : "Ces autres inactifs sont plus nombreux chez les femmes, ce qui peut s'expliquer par un retour à la maison."
Essoufflement des ZFU
A noter également que les jeunes en emploi sont proportionnellement plus nombreux chez les femmes (29,7%) que chez les hommes (18,7%) : à niveau de qualification égale, "les femmes acceptent un déclassement bon gré mal gré", explique Bernadette Malgorn.
Cette année, l'Onzus conduira un testing mené à partir des CV de six jeunes Franciliens, dont deux issus de ZUS et deux issus de "quartiers de bonne réputation", envoyés à des centaines d'offres d'emploi. Le taux d'accès aux entretiens d'embauche permettra alors de mesurer avec précision le niveau de discrimination réelle et non ressentie...
Ces quelques mises au point ne visent pas à minimiser les difficultés des banlieues dont le taux de chômage, toutes populations confondues, reste deux fois plus élevé qu'ailleurs à 21%, mais à éclairer les décideurs publics dans leurs choix et à cibler davantage la formation professionnelle. Dans son rapport, l'Onzus émettait des réserves sur l'efficacité des zones franches urbaines (ZFU), pointant un certain essoufflement quinze ans après leur mise en place. De fait, le nombre d'embauches de salariés en ZFU donnant droit à des exonérations a baissé de 32,9% en 2009 et de 21,0% en 2010, et le nombre d'établissements a baissé de 1.817 unités durant la même période. Pourtant, le dispositif a été reconduit jusqu'en 2014 avec un renforcement des recrutements en ZUS (un sur deux contre un sur trois auparavant).
Emplois francs
Une autre idée a germé au moment de la révision des ZFU, celle des "emplois francs". L'idée : plutôt que d'accorder des exonérations à l'entreprise en fonction de son lieu d'implantation, les appliquer directement à l'emploi créé, en fonction de l'origine géographique du salarié, quel que soit le siège de l'entreprise. Une idée notamment soutenue par le sénateur de Seine-Saint-Denis et ancien maire de Clichy-sous-Bois, Claude Dilain. Mais pour les responsables de l'Onzus, elle n'a rien de probant. "En termes d'acceptabilité, ce ne serait pas évident, insiste Bernadette Malgorn. Celui qui serait du bon côté de la rue passerait avant, ce serait une sorte de discrimination positive. En plus, le dispositif risquerait de donner la tentation d'aller se domicilier là où il faut." "A supposer que la formule d'exonération soit efficace, il serait préférable de faire porter les exonérations sur les bas niveaux de qualification", ajoute-t-elle.
Le niveau de qualification reste en effet l'une des données majeures : la moitié des habitants des quartiers sensibles ne disposent d'aucun diplôme supérieur au brevet des collèges, contre un tiers dans les unités urbaines. Pour Hervé Masurel, le secrétaire général du Comité interministériel des villes, "le vrai sujet c'est d'aller trouver ces jeunes hommes et femmes qui ne travaillent pas, ne savent pas à quelle porte frapper [...] et leur proposer quelque chose de concret".