Pouvoirs locaux - Les préfets s'interrogent : la décentralisation est-elle vraiment plus efficace qu'un Etat déconcentré ?
L'Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l'Intérieur (ACPHFMI) est favorable à une nouvelle étape de la décentralisation. Mais sous certaines conditions, que son président, Daniel Canepa, préfet d'Ile-de-France, a précisées devant un parterre de préfets et sous-préfets réunis en présence du ministre de l'Intérieur à l'occasion, le 28 novembre, de l'assemblée générale annuelle de l'association.
Pour le préfet de la région capitale, la décentralisation n'est pas, a priori, la panacée. "Il est difficile aujourd'hui d'affirmer que [les politiques décentralisées] sont gérées plus efficacement que si elles l'étaient par un Etat réellement déconcentré et doté des moyens nécessaires", a-t-il estimé. De plus, la décentralisation "coûte cher", notamment parce que les collectivités procèdent à des "recrutements supplémentaires", a-t-il assuré. Autre ombre au tableau : la difficulté aujourd'hui pour le citoyen de dire qui fait quoi entre toutes les collectivités.
De ce constat qu'il considère comme "objectif", Daniel Canepa tire plusieurs conséquences. D'abord, il faut mettre un terme à l'émiettement des compétences entre les collectivités et revenir sur le principe de la clause générale de compétence. Ce sont "des garanties d'un usage plus rationnel des moyens, mais aussi plus lisible pour les citoyens", a déclaré celui qui, rappelons-le, fut entre octobre 2008 et mars 2009 l'un des membres du comité pour la réforme des collectivités territoriales présidé par Edouard Balladur. La remarque n'est pas fortuite, puisque le gouvernement envisage de restaurer le principe de la clause générale de compétence que la loi de réforme des collectivités a encadré pour les régions et les départements.
Réorganiser le réseau des sous-préfectures
Ensuite, pour le président de l'Association du corps préfectoral, il faudra réduire les coûts des services publics. Ce qui pourrait passer en particulier par la définition d'"un système de normalisation moins coûteux", c'est-à-dire "qui intègre réellement et en amont l'avis des collectivités locales et le coût des mesures envisagées". Par ailleurs, il faudra qu'"en toute transparence" l'Etat abandonne certaines missions, et, au contraire, renforce ses moyens pour d'autres domaines. "En ces temps de crise et d'incertitude, nos concitoyens attendent beaucoup de l'Etat", a souligné le préfet. Il faudra donc recentrer l'action de l'Etat, mais aussi en parallèle assurer une plus grande et meilleure déconcentration, a-t-il précisé. Une réorganisation du réseau des sous-préfectures est "inévitable", a-t-il estimé, en apportant, donc, son soutien au projet de reconfiguration préparé par le ministre de l'Intérieur.
En résumé, les préfets veulent "une décentralisation courageuse, qui assume de réduire les missions de l'Etat et aille au bout de son principe en faisant des collectivités des acteurs pleinement responsables", a lancé Daniel Canepa.
Il a fait part de "l'inquiétude" de bon nombre de ses collègues. "A nouveau certains élus voient la décentralisation seulement comme une diminution des pouvoirs de l'Etat", a-t-il confié. En outre, "les moyens [des services de l'Etat] se réduisent avec des personnels moins nombreux, et des finances en berne", a-t-il regretté. Autre difficulté mal vécue par le corps préfectoral : "La réforme précédente [de l'Etat] n'a pas encore produit ses effets que la suivante risque d'affaiblir l’échelon régional qui venait d’être renforcé". Daniel Canepa évoque enfin le cas de "préfets remerciés avant leur titularisation" et avoue que certains apprécient peu de voir "les ministres et leurs cabinets contourner le réseau préfectoral pour organiser leurs visites préférant traiter directement avec des élus"...
Au cours de l'assemblée générale, Daniel Canepa a été reconduit à la tête de l'Association du corps préfectoral.