Réforme des collectivités - Les premières conclusions de l'étude d'Ernst & Young pour le Sénat
Les compétences des collectivités se chevauchent-elles et, si oui, lesquelles doivent faire l'objet d'une clarification ? Pour répondre à cette question, qui se trouve aujourd'hui au coeur des débats, la mission sénatoriale sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales présidée par Claude Belot a confié une étude à Ernst & Young. Dans un rapport d'étape présenté aux sénateurs le 18 février, les responsables du cabinet montrent que la répartition actuelle des compétences entre les collectivités locales possède à la fois des atouts et des points faibles, qui diffèrent sensiblement de l'une à l'autre.
En ce qui concerne les transports, les experts d'Ernst & Young estiment que les compétences sont "clairement réparties" entre les différents acteurs. Ils constatent toutefois un "déficit de coordination territoriale" lié en particulier à l'absence d'instances rassemblant les différents acteurs. Pour résoudre cette difficulté, ils préconisent de transférer les transports interurbains des départements aux régions - qui sont déjà compétentes pour le transport ferroviaire.
Dans le secteur de l'action sociale, le cabinet constate que le département exerce une fonction de "chef de file" et "joue un rôle d'impulsion et de rationalisation des actions en recourant, le cas échéant, à des délégations de compétences au bénéfice des communes et des intercommunalités". Mais il remarque des sources de "dysfonctionnements" parmi lesquelles "le maintien d'une capacité d'intervention directe de l'Etat".
Le développement économique semble poser beaucoup plus de difficultés, en tant que compétence partagée par tous les acteurs. L'Etat y consacre près de 2 milliards d'euros, les régions la moitié moins, les départements 876 millions d'euros, les EPCI 806 millions d'euros et les communes 426 millions d'euros. Les chambres consulaires viennent en renfort avec 700 millions d'euros par an.
Fusion des départements et des régions : peu d'économies à la clé
Toutes ces interventions sont réalisées "sans allocation rationnelle" estime Ernst & Young, qui pointe des "défauts de lisibilité, de cohérence, de visibilité et de réactivité". Il existerait un véritable "enchevêtrement" en milieu urbain, tandis qu'en milieu rural, on pourrait regretter "un déficit d'intervenants, auquel les départements essayent de répondre". Le cabinet observe que dans la réalité une certaine forme de "spécialisation" s'est instaurée entre les différents échelons. Il cite le "soutien à l'innovation et à l'internationalisation pour les régions", "l'aménagement des zones d'activité pour les EPCI" et le "soutien au commerce pour les communes". Au total, le rapport d'étape passe en revue dix compétences sans toutefois évaluer le coût des recoupements.
Une autre étude, réalisée par le cabinet KPMG pour l'Assemblée des départements de France (ADF), conclut pour sa part qu'entre les départements et les régions, les "compétences les plus lourdes ne sont que peu, voire pas du tout partagées". De ce fait, estime le cabinet, la fusion des conseils généraux et régionaux ne produirait que de faibles économies, évaluées à 600 millions d'euros par an, soit moins de 0,7% des dépenses cumulées des deux échelons. Le cabinet en conclut que "l'enjeu ne repose pas tant sur la fusion des institutions départementales et régionales que sur la clarification des modalités de partage des compétences entre acteurs publics en intégrant les services de l'Etat dans le périmètre de la réflexion". KPMG préconise par conséquent de "limiter les compétences exercées conjointement à un nombre restreint d'acteurs publics".
Thomas Beurey / Projets publics