Ile-de-France - Les Hauts-de-Seine et les Yvelines préparent leur mariage
Les Hauts-de-Seine et les Yvelines ont approuvé vendredi 5 février la création d'un établissement public de coopération interdépartementale (EPCI), première étape du projet de fusion engagé par ces deux départements de l'ouest parisien, dominés par la droite. Les deux assemblées départementales ont adopté simultanément vendredi matin la création de cette structure qui réunira les conseillers départementaux des deux collectivités sur des projets communs. Outil du rapprochement progressif des services des deux départements, elle se verra notamment confier la création d'un établissement d'accueil pour les personnes atteintes d'un handicap psychique, la création d'un service interdépartemental d'archéologie préventive ou le rapprochement des services d'entretien routier. Dans le domaine social, la réalisation conjointe des schémas départementaux d'action sociale et médico-sociale, le développement d'une gestion commune des établissements départementaux de l'aide sociale à l'enfance, et l'élaboration d'un programme interdépartemental d'insertion afin de développer la "mise en activité" des bénéficiaires du RSA, sont également envisagés.
Les deux assemblées ont également voté le principe d'une fusion de leurs sociétés d'économie mixte d'aménagement (Sem), afin de permettre aux deux départements de "disposer d'un outil commun au service de leur territoire et de fusionner les moyens mis au service des aménageurs." Cet ensemble composé de la SEM 92 et d'Yvelines Aménagement, incorporant la Sarry (région de Rambouillet) et la Semercli (ville de Clichy-la-Garenne), "aidera les maîtres d'ouvrage publics dans leurs réalisations, leur apportant une capacité d'étude et d'ingénierie renforcée."
Un "moteur économique" face à une MGP "encalminée"
Il s'agit de la première pierre du projet de fusion qu'entendent mener les présidents Les Républicains de ces deux départements parmi les plus riches de France, Patrick Devedjian et Pierre Bédier, dans les "deux ans". Objectifs : "répondre aux attentes de leurs administrés qui demandent à vivre sur des territoires attractifs et qui attendent des politiques efficaces, cohérentes et soucieuses de la bonne utilisation de l'argent public" ; peser plus lourd face à l'Etat, mais surtout face à la Métropole du Grand Paris (voir notre article du 25 janvier ci-contre) ; mettre des moyens en commun pour pouvoir mener de grands projets et se poser en "moteur économique" dont "la capitale a besoin", a expliqué Pierre Bédier lors d'une conférence de presse avec Patrick Devedjian à Nanterre. Les deux élus, qui s'opposent à la Métropole du Grand Paris (MGP) "dans sa forme actuelle" - elle inclut les Hauts-de-Seine mais pas les Yvelines - et considèrent qu'elle devrait se fondre avec les frontières de la région Ile-de-France, estiment qu'elle est "encalminée" et ne peut être ce "moteur". "Elle n'a pas de compétence d'attractivité : les transports, le fluvial, les accès autoroutiers, les aéroports, même le tourisme, tout ça elle ne l'a pas", a déclaré Patrick Devedjian. "Elle n'a toujours pas d'adresse. Avant qu'elle fonctionne, on ne va pas attendre. Nous, nous sommes opérationnels tout de suite."
"Mariage d'argent"
Le projet suscite de vives réactions de la part des élus franciliens. Il ne fait pas l'unanimité au sein des deux conseils départementaux : dans les Hauts-de-Seine, la gauche a demandé l'organisation d'un référendum sur la fusion, une étape qui n'est plus obligatoire, tout comme plusieurs élus de droite au conseil départemental des Yvelines. Du côté des départements limitrophes de la petite couronne, Stéphane Troussel, président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, a quant à lui dénoncé sur son blog les "tentations de bunkériser les territoires riches, incarnées par le mariage d'argent entre les Yvelines et les Hauts-de-Seine". Christian Favier, son homologue du Val-de-Marne, ne dit guère autre chose, parlant d'une "manière, pour les départements riches, de vouloir se protéger", ce qui ne serait "pas très bon signe". Le président PCF y voit aussi une évidente "résistance à la métropole". Une résistance qu'il partage, d'ailleurs, face à "cette métropole en devenir, qui a encore tout à prouver", tandis que "les départements, on sait ce qu'ils font". Selon Christian Favier d'ailleurs, Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France qu'il a rencontrée récemment, "ne voit pas d'un bon œil cette fusion"… pas plus d'ailleurs, on le sait, qu'elle n'accepte la métropole, la jugeant "dépassée avant même d'avoir été créée".
On mentionnera aussi par exemple le sénateur des Hauts-de-Seine Philippe Kaltenbach (PS), qui a présenté lundi 8 février une proposition de loi visant à "supprimer l’échelon départemental sur le territoire de la Métropole du Grand Paris" à l'horizon 2021. Pour lui, il s'agirait d'"une évolution de bon sens beaucoup plus pertinente" que le projet de fusion porté par les présidents des deux conseils départementaux.
A ce jour, aucun département n'a fusionné avec son voisin, même si les présidents des départements de Savoie et de Haute-Savoie, qui disposent depuis 2001 d'un EPCI commun, avaient évoqué dès 2014 cette possibilité. Les Yvelines et les Hauts-de-Seine, s'ils étaient fusionnés, formeraient une entité de plus de trois millions d'habitants, regroupant plusieurs pôles économiques majeurs de l'Ile-de-France.