Réforme de l'Etat - Mesures de "modernisation" tous azimuts
Nicolas Sarkozy a donné ce 12 décembre un coup d'accélérateur au chantier de la réforme de l'Etat - et, plus précisément, du processus de révision générale des politiques publiques (RGPP) lancé l'été dernier - en dévoilant près d'une centaine de mesures destinées, à terme, à réduire le déficit public, à l'occasion du premier Conseil de modernisation des politiques publiques.
Lors d'un discours prononcé à l'ouverture de ce conseil qui se tenait à l'Elysée, le président a principalement détaillé la mise en place dès 2009 d'un budget pluriannuel, la délivrance par les mairies des cartes d'identité, passeports et permis de conduire, ainsi que la réforme de l'Etat déconcentré.
"Nous mettrons en place pour 2009 à 2011 un budget pluriannuel cohérent avec nos trajectoires de finances publiques", a annoncé le chef de l'Etat. Cette réforme "nous mettra au standard des pays européens", a-t-il souligné, saluant "une révolution dans notre fonctionnement administratif".
"Les préfets de région auront désormais autorité sur les préfets de département", a par ailleurs déclaré Nicolas Sarkozy, qui avait déjà souvent abordé ce dossier lorsqu'il était ministre de l'Intérieur. "Le niveau régional deviendra donc le niveau de pilotage des politiques de l'Etat, et je souhaite qu'un mouvement inédit de déconcentration au profit de cet échelon régional permette de réduire le format des administrations centrales", a-t-il expliqué.
Parmi les "propositions concrètes", le chef de l'Etat a également insisté sur la "rationalisation" de la fabrication et de la délivrance des passeports, cartes d'identité et permis de conduire : "La délivrance sera effectuée au plus près des citoyens, qui n'auront plus à aller jusqu'à leur préfecture ou leur sous-préfecture (...). On va donc mettre les mairies dans le circuit. C'est quand même extraordinaire que les mairies qui sont le lieu par définition du service public de proximité, ne pouvaient pas donner de permis de conduire, de carte d'identité ou de passeport." Cette annonce pose toutefois question dans la mesure où dans les faits, les mairies délivrent déjà les cartes d'identité, où l'on connaît le contentieux opposant l'Etat et certaines villes sur ce sujet et où un groupe de travail planche depuis deux ans déjà sur la question de la délivrance en mairie des passeports biométriques...
Au total, le conseil a présenté mercredi 97 mesures couvrant l'ensemble des ministères et de leurs actions, afin de les "recentrer sur le coeur de leurs missions", de "moderniser les procédures au service des usagers", d'"alléger et réorganiser l'Etat" et de "mieux valoriser" le travail des fonctionnaires et d'"utiliser au mieux" les ressources publiques.
"Big bang administratif"
Du côté du ministère de l'Intérieur et de ses relations avec les collectivités, le conseil est revenu sur le sujet du contrôle de légalité, avec pour objectif de l'"alléger" tout en le "rendant plus efficace". "Le contrôle de légalité sera désormais centralisé au sein des préfectures. Il sera automatisé sur certains actes courants (contrôle budgétaire, par exemple) et recentré sur les actes qui présentent les enjeux les plus importants (comme certains marchés publics, l'urbanisme et l'environnement) afin que l'Etat concentre ses moyens sur les actes les plus risqués", indique le dossier diffusé mercredi à l'issue de cette réunion.
L'un des ministères les plus impactés par ce vent de modernisation sera certainement le "Medad". Qualifiée de "big bang administratif", la création du super ministère de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables, qui regroupe les anciens ministères chargés de l'écologie, de l'équipement et de l'énergie vise à garantir la prise en compte du développement durable dans l'ensemble des politiques publiques. Au niveau central, les 35 directions actuelles du périmètre ministériel vont céder la place à cinq grandes directions métier et à un secrétariat général renforcé. Seront ainsi créées une grande direction du climat et de l'énergie, focalisée sur la lutte contre le changement climatique, une direction générale des risques environnementaux et une autre grande direction des infrastructures, des transports et du report modal. Au niveau territorial, le nouveau périmètre ministériel se traduira par la création de grandes directions régionales de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables regroupant les actuelles directions régionales de l'équipement (DRE), de l'environnement (Diren) et de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (Drire) pour la partie qui relève des missions du Medad. Déjà expérimentée avec succès dans huit départements, la fusion entre les directions départementales de l'équipement et celles de l'agriculture et de la forêt sera généralisée pour "donner plus de cohérence à la politique d'aménagement du territoire".
D'autres ministères seront également réorganisés, tels que le ministère de la Culture, au sujet duquel il a d'ailleurs été indiqué en passant que "certains musées et monuments nationaux pourront être confiés aux collectivités territoriales" - un "transfert de propriété ou simplement de gestion" prévu sur la base du volontariat, par convention.
Pour accompagner ce catalogue de mesures, Nicolas Sarkozy a pris soin de rassurer les fonctionnaires en leur promettant qu'ils seraient "les grands bénéficiaires" de la réforme de l'Etat. Comme l'a souligné le ministre du Budget et des Comptes publiques, Eric Woerth, d'autres mesures d'économie seront annoncées lors du prochain Conseil de modernisation en avril, dans la mesure où seulement 20% du budget de l'Etat a pour l'heure été audité. On rappellera enfin que le groupe de travail conduit par Alain Lambert consacré aux relations entre l'Etat et les collectivités, dont les conclusions ont été présentées dès la semaine dernière, font partie de ce même processus placé sous le sigle "RGPP".
C.M. / A.L. / C.F.