Les TPE-PME ont bien résisté grâce aux aides, mais il ne faut pas "débrancher trop vite"
Le "quoi qu'il en coûte" décidé en début de crise Covid-19 par le gouvernement a plutôt bien fonctionné pour soutenir les TPE et PME : leur bénéfice a augmenté de 2%. Mais le retrait des aides doit se faire progressivement, selon la Confédération nationale de l'ordre des experts-comptables qui, le 3 juin, a lancé avec d'autres acteurs économiques l'initiative "Tous pour la relance". Un travail sur-mesure, tenant compte des différences sectorielles et géographiques, doit avoir maintenant lieu. La question de l'endettement des entreprises se pose avec acuité.
"On voit que le 'quoiqu'il en coûte' a fonctionné, l'économie et les salariés ont été protégés, mais il arrive un temps nouveau, celui de la relance, il faut préparer la fin des aides, il faut une stratégie temporelle pour ne pas débrancher trop vite." Le conseil est donné par Lionel Canesi, président de la Confédération nationale de l'ordre des experts-comptables, dans le cadre de l'initiative "Tous pour la relance et l'emploi" lancée le 3 juin 2021 en faveur des TPE et PME, avec CCI France, l'Apec, l'Adie, le Comité de liaison des institutions ordinales (Clio), l'Ordre national des infirmiers, le groupement national des indépendants hôtellerie et restauration, le syndicat des activités événementielles et le Centre des jeunes dirigeants (CJD).
D'après le baromètre économique des TPE-PME 2020-2021 présenté à cette occasion, ces entreprises ont résisté à la crise Covid-19 : elles ont subi une baisse de 6,6% de leur chiffre d'affaires en 2020. Mais, bonne surprise, leur bénéfice est en augmentation de 2% ! Preuve de l'efficacité du soutien de l'État. "C'est un indicateur important, a en effet insisté Lionel Canesi. On entend beaucoup d'oiseaux de mauvais augure - 'ça va être catastrophique', 'il va y avoir des dépôts de bilan massifs' - moi je n'y crois pas du tout."
L'endettement, en revanche, est plus préoccupant : il a bondi de 9,2% pour les PME. "Il y a des dettes avant le Covid, il y a des dettes créées par le Covid, il va falloir leur donner la possibilité d'étaler ces dettes sur une durée plus longue", a-t-il insisté, en faisant allusion au travail réalisé en collaboration avec l'État sur l'étalement des dettes et les procédures simplifiées, dont une partie a été annoncé le 2 juin dans le cadre du plan de sortie de crise (voir notre article 1er juin 2021).
"Il faudra entrer dans le détail de la géographie"
Côté secteurs d'activité, l'hôtellerie-café-restauration ne s'en sort pas aussi mal que prévu, avec un chiffre d'affaires en baisse de 29,2% mais un résultat en hausse de 10% du fait des aides massives. Son endettement a quant à lui augmenté de 16%. Dans le détail, la restauration traditionnelle réalise un chiffre d'affaires en baisse de 33,7% mais un bénéfice en hausse de 6,6%. Dans la restauration rapide, la baisse du chiffre est moins forte (-18,3%) et le bénéfice a fortement augmenté (+34,7%), la vente à emporter n'entrant pas dans le calcul des aides du fonds de solidarité. L'hôtellerie en revanche a réalisé un chiffre en baisse de 30% et un résultat en baisse de 20,6%. "Plus de tourisme international, plus de tourisme d'affaires, des difficultés pour les hôtels, a indiqué Lionel Canesi. Il faudra rentrer dans le détail de la géographie, Paris, Rhône-Alpes ont été plus en difficulté que d'autres régions de France, du fait de l'annulation des congrès pour l'un, la fermeture des stations de ski pour l'autre."
Le commerce subit quant à lui en 2020 une baisse de chiffre d'affaires de 3% et une augmentation de son bénéfice de 15,8%. L'endettement augmente en revanche de 16%. C'est en toute logique l'alimentation générale qui a le plus augmenté son chiffre (+8,8%) et son bénéfice (+40%). Le commerce de détail a vu son chiffre baisser de 1,5%, et son résultat augmenter de 26%.
Le secteur de l'événementiel craint beaucoup de défaillances
Le secteur de l'événementiel enfin, l'un des plus sinistrés puisqu'il est à l'arrêt depuis le 16 mars 2020, subit une baisse du chiffre d'affaires de 49% et une baisse des bénéfices de 35,7% avec un endettement en hausse de 8,9%. "Pour la branche des prestataires techniques français par exemple, nous représentons environ 1.000 entreprises du spectacle hors cinéma, pour un chiffre d'affaires habituel de 1,2 milliard d'euros de chiffre. On a clôturé sur un chiffre de 300 millions, soit une baisse de 75% et 100 millions de pertes pour 1.000 entreprises, soit environ 100.000 euros par entreprise, sachant que les aides n'ont pas été assez élevées pour les compenser", a signalé Éric Algoud, coprésident du syndicat des activités événementielles. Or, ce secteur ne va pas reprendre de sitôt son activité à plein. En juin, le couvre-feu empêche encore l'organisation de fêtes, cocktails ou mariages et le temps d'organisation est de trois mois environ, en relation avec les préfectures. "Cela nous amène à septembre, a précisé Éric Algoud , nous allons avoir une année 2021 à peu près comme 2020 avec 3 à 4 mois d'activité et des aides qui devraient s'arrêter début septembre. On a énormément d'inquiétudes, beaucoup d'entreprises vont se retrouver avec des fonds propres négatifs et des banques qui ne les soutiennent plus, on a beaucoup de remontées sur ce point. On a besoin d'être accompagné un peu plus sinon il va y avoir beaucoup de défaillances dans ce secteur."
Une reprise en trompe-l"oeil
Début 2021, l'activité des TPE et PME est repartie à la hausse au premier trimestre avec une progression du chiffre d'affaires de 4,7% par rapport au premier trimestre 2020, mais c'est une hausse "en trompe-l'oeil", d'après l'ordre des experts-comptables car leur activité avait déjà diminué de 5,6% début 2020 par rapport à 2019. "L'activité des TPE-PME n'a donc pas retrouvé son niveau d'avant-crise", indique le baromètre. Les disparités sectorielles sont toujours là, avec un chiffre d'affaires pour l'hôtellerie-restauration en baisse de 60% au premier trimestre 2021, voire même de 75% pour le sous-secteur de la restauration traditionnelle. Les TPE et PME du secteur des arts, spectacles et activités récréatives restent très impactées avec des baisses d'activité de plus de 55%.
Il y a aussi des disparités géographiques. Les entreprises de la moitié ouest de la France ont ainsi eu des résultats supérieurs à ceux des autres régions : +8,6% pour la Nouvelle-Aquitaine, +7,9% pour l'Occitanie, +7,1% pour la Bretagne, +6,8% pour les Pays de la Loire. Les entreprises des régions Paca, Hauts-de-France, Centre-Val de Loire, Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté et Normandie ont connu des hausses autour de 6%. Celles d'Auvergne-Rhône-Alpes et d'Île-de-France ont quant à elles connu de très faibles croissances de chiffres (+0,6% et +0,1%). "À noter également, les entreprises de certains départements dans lesquels les activités de montagne sont développées (Hautes-Alpes, Hautes-Pyrénées, Savoie, Haute-Savoie) ainsi que Paris ont souffert sur le trimestre, avec des baisses d'activité notables", précise le baromètre.