Environnement - Les syndicats d'eau et de déchets appréhendent les impacts de la réforme territoriale
Big Bang en vue ou simples tracasseries administratives ? En faisant évoluer les compétences et périmètres des intercommunalités, les lois portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr) et Modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) interrogent le devenir des syndicats mixtes auxquels ont été transférées les compétences d'assainissement ou de tri et traitement des déchets. "Gare, avec cette nouvelle configuration territoriale, à ne pas démanteler ce qui fonctionne bien. On ne démonte pas sa maison avant d'en avoir construit une autre !", a prévenu Belaïde Bedreddine, adjoint au maire de Montreuil, vice-président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis et président du Siaap (Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne), lors d'un colloque co-organisé le 22 mars par l'Association des maires de France (AMF).
Le front uni des grands syndicats franciliens
Une gouvernance et un équilibre économique ont été trouvés par la poignée de grands syndicats franciliens. Ils ont su financer des équipements tout en conservant une capacité d'investissement. "Nous veillons à mettre nos territoires dans les clous des exigences européennes, avec en tête dans mon secteur deux directives qui sont nos bibles, la directive cadre sur l'eau (DCE) et celle sur les eaux résiduaires urbaines (Deru)", ajoute-t-il. Déversoirs d'orage et usines d'épuration : le Siaap est au centre de la structuration de l'assainissement francilien, d'autres syndicats plus modestes utilisent d'ailleurs ses ouvrages. "Nous allons prochainement les rencontrer pour se serrer les coudes face aux chamboulements attendus". A l'entendre, tous estiment précipité le calendrier de la réforme, avec des redécoupages à boucler d'ici la fin de l'année, donc sans guère prendre le temps d'évaluer les conséquences de tels changements. Il ajoute que ce rapprochement entre syndicats prend la forme de coopérations sur des enjeux aussi techniques et précis que la valorisation des boues de station d'épuration en biogaz, qui fait l'objet d'un travail en commun avec le Syctom, syndicat en charge du traitement des déchets ménagers de Paris et des communes de la petite couronne.
Raz-de-marée interne
Côté métropolitain, moins de panique. Le Grand Paris certes rebat les cartes, remet de l'ordre en forçant les regroupements. Mais du côté des transferts de compétences le gros morceau est pour 2018, l'année durant laquelle la métropole se verra confier les rênes de la gestion des ouvrages hydrauliques, de la maîtrise de l'urbanisation dans les zones exposées aux inondations, de la gestion intégrée des cours d'eau et la sensibilisation des élus et de la population. Pour l'instant sont plus en vue des tracasseries administratives qu'un Big Bang, du moins pour le Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif). Son directeur général des services Philippe Knusmann nous confiait il y a plusieurs mois avoir milité, lui aussi, pour qu'"on ne touche pas aux outils qui marchent". La représentativité de la métropole au sein du Sedif enclenche malgré tout un raz-de-marée interne : "Nous repartons à zéro, avec des formalités, éventuellement des modifications de périmètres selon ce que décideront les territoires. Là où il y a du morcellement en grande couronne, de petits syndicats d'eau ont intérêt à s'unir".
Même son de cloche dans l'Indre-et-Loire où Joël Pélicot, qui préside le syndicat d'assistance technique pour l'épuration et le suivi des eaux (Satèse) et le comité de bassin Loire-Bretagne, se rapproche des communautés de communes avant leur regroupement pour leur expliquer l'intérêt de rester groupés, d'adhérer au syndicat pour conserver une vision globale : "C'est déterminant pour bien gérer l'eau. Elle ne s'arrête pas aux frontières administratives car prime la logique de bassin versant".
Prévenir les contentieux
Côté déchets, la métropolisation inquiète. "Les grands syndicats comme le Syctom, que je préside, ont oeuvré pour l'intercommunalité et nous avons essayé d'anticiper les impacts de la métropole. Mais on se sent bien seul !", peste le sénateur-maire de Meudon, Hervé Marseille. Selon lui, du côté de l'Etat, la Direction générale des collectivités locales est aux abonnés absents. "Et pas un préfet ne dit la même chose ! Des adhésions en étoile, d'une collectivité à plusieurs syndicats, est-ce possible ? Nul ne le sait, c'est le chaos complet". Et de citer un cas concret : "L'économie de certains syndicats comme Azur, syndicat mixte pour la valorisation des déchets dans le Val-d'Oise, repose fortement sur l'adhésion d'Argenteuil. Si Argenteuil, qui dépend d'un EPT (établissement public territorial) composé de villes des Hauts-de-Seine, quitte ce syndicat, alors il implosera. Or du personnel, des contrats en cours, des investissements sont en jeu. On s'oriente vers des contentieux", poursuit-il. Ce que confirme William Azan, avocat au barreau de Paris (cabinet Uwill) : "Une vague de contentieux monte depuis plusieurs mois". Or qui dit transfert de compétence dit transfert de responsabilités et de patrimoine. "Ce qui n'est pas sans conséquences, notamment sur le plan des assurances. Les élus doivent aussi regarder de près la propriété des biens transférés, qui les a financés. Un inventaire patrimonial, un état du réseau sont vivement recommandés", conclut-il.