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Réforme territoriale - Départements : l'horizon s'est éclairci, l'ADF avance ses pions

Finalement, par rapport à ce qui se disait en début d'année, l'étau de la réforme territoriale s'est sensiblement desserré pour les départements. Leur existence n'est en principe plus menacée jusqu'en 2020. L'exécutif n'a de toute façon plus guère le choix, le rapport de forces au Parlement excluant toute réforme constitutionnelle passant par la case Congrès. Cette existence est même confortée par le dessein de grandes régions donnant de facto une raison d'être supplémentaire à un échelon intermédiaire. Dans le même temps, le seuil de 20.000 habitants qui avait été assigné à l'intercommunalité pour venir, à terme, pallier la "dévitalisation" du département, pourrait ne plus s'imposer. Et même pour l'après-2020, on le sait, le Premier ministre a désormais dessiné une triple porte de sortie évoquant le maintien du conseil départemental sur certains territoires.
"Le conseil général est là aujourd'hui. Il y aura des élections en mars 2015, pour des assemblées départementales élues jusqu'en 2020. Ce n'est qu'à partir de 2020 qu'est envisagée l'évolution du département vers trois solutions selon le territoire. Il faudra alors de nouveaux textes. Or qui sera président de la République, qui sera Premier ministre à ce moment-là ?", résume ainsi Claudy Lebreton, le président de l'Assemblée des départements de France (ADF). Lequel rappelle que pour le moment, le texte d'actualité est le projet de loi Notr sur les compétences, qui prévoit le transfert de quatre compétences départementales aux régions, et rien d'autre.
Cet horizon à peu près dégagé n'empêche pas les élus départementaux de rester mobilisés et vigilants. Le vent, on l'a vu depuis les annonces du début de l'année, peut si vite tourner. Et les élus doivent œuvrer rapidement pour espérer une marche arrière sur les transferts inscrits dans le projet de loi Notr, à commencer par les routes et les collèges. Claudy Lebreton explique : "Le gouvernement nous dit que son objectif est de réaliser des économies. Chiche. Alors, transférer les collèges ? Transférer les TOS des collèges aux régions coûterait 120 millions d'euros supplémentaires uniquement au niveau du régime indemnitaire. Et une étude en cours sur le coût de l'entretien par mètre carré des collèges par rapport à celui des lycées tend à montrer qu'il est de 15 à 20% moins cher. Quant aux transports scolaires, une étude sur une région montre que du fait des différents taux de prise en charge selon les départements – gratuité, 50%, 30%... -, l'homogénéisation induite par le transfert coûterait 8,4 millions d'euros pour cette seule région".
Evoquant la question ce 8 octobre en marge d'un point presse sur la fonction publique, la ministre Marylise Lebranchu a pour sa part parlé d'"une sorte de fixation de l'ADF sur les routes et les collèges"… et a tenu à détailler sa vision des choses : "Il ne faut pas oublier qu'on a créé la conférence territoriale de l'action publique : là où le département n'a pas bougé, le département peut exercer la compétence routes par délégation de la région, si tout le monde en est d'accord (…). On fixe une règle de base qui est : si il n'y a pas d'accord, mieux vaut avoir des cités scolaires, en particulier à cause des personnels TOS, en particulier lycées et collèges. Mais si dans une région, on estime que les collèges doivent être gérés différemment, comme l'Ile-de-France qui propose que la métropole les gère, pourquoi pas".

La loi Notr avant ou après les élections ?

Claudy Lebreton en convient : "La conférence territoriale de l'action publique nous donnera un espace de liberté même lorsqu'il y aura un leadership de la région." Et les présidents de conseils généraux ne comptent pas redemander à ce que l'on revienne sur la suppression de la clause générale de compétence prévue par le projet de loi Notr. L'ADF constate en effet que sur un plan juridique, cette suppression "n'emporte pas les autres lois". Autrement dit, sauf à modifier toutes les lois donnant des compétences spécifiques aux départements, ceux-ci pourront par exemple continuer à agir en matière de coopération décentralisée, d'enseignement supérieur ou de financement des crèches.
S'agissant des régions, "les grandes régions dotées de compétences économiques et porteuses de schémas prescriptifs, nous y sommes prêts", assure Claudy Lebreton, ajoutant toutefois : "Mais elles ne pourront agir seules. Avec un territoire régional beaucoup plus vaste, la pertinence du conseil départemental sera même renforcée. Nous demandons d'ailleurs à ce que la loi Notr inscrive, parmi nos compétences obligatoires, le fait que nous sommes garants des solidarités sociales et territoriales". Et ce, y compris dans les départements incluant une métropole.
Ce vœu figure dans la "plateforme" de dix propositions adoptée le 7 octobre à l'unanimité par le bureau de l'ADF, à l'issue d'un vote solennel. Ces propositions, qui sont parfois plutôt des affirmations (voir ci-contre), comprennent une demande immédiate : que l'examen du projet de loi Notr au Parlement soit décalé "de quelques mois" pour arriver après les élections de mars. L'ADF estime en effet qu'il serait "incompréhensible et anti-républicain que s’engage la campagne pour les élections départementales alors que les compétences des conseils départementaux seront encore en discussion". Sauf que Marylise Lebranchu tient le raisonnement inverse : "Il vaut mieux faire une première lecture au moins de la loi Notr avant les élections pour qu'on sache de quoi on parle aux électeurs"…
L'ADF jugerait par ailleurs opportun, que ce soit en termes d'économies ou de clarification, que les départements et les intercommunalités "obtiennent la gestion et l’intégration des 13.388 syndicats techniques compétents sur leur périmètre" – autrement dit que l'on supprime ces syndicats. De même, a lancé Claudy Lebreton, "faisons du Sdis un service du conseil général".
Enfin, les présidents assurent être favorables à diverses formes de mutualisations, rapprochements voire fusions, à conditions que cela se fasse sur la base du volontariat, en partant du terrain, Claudy Lebreton citant en exemple la démarche du Nord et du Pas-de-Calais, celle de la Drôme et de l'Ardèche ou encore celle des deux Savoie.
Autant de propositions qui seront bientôt étoffées, lors du 84e congrès de l'ADF organisé les 6 et 7 novembre à Pau à l'invitation du conseil général des Pyrénées-Atlantiques. Et sans doute présentées au Premier ministre attendu pour la clôture de ce rendez-vous annuel. En sachant que Manuel Valls aura peut-être d'ici là apporté de nouveaux éléments sur la réforme territoriale puisqu'il doit s'exprimer ce jeudi 9 octobre à Lille lors de la Convention de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) et dès le lendemain à Toulouse en clôture du congrès de l'Association des régions de France (ARF).

 

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