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Aménagement du territoire - Les maires demandent des garanties pour La Poste

Alors que l'examen du projet de loi sur La Poste doit commencer en novembre prochain, élus et syndicats s'inquiètent du financement de la mission d'aménagement du territoire. Si le fonds postal national de péréquation territoriale peut financer cette mission jusqu'à 2010, rien n'est garanti au-delà, pour le moment.

Le succès du référendum du 3 octobre 2009 sur La Poste n'a pas fait changer le gouvernement de cap. "Ne rien faire serait à la fois inconscient et irresponsable car pour La Poste, le statu quo serait mortel", a ainsi affirmé Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie, deux jours après les résultats. L'examen du projet de loi relatif à La Poste et aux activités postales doit commencer en novembre 2009. Il prévoit la transformation de l'entreprise en société anonyme, "dont la totalité du capital social sera détenue par l'Etat ou par des personnes morales appartenant au secteur public, à l'exception de la part pouvant être détenue au titre de l'actionnariat des personnels". Par ailleurs, le ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, Michel Mercier, a pris en exemple le contrat de présence territoriale qui lie La Poste, l'Etat et les élus pour garantir ses missions de service public. Exemple qu'il souhaite étendre à tous les opérateurs de service public. Reste qu'aujourd'hui, le doute plane sur les garanties financières apportées à ces missions. Associations de maires et syndicats se demandent quel va être l'avenir du fonds postal national de péréquation territoriale. Depuis 2007, ce fonds assure le maintien du maillage territorial de La Poste et de ses 17.000 points, notamment les agences postales communales (APC), les relais poste commerçants (RPC) et les bureaux de faible activité en milieu rural, mais aussi en milieu urbain dans les zones urbaines sensibles. Il est financé par l'abattement de taxe professionnelle dont bénéficie La Poste. L'Etat s'est engagé à financer ce fonds jusqu'en 2010, à travers le contrat de présence postale signé en juillet 2008. Le fonds a ainsi bénéficié de 137 millions d'euros en 2008. Pour 2009, il est doté de 136 millions d'euros. Un budget conséquent mais dont la répartition restait jusqu'à maintenant très floue. "A quoi ont servi les 137 millions d'euros en 2008 ?", a demandé récemment au gouvernement le syndicat Sud-PTT. Une question à laquelle le gouvernement vient de répondre à travers un document transmis aux syndicats le 6 octobre qui fait le point sur la répartition du budget 2008.

 

"Il n'y a pas de fermetures de bureaux de poste"

306.000 euros ont ainsi été utilisés pour la gestion des agences postales communales et les agences postales intercommunales (API) recensées dans les départements au sein des zones prioritaires (zones rurales, de revitalisation rurale, de montagne, urbaines sensibles, et les DOM), 60.000 euros pour la gestion des relais poste, 260.000 euros pour les dépenses d'aménagement et d'équipement nécessaires à la modernisation des bureaux de poste en zones prioritaires et 374.000 euros pour financer les indemnités et les rémunérations forfaitaires des nouveaux partenariats. Pour 2009, plus de 580 opérations de rénovation sont programmées, et 247 engagées pour un montant de 12,6 millions d'euros, précise le document. Pour 2010, le fonds devrait bénéficier d'un budget de 133,06 millions d'euros. La transparence se fait donc sur la répartition du budget du fonds de péréquation mais reste le problème de la présence postale sur le territoire. D'après les comptes de Sud-PTT, plus de 1.000 bureaux auraient été fermés durant la crise. "Le maillage territorial est fait par La Poste sur la base d'un seul critère : la surface financière des clients, un critère uniquement financier !", estime Nicolas Galepides, délégué Sud-PTT et également porte-parole du comité organisateur du vote citoyen sur La Poste. "Il n'y a pas de fermeture de bureaux, explique-t-on à La Poste, mais des transformations." Et de reprendre les calculs : sur 17.092 points de contact, il y a 4.400 APC, 1.750 relais points postaux et 10.850 bureaux de poste de plein exercice, contre 11.600 en 2008. "On est sur un rythme de 500 à 600 transformations par an et les décisions sur la structure à conserver ou à transformer se font entre les responsables de La Poste et les maires." Le choix de remplacer un bureau de poste par une agence postale communale ou un relais poste chez un commerçant se fait en concertation avec les élus locaux. Une garantie, selon les responsables de La Poste, d'une bonne répartition des points de contact sur le territoire. Les relais poste et les agences offrent l'essentiel des services d'un bureau de poste : courrier (vente de timbres et de Prêt-à-Poster, recommandés, réexpédition, garde, etc.), colis (vente d'emballages, dépôt et retrait), dépannage financier, avec un retrait en espèces pour les titulaires de compte courant postal et de livret A de 300 euros par semaine en APC et de 150 euros pour les relais poste. En échange de ces services, les structures touchent des commissions : le relais poste reçoit ainsi 250 euros par mois (300 euros en zone urbaine sensible), ainsi qu'une commission sur le chiffre d'affaires postal réalisé. L'agence postale communale perçoit quant à elle une indemnité mensuelle de 833 euros (937 euros dans certains cas), soit environ la moitié d'un salaire que la commune abonde. Mais ces financements vont-ils pouvoir perdurer ? Le projet de loi reste en effet presque muet sur les modalités de pérennisation du fonds postal national de péréquation territoriale.

 

"La balle est dans le camp des législateurs"

"Des travaux ont d'ores et déjà été engagés pour examiner les modalités de pérennisation du financement de la mission d'aménagement du territoire de La Poste au-delà de novembre 2010, date d'échéance du contrat en cours", passé entre l'Etat, La Poste et l'Association des maires de France (AMF), indique ainsi le texte. Mais la taxe professionnelle, qui permettait d'alimenter le fonds, étant amenée à disparaître, quel financement prendra le relais ? "On n'a pas de garantie, explique Xavier Cadoret, maire de Saint-Gérand-le-Puy et membre de l'Observatoire de la présence postale. Ce qu'on réclame, c'est qu'on inscrive dans la loi le montant qui sera consacré à la péréquation ; une fois transformée en entreprise anonyme, La Poste fera avec ce qu'elle a et elle fermera les bureaux qui ne sont pas rentables." L'Association des maires ruraux de France a également demandé des garanties dans la loi. Quant au président de l'AMF, Jacques Pélissard, il a adressé plusieurs courriers à Christian Estrosi pour lui demander de séparer l'activité économique de l'entreprise et l'aménagement du territoire, qui sortirait ainsi du champ de la concurrence. "On a fait l'effort de faire des services postaux et maintenant on nous dit que même ce dispositif n'est pas garanti !", déplore Xavier Cadoret. A La Poste, on se veut rassurant. "La loi prévoit la garantie du financement de cette mission d'aménagement du territoire, avec peut-être quelque chose qui remplacera le fonds de péréquation", explique-t-on à la direction de l'entreprise publique, mais pour le moment, aucune information concernant les pistes explorées ne filtre. Une étude sur le sujet doit arriver prochainement à la commission des affaires économiques du Sénat, permettant de chiffrer le montant nécessaire pour cette mission et les modalités de son financement, qui reposera probablement sur l'Etat, l'entreprise elle-même, et les collectivités territoriales. Les maires ont pris les devants. Ils chiffrent à 351 millions d'euros pour 2008 cette mission d'aménagement du territoire. Bien plus que le montant du fonds de péréquation… "La balle est dans le camp des législateurs, affirme Xavier Cadoret. Il faut voir s'ils décident de mettre la mission d'aménagement du territoire dans la loi et d'indiquer une somme correspondante à cette mission."

 

Emilie Zapalski