Administration numérique - Les territoires s'essayent à l'ouverture des données de la commande publique
L'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics avait ouvert la voie à l'ouverture des données de la commande publique, via la publication des données principales des marchés passés par les acheteurs publics. A l'approche du sommet mondial du Partenariat pour un gouvernement ouvert qui se tient à Paris à partir du 7 décembre, la France se positionne sur les sujets de transparence. En 2016, elle a adhéré au C5, un groupe international visant à promouvoir la transparence des achats publics. Avec l'open data, l'Etat se targue maintenant d'être pionnier en Europe sur le sujet de la "commande publique augmentée par la donnée".
L'Etat tente d'accompagner le changement en amont
En déplacement à Chalon-sur-Saône, Jean Maïa, le directeur des affaires juridiques de Bercy, a précisé que la parution de deux arrêtés et d'un décret en lien avec l'ouverture des données de la commande publique interviendra au plus tard mars 2017 ; ils ont fait l'objet de consultations en ligne, animées par l'Etalab. Si tous les représentants de l'Etat insistent sur la démarche de co-construction, la date butoir du 1er octobre 2018 est également soulignée. Il s'agit de tirer profit du délai accordé jusque là pour préparer tous les territoires à engager la démarche dans les temps. L'Etat ne veut pas reproduire l'expérience de la saisine par voie électronique (SVE), de l'open data par défaut (loi Valter, puis loi Lemaire), ou encore du silence vaut accord (SVA), sur lesquels les collectivités avaient exprimé leur mécontentement face à des délais d'implémentation trop courts.
La rencontre de Chalon fut également l'occasion de rappeler la nécessité d'ouvrir les données et de les mettre en cohérence. Actuellement, la France compterait plus de 100.000 pouvoirs adjudicateurs, et l'Etat lui-même serait dans l'incapacité de mesurer précisément le volume financier annuel des achats effectués par les collectivités. Autant dire que le besoin de transparence est autant un enjeu de bonne gestion que de démocratie. Pour autant, cette urgence ne coule pas de source et nombreux sont les acteurs locaux qui la perçoivent avant tout comme une charge supplémentaire.
Les territoires pionniers en opération déminage
C'est la raison pour laquelle l'Etat a choisi une nouvelle fois de travailler avec des territoires démonstrateurs, pour peu à peu convaincre le plus grand nombre. En mai dernier, Localtis s'était fait l'écho de l'organisation d'un BarCamp à Rennes, impulsé par l'association Breizh Small Business Act et la région Bretagne, qui depuis plusieurs années mènent des expérimentations pour libérer les données locales de la commande publique. Le principal point à l'agenda était l'élaboration d'un "format pivot" permettant de définir de façon précise les informations sur les marchés qui devraient être libérées, ainsi que leur syntaxe. Ces travaux se poursuivent depuis lors et ont été enrichis à Chalon-sur-Saône. Il sera par exemple possible de connaître le montant des marchés passés par les collectivités, qui devront libérer les données de leurs commandes excédant le seuil de 25.000 euros. Les données libérées permettront également de connaître, par exemple, la procédure de passation de marché employée.
Les acteurs locaux les plus engagés dans la démarche s'emploient également à mieux faire comprendre les intérêts de l'open data pour la commande publique. "Les technologies numériques permettent la transformation des rapports de marché", note Patrick Molinoz, président du GIP e-Bourgogne. "Il s'agit également de favoriser la relation avec le citoyen, qui parfois nourrit des soupçons envers la commande publique". Si la transparence est en effet un objectif important, les protagonistes présents à Chalon préféraient insister sur les retombées économiques de l'open data. C'est dans cette optique que le GIP organisait un "datathon" permettant aux spécialistes de plancher sur les premiers jeux de données issus du profil d'acheteur géré par le GIP pour le compte de ses collectivités adhérentes. En effet, une meilleure information sur les marchés et leurs montants permet aux entreprises d'améliorer leur prospection et d'adapter leur offre, tout en donnant aux collectivités un puissant outil de sourcing. De quoi, également, faire naître des perspectives de mutualisation, en repérant aisément les territoires passant des marchés analogues.
Les acteurs locaux attendent d'être convaincus
Alors que du côté de l'Etat, on incite au mouvement en encourageant cette mutualisation, rien n'est encore gagné. Récemment étendu au territoire de l'ancienne région France-Comté, l'expérience du GIP e-Bourgogne en témoigne. "Il faut s'adapter aux besoins des territoires qui ont peu de capacité administrative et passent rarement des marchés", précise Patrick Molinoz à Localtis. "Avec nos référents en département, nous avons un vrai travail de sensibilisation à mener sur les avantages du numérique et des données ouvertes. Nous ne disons pas que la transparence est un Graal absolu ; nous effectuons simplement un travail d'accompagnement, indispensable face à des mesures d'adaptation au numérique qui, encouragées un temps, deviennent obligatoires ensuite", observe celui qui est aussi membre du bureau de l'AMF.
Les 20 mois qui séparent les collectivités de cette nouvelle obligation à l'ouverture des données devraient être l'occasion de mieux comprendre les défis techniques inhérents à l'open data. D'autant plus que l'échéance d'octobre 2018 est également celle qui impose la dématérialisation de l'ensemble de la procédure de passation des marchés publics de plus de 20.000 euros. L'open data s'inscrit donc dans le plan national de dématérialisation des marchés publics et pourrait bien être un outil efficace pour, par exemple, favoriser l'harmonisation du fonctionnement des profils d'acheteur. Ce qui relevait de la gestion administrative concerne en effet, désormais, l'enjeu de la transparence citoyenne.