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Congrès de l'ARF - Les régions ne veulent pas devenir des "syndicats départementaux"

"Les régions face aux défis de la crise." Ou de la nécessité, face à la crise, de renforcer la régionalisation. Tel devait être le fil rouge du sixième congrès de l'Association des régions de France (ARF), organisé ce vendredi 5 novembre au Palais des congrès de Paris à l'invitation du conseil régional d'Ile-de-France. Il a certes été question de ce contexte de crise économique avec, entre autres, l'intervention d'experts tels que l'économiste Jean-Hervé Lorenzi. Mais cette journée de congrès, que le président de l'ARF avait annoncée comme devant permettre de "faire bouillir la marmite régionale", a évidemment été marquée par un autre contexte, celui de l'adoption deux jours plus tôt en commission mixte paritaire du projet de réforme des collectivités. Ce projet que l'ARF n'a cessé de combattre depuis le début.
Vendredi encore, les mots n'ont pas manqué pour fustiger la réforme et le conseiller territorial auquel celle-ci doit donner naissance : "réforme à haut risque", "contre-réforme", "absurdité", "aberration"… "Le conseiller territorial, c'est la mort des régions", a par exemple résumé Michel Vauzelle, président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. On connaît le raisonnement de l'ARF : la création du conseiller territorial comme élu unique au conseil général et au conseil régional, avec son mode d'élection uninominal majoritaire à deux tours sur un territoire cantonal, réduira la région à une sorte de "syndicat interdépartemental" incapable de porter des projets à dimension réellement régionale. Ce qu'Alain Rousset qualifie volontiers, tout en assurant ne pas "faire injure aux collègues des départements", de "victoire de la salle des fêtes contre l'innovation"… Cette lecture que font les élus régionaux de la réforme a en tout cas reçu vendredi le soutien appuyé d'une universitaire, Géraldine Chavrier, professeur de droit public à Paris I, pour qui le conseiller territorial est "une catastrophe" venant "remettre en cause tout l'équilibre de la décentralisation" : "Comment un conseiller territorial pourra-t-il décider d'une mesure d'intérêt régional si celle-ci est contraire à l'intérêt particulier de son département ou de son canton ?", s'est-elle, elle aussi, interrogée. Michel Piron, député UMP du Maine-et-Loire et coprésident de l'Institut de la décentralisation, a pour sa part tenté de minimiser ce risque : selon lui, ces élus seront bien capables de "s'exonérer de leurs pieds cantonaux pour penser le niveau régional".
Les présidents assurent toutefois qu'en cas de victoire de la gauche en 2012, la loi "sera abrogée". Et comptent d'ici là déposer un recours devant le Conseil constitutionnel. Avec, à la clef, au moins cinq motifs : la remise en cause de la reconnaissance de la région introduite dans la Constitution par la réforme de 2003, le fait que la région passerait de fait sous la tutelle des conseils généraux, la fin de la parité, la dévolution automatique de certaines compétences aux métropoles, le fait que le volet Outre-Mer du projet supposerait une consultation populaire. Par ailleurs, l'ARF n'exclut pas de se tourner vers le Conseil d'Etat ou la Cour de justice européenne.

Plus d'autonomie fiscale

Autre élément de contexte naturellement prégnant au fil du congrès : la pénurie des ressources. Et singulièrement des ressources fiscales. Avec la réforme de la taxe professionnelle, les régions ont en effet perdu une bonne part de leur autonomie fiscale, celle-ci étant désormais limitée à la part modulable de la TIPP et à la taxe sur les cartes grises… soit seulement 12% de leurs recettes. Elles ont également perdu au passage la totalité des impôts ménages qu'elles percevaient jusqu'ici. Même Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée, invité à participer aux échanges, l'a reconnu : "Sur les recettes, la situation est plus difficile pour les régions que pour les autres niveaux de collectivités", et l'absence de levier fiscal invite à "réfléchir à un élargissement des ressources fiscales" en matière par exemple de transports, d'environnement ou d'aménagement. Pour Gilles Carrez toutefois, les régions peuvent se réjouir du fait que "l'assiette du nouvel impôt économique est dynamique". Tous n'en sont pas convaincus. Martin Malvy (Midi-Pyrénées) par exemple, a relevé que ce "dynamisme" affiché serait basé sur les prévisions de croissance fournies par la France à Bruxelles… autrement dit, sur des données "irréalistes". Il estime également que les régions, parce qu'elles "n'auront plus de recettes évolutives", ne "vont plus pouvoir faire appel à l'emprunt".
Si ce sixième congrès a ainsi été très offensif par rapport aux réformes gouvernementales, il a de facto été très politique… Politique, dans la mesure où les trois conseils régionaux présidés par la droite ont désormais quitté l'ARF. Le président de la région Réunion, Didier Robert (UMP), et celui de la Guyane, Rodolphe Alexandre (DVG élu avec le soutien de l'UMP), ont en effet annoncé vendredi dans la matinée leur départ de l'association. Ils suivent l'exemple du président de l'Alsace, Philippe Richert (UMP), qui avait présenté son initiative deux jours plus tôt et préside maintenant une nouvelle association, l'Association des élus régionaux de France (AERF). Alain Rousset a accusé le chef de l'Etat d'avoir "imposé" à la Réunion et à la Guyane de quitter l'ARF. Le fait que pour la première fois aucun ministre ni même aucun représentant de l'Etat n'ait participé au congrès a par ailleurs été peu apprécié, sachant que le Premier ministre avait initialement été invité. Le renforcement du dialogue Etat-régions auquel appellent souvent de leurs voeux les responsables régionaux n'est peut-être pas pour tout de suite.

 

Claire Mallet