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Réorganisation de l'Etat - Les services territoriaux ont leur feuille de route

Qui seront demain les interlocuteurs des collectivités au niveau des services départementaux de l'Etat ? Le Premier ministre vient d'adresser aux préfets une circulaire qui apporte de précieuses précisions sur les réorganisations en cours.

Le gouvernement entend aujourd'hui mettre concrètement en oeuvre le vaste programme de simplification et de redéploiement de l'organisation de l'Etat sur le plan départemental. Une circulaire du Premier ministre parue ce 9 juillet au Journal officiel vient ainsi préciser les modalités de cette mutation. Les principes de la nouvelle architecture et ses grands contours, préparés de longue date, avaient été arrêtés lors du troisième Conseil de modernisation des politiques publiques, le 11 juin dernier. Restait à les préciser, à fixer la méthode et le calendrier du chantier. La circulaire aborde ces différents points. Elle rappelle les objectifs - "un service de meilleure qualité", "organisé de manière plus compréhensible, pour un coût moindre" - et confirme en particulier le découpage des services de l'Etat en deux grandes ensembles : la direction départementale des territoires et la direction départementale de la population et de la cohésion sociale.
La première "sera constituée à partir de la direction départementale de l'équipement et de l'agriculture à laquelle seront joints les services ou parties de service "environnement" des préfectures". La seconde regroupera la Ddass, la direction départementale de la jeunesse et des sports, les services de la préfecture chargés des questions sociales, le service départemental pour le droit des femmes et l'égalité, ainsi que la direction départementale des services vétérinaires. En outre, elle "coordonnera" l'activité de l'unité départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Dans certains départements, notamment les plus peuplés ou ceux qui sont les plus concernés par la politique de la ville, la création d'une troisième direction n'est pas exclue. Il s'agira de la direction départementale de la cohésion sociale. La direction de la population et de la cohésion sociale devienda alors la direction de la protection des populations.
Les préfets de département auront autorité directe sur ces deux ou trois directions, de même que sur les services chargés de la sécurité intérieure. En revanche, l'inspection d'académie, qui conservera son périmètre actuel et la direction départementale des finances publiques - qui est issue de la fusion de la Comptabilité publique et de la Direction générale des impôts - ne relèveront pas de leur autorité.

 

Le préfet de région a autorité sur le préfet de département

Tout en respectant ce canevas, les préfets devront rechercher "l'organisation territoriale la plus pertinente dans chaque département". Ils ont carte blanche pour faire toute proposition visant à adapter les structures de l'Etat aux spécificités des territoires. Ils pourront ainsi "choisir entre une organisation à deux ou trois directions départementales", "adjoindre d'autres services de la préfecture aux directions départementales ou des éléments des actuelles directions départementales à la préfecture", "réorganiser" la politique de la ville ou encore "susciter des mutualisations". Les préfets rendront leur copie d'ici fin novembre. D'ici là, ils devront engager l'information et la consultation des partenaires locaux, citoyens et élus. Dès le début de 2009, ils mettront en place les nouvelles directions, qui devront être opérationnelles le 1er janvier 2010. Les départements d'une région pilote auront pour rôle de jouer les éclaireurs pour les autres départements.
Si elle a pour objet l'organisation de l'administration départementale de l'Etat, la circulaire aborde néanmoins aussi l'administration régionale de l'Etat, afin de préciser l'articulation des deux niveaux. Sur ce point, elle confirme le renforcement de l'autorité du préfet de région voulu par le président de la République. "Pour le pilotage des politiques publiques, le préfet de région a autorité sur les préfets de département". Le décret du 29 avril 2004, qui mettait en avant le rôle joué par les préfets de région en matière de coordination et d'animation de l'action des préfets de département, sera modifié. Le futur décret pourrait confier aux préfets de région un "droit d'évocation" actuellement à l'étude, qui leur permettrait, dans certaines matières, de "se réserver des actes nécessitant une coordination plus directe du niveau régional".
Des exceptions seront faites au renforcement de l'autorité du préfet de région, puisque le préfet de département continuera à exercer en propre une compétence générale dans certains domaines, comme la sécurité, l'ordre public et le droit des étrangers. En outre, il demeurera l'interlocuteur privilégié des élus territoriaux.
Sur le plan régional enfin, la circulaire confirme la réorganisation de l'Etat en huit directions dont les intitulés sont précisés.
Les orientations fixées par le Premier ministre vont certainement dans les jours qui viennent susciter des réactions diverses, notamment du côté des syndicats de fonctionnaires. La fédération FO de l'équipement s'insurgeait dès mercredi contre "la destruction programmée des missions et des services départementaux" du ministère de l'Ecologie et du Développement durable et "plus largement de l'Etat". Et faisait remarquer que les directions départementales de l'équipement et de l'agriculture (DDEA) qui devaient voir le jour d'ici fin 2009, "disparaissent avant même d'exister".

 

Thomas Beurey / Projets publics


 

La fin programmée des Ddass

 

Si la nouvelle organisation des services déconcentrés de l'Etat concerne tous ses champs de compétence, il en est un pour lequel elle constitue un véritable bouleversement : le secteur sanitaire et social. Celui-ci est en effet le seul à se trouver pris en tenaille entre le regroupement de plusieurs services extérieurs au sein d'une nouvelle entité et la création d'une nouvelle structure - les futures agences régionales de santé (ARS) - qui va très largement empiéter sur le champ de compétence actuel des directions départementales et des directions régionales de l'action sanitaire et sociale. Il est vrai que celui-ci avait déjà été sérieusement écorné par la création des agences régionales de l'hospitalisation (ARH), auxquelles vont succéder des ARS aux pouvoirs encore plus étendus.
En d'autres termes, la RGPP et la réforme de l'organisation territoriale de l'Etat pourraient bien sonner le glas des Ddass, créées en 1964. C'est en tout cas ce dont sont persuadés les agents des ministères sociaux, qui manifestaient le 19 juin devant le ministère de la Santé "pour lutter contre la disparition programmée de leurs services". Dans un communiqué commun, la CGT, FO, la CFTC, Sud, l'Unsa et le Sniass (Syndicat national des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales) annonçaient ainsi que "les Ddass et Drass ne seront bientôt plus qu'un lointain souvenir, car elles seront démantelées au profit des ARS et de l'intégration des personnels [...] dans les services des préfectures".
Il est pourtant une autre façon de lire les réformes en cours. La création des directions départementales de la population et de la cohésion sociale (voir ci-dessus) - qui deviennent l'une des cinq directions régaliennes autour du préfet - et celle des agences régionales de santé, institutions aux très larges pouvoirs et sans équivalent dans d'autres secteurs de l'action publique, marquent une véritable reconnaissance de l'importance des enjeux sanitaires et sociaux. La réforme va ainsi donner à ces questions un poids qu'elles n'avaient encore jamais connu dans l'organisation territoriale de l'Etat. Si méfiance il devait y avoir, elle serait sans doute davantage justifiée du côté des collectivités territoriales. Celles-ci, à commencer par les départements, pourraient en effet s'inquiéter - au moins en matière sociale et médico-sociale - du grand retour de l'Etat dans un champ que la décentralisation leur avait très largement transféré.

Jean-Noël Escudié / PCA

 

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