Handicap / Habitat - Les "logements évolutifs" inquiètent les associations de personnes handicapées
Alors que le projet de loi Elan (Evolution du logement et aménagement numérique) est en cours d'examen au Conseil d'Etat, l'Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs (Anpihm) attire l'attention sur les conséquences de l'article 17 du texte. Pour l'association, il s'agit d'"anticiper la possible réalité cruelle à laquelle les personnes dites handicapées, et bien au-delà, devront faire face si d'aventure le pouvoir va au bout de ses intentions en matière de révision des normes d'accessibilité du cadre bâti d'habitation".
Seulement quelques milliers de logements accessibles par an ?
Dans une note intitulée "Une absurdité sociale", l'Anpihm procède à une simulation de la mise en œuvre des dispositions de l'article 17 du projet de loi, dans sa rédaction actuelle. Dans un souci de simplification et de maîtrise des coûts du logement, cet article introduit en effet un changement de taille. Il prévoit de passer du "100% de logements neufs accessibles", prévu par la loi Handicap du 11 février 2005 (et auparavant par la loi de 1983), à la notion de "100% de logements évolutifs", autrement dit susceptibles d'être adaptés pour accueillir une personne handicapée. Le texte prévoit toutefois le maintien d'un quota de 10% de logements neufs accessibles d'emblée.
Dans sa note, l'Anpihm se cantonne au cas des logements HLM, qui accueillent de nombreuses personnes handicapées, dont les ressources sont généralement limitées. Sur les 45.000 logements HLM produits en 2013 - année retenue par l'étude -, 23.000 correspondraient à la définition de logements accessibles : appartements en rez-de-chaussée, appartements desservis par ascenseur et maisons individuelles construites pour être louées ou vendues clés en mains. Selon l'Anpihm, "le principe projeté de 10% conduirait ainsi à la production effective de 2.300 appartements HLM accessibles par an, soit un appartement par tranche de 30.000 habitants parmi lesquels 6.600 seront âgés de plus de 65 ans et 160 seront victimes de pathologies invalidantes impromptues, mais prévisibles (AVC, infarctus, fracture du col du fémur)".
Des chiffres très éloignés des 4,5 millions de dossiers - tous types de demandes et prestations confondus - déposées sur chaque année auprès des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), même si les handicapés moteurs, avec un problème d'accessibilité, ne représentent qu'une petite fraction du nombre de personnes reconnues handicapées.
Qu'est-ce qu'un "logement évolutif" ?
D'autres dispositions du texte inquiètent l'Anpihm et les autres associations de personnes handicapées moteurs, comme l'APF (Association des paralysés de France). C'est notamment le cas de la définition, encore très imprécise, du "logement évolutif". La rédaction actuelle de l'article 17 du projet de loi Elan indique en effet : "Des décrets en Conseil d'Etat fixent les modalités relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées prévue à l'article L.111-7 [du code de la construction et de l'habitation, ndlr] que doivent respecter les bâtiments ou parties de bâtiments nouveaux. Ils précisent les modalités particulières applicables à la construction de maisons individuelles, à la construction de logements collectifs évolutifs [...]".
Une formulation qui, selon l'association, laisse entendre que le caractère évolutif du logement ne s'appliquerait pas à la construction de maisons individuelles, qui représentent pourtant près de la moitié de la production annuelle de logements neufs. Ce point pourrait toutefois être précisé dans la version qui sera présentée en conseil des ministres ou lors de l'examen du projet de loi au Parlement. La définition précise du "logement évolutif" devra également faire l'objet d'un décret, dont les avant-projets seront décortiqués de très près à la fois par les associations de personnes handicapées et par les acteurs de la construction et de l'urbanisme.
La disposition prévue par l'avant-projet de loi Elan correspond à une idée déjà ancienne et n'est pas une surprise. En septembre dernier, à l'issue du comité interministériel du handicap, Edouard Philippe avait déjà confirmé l'intention de passer de l'obligation d'adaptation des logements au handicap à une obligation d'adaptabilité des logements. Avec un objectif de 100% des logements neufs adaptables - autre terme pour désigner un logement évolutif ou "réversible" -, c'est à dire susceptibles d'être adaptés en cas de survenue d'un handicap pour l'occupant ou d'arrivée dans le logement d'une personne handicapée. Le même jour, le 20 septembre, en présentant la "stratégie logement du gouvernement", le ministre Julien Denormandie l'avait redit aussi.