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Tabac - Les fumeurs au grand air

Comment les collectivités appliquent-elles la nouvelle interdiction de fumer ? Comment les agents concernés le vivent-ils ? Premiers échos.

Ca y est. Depuis jeudi matin, les agents fumeurs des collectivités sont obligés d'allumer leur cigarette à l'extérieur des bâtiments administratifs. Le décret du 15 novembre 2006 ne badine pas : il est désormais interdit de fumer dans tous les "lieux fermés et couverts accueillant du public ou qui constituent des lieux de travail". Les administrations sont concernées au même titre que les entreprises, les établissements scolaires, les commerces, les centres commerciaux, les établissements de santé, les gares, les aéroports, les salles de spectacle, les salles de sport et tous les moyens de transport collectifs.
Jusqu'à présent, il était encore possible de fumer dans son bureau, lorsque celui-ci n'était occupé par personne d'autre. Aujourd'hui, le bureau individuel est considéré comme un lieu collectif, où vont et viennent d'autres agents. Il était bien sûr également possible de s'adonner à la cigarette dans les lieux aménagés à cet effet.
Si les nouvelles dispositions prévoient la possibilité de leur maintien, bien peu de collectivités devraient, dans les faits, conserver ces lieux. Le puissant système d'extraction d'air exigé par le décret et ses circulaires d'application nécessite en effet des investissements jugés trop coûteux par les employeurs publics. Par conséquent, les fumeurs devront se retrancher à l'extérieur des bâtiments administratifs.
A en croire les responsables du personnel, les mesures anti-tabac seraient plutôt bien accueillies par les fonctionnaires, y compris par les fumeurs eux-mêmes. Les intéressés "sont aujourd'hui très sensibilisés au problème de la cigarette, fait remarquer le docteur Magali Falcou, responsable de prévention du personnel au conseil général des Pyrénées-Orientales. Le message a fini par passer." Les chefs de service ne devraient donc pas avoir trop de peine à faire appliquer les nouvelles règles. Le médecin se dit serein : "Nous faisons confiance aux agents. Jusqu'à présent nous n'avons pas eu de gros conflits avec les fumeurs. Je ne vois pas pourquoi cela ne durerait pas. En tout cas, nous allons observer comment cela va se passer."

Longueur d'avance

A la mairie d'Amilly, dans le Loiret, la dizaine de personnes habituées à fumer s'étaient appropriées un local, à l'origine non prévu pour les accueillir. L'interdiction d'y fumer inquiète l'un de nos agents qui se demande comment il va faire", reconnaît la responsable du personnel, Laurence Jammes.
La nouvelle interdiction qui frappe les fumeurs ne constitue pas en soi une très grande avancée, mais seulement un pas supplémentaire. "On ne fait qu'aller un peu plus loin", estime le responsable de la cellule Santé et Conditions de travail d'une grande ville de l'Ouest, pour qui "le grand pas a été franchi avec la loi Evin du 10 janvier 1991". Un progrès est réalisé "dans l'application de la loi", estime pour sa part le docteur Magali Falcou. La circulaire parue au Journal officiel du 5 décembre fait en effet peser sur l'employeur une obligation de résultat en matière de protection des agents vis-à-vis du tabagisme passif.
Des collectivités locales avaient déjà pris une longueur d'avance sur la réglementation nationale en interdisant totalement la cigarette dans quelques-uns de leurs bâtiments administratifs. Certaines étaient allées au-delà en accompagnant leurs agents dans un sevrage anti-tabac. C'est le cas du conseil général des Pyrénées-Orientales où, depuis juin 2003, entre 55% et 65% des agents qui fumaient régulièrement ne touchent maintenant plus à la cigarette. C'est le résultat d'une politique volontariste qui permet aux agents de consulter une psychologue et une diététicienne et de bénéficier du remboursement partiel de leur traitement pendant trois mois. "Depuis la mise en place de cette action, j'ai été assaillie de coups de fil par des collectivités territoriales désireuses de faire la même chose", indique Magali Falcou.
Quant à la capitale franc-comtoise, qui s'est engagée il y a près de vingt ans dans l'action "Besançon non-fumeur", elle ne relâche pas ses efforts. A l'occasion de l'entrée en vigueur des nouvelles règles, les 300 bus circulant dans l'agglomération arborent le slogan : "Inspirez, n'enfumez pas !"


Thomas Beurey / Projets publics

 

Problème d'image ?

"Ne va va-t-on pas se demander si les fumeurs qui se regroupent à l'entrée d'un bâtiment administratif ne nuisent pas à l'image de la collectivité", s'interroge Richard Lemaire, responsable Hygiène et Sécurité à la ville de Chambéry. "La pause cigarette peut aussi donner lieu à des abus", poursuit-il. Il reste cependant confiant : "On va laisser venir." A Amilly, les craintes du maire sont précises. Le premier magistrat de la ville a prié ses agents de ne pas fumer dehors. Question d'image vis-à-vis des usagers accueillis. La responsable du personnel nuance : "Cela peut se faire discrètement."