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Les finances locales sous le signe de la crise et des incertitudes

La capacité d'autofinancement du secteur public local devrait plonger de 18% en 2020, selon la note de conjoncture de la Banque postale Collectivités locales. Les spécialistes du groupe bancaire s'attendent à ce que la crise produise des effets de moyen et long terme sur les finances locales. Ils estiment par ailleurs que, compte tenu de plusieurs incertitudes sur l'évolution financière des collectivités, les élus locaux pourraient hésiter à participer franchement à la relance.

 

Les collectivités avaient été ragaillardies, ces dernières années, par l'amélioration de leurs marges de manœuvre. Mais la crise qui secoue le pays en 2020 "les fragilise", confirme la Banque postale Collectivités locales (LBPCL), dans la note de conjoncture des finances locales qu'elle a présentée ce 24 septembre. Par rapport au pic de l'année dernière, la capacité d'autofinancement des collectivités territoriales dévisse de 7 milliards d'euros. A 32 milliards, elle devrait ainsi quasiment revenir à la fin de cette année à son montant de 2014. La situation résulte d'un "effet de ciseau", particulièrement net cette année.
La crise met évidemment à mal les recettes des collectivités locales. En progression de près de 3% en 2019, celles-ci devraient connaître une contraction de 0,9% cette année (en neutralisant l'impact de la réforme de 2018 qui acte le désengagement des régions en matière d'apprentissage). Bénéficiant d'une fiscalité sur les ménages caractérisée par sa stabilité, le bloc communal s'en sortirait globalement mieux, avec une baisse limitée à -0,6% pour les communes, mais plus forte pour les intercommunalités (-1,4%). Les recettes des départements et des régions seraient plus affectées avec des baisses respectives de -1,6% et -2% (hors réforme de l'apprentissage).

Crise sanitaire : 1% de dépenses en plus

Mais à l'intérieur de chacune des catégories de collectivités territoriales, les situations pourraient fortement varier. Les stations de montagne, certaines communes accueillant un casino, ou encore celles dont les recettes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) sont plus élevées, devraient ainsi être plus touchées par cette crise dont les effets seront durables. En 2021, on peut s'attendre ainsi à ce que le produit de certains impôts soit amoindri, du fait des modalités de leur versement - la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est dans ce cas. Or, pour l'heure, les dispositifs de compensation créés par la loi du 30 juillet de finances rectificative ne s'appliquent qu'à l'année 2020. "Seront-ils reconduits ?", s'interroge Luc-Alain Vervisch, directeur des études du groupe bancaire.
De leur côté, les dépenses de fonctionnement du secteur local sont orientées à la hausse. En éliminant les effets liés à la réforme de l'apprentissage, leur progression ressortirait à 2,2% en 2020. L'achat des matériels de protection, les interventions en faveur des entreprises et des associations, le versement des primes aux agents mobilisés pendant le confinement, ou encore la progression des dépenses d'action sociale ont eu pour conséquence d'accroître d'environ 1 point les dépenses locales, estime la direction des études de LBPCL. Si la crise n'avait pas eu lieu, les collectivités auraient donc sans doute été dans les clous de la trajectoire des dépenses de fonctionnement, définie par la loi de programmation des finances publiques de 2018 (+1,2%). S'agissant des dépenses courantes, les évolutions seraient là encore variables selon les catégories de collectivités locales, avec une augmentation limitée à +1,1% pour les communes, mais de +4,7% pour les EPCI. Les départements et les régions se situeraient entre ces deux bornes, avec des progressions de +2,5% et +4%.

La dette en hausse

Dans ce contexte, l'investissement local serait en réduction de 5,8% et atteindrait près de 57 milliards d'euros. La crise accentue un peu le repli que l'on constate à chaque début de mandat municipal. Conséquence de la situation sanitaire, le report de la première réunion des conseils municipaux et communautaires a constitué "un réel frein" pour l'investissement, constate Célia Doublet, directrice du marché secteur public local à LBPCL.
Pour financer leurs dépenses d'équipement, les collectivités locales n'hésitent pas à recourir à l'emprunt, celui-ci étant attendu à 17,5 milliards d'euros en fin d'année. Du coup, l’endettement public local (emprunts moins remboursements) augmenterait d'1,1 milliard d’euros cette année. L’encours de dette du secteur public local s’élèverait en conséquence à 176,1 milliards d’euros, en hausse de 0,6%.
Les collectivités prendront-elles leur place dans la relance ? Elles pourraient en avoir le désir, en s'appuyant sur des fondamentaux restés solides. Mais elles pourraient aussi adopter une attitude prudente pour "ne pas engager des stratégies d'investissement qui pourraient apparaître ultérieurement trop lourdes", observe Luc-Alain Vervisch.

Incertitudes

Les incertitudes sur les finances locales sont en effet nombreuses. En particulier pour les départements. Les dépenses de RSA qui pourraient exploser, ne connaîtront a priori un reflux que bien après la décrue du chômage espérée au second semestre 2022. "C’est dire que certains départements vont sans doute voir l’impact de la crise perdurer pendant la majeure partie de leur futur mandat", observe la direction des études de LBPCL.
En outre, la réforme de la fiscalité locale, qui entrera en vigueur l'année prochaine, va redessiner la stratégie financière des communes. La taxe foncière sur les propriétés bâties deviendra leur principal levier. LBPCL estime que les élus locaux s'en serviront en faisant preuve de "sagesse fiscale". Mais toutes les conséquences de la réforme et les modifications à attendre sur la péréquation ne seront pas maîtrisables : au final, on constatera "des gagnants et des perdants", souligne le directeur des études de l'établissement spécialisé dans le financement des collectivités. La réforme augmente encore le poids des "impôts de flux" (TVA) dans les budgets locaux, note de son côté Jean-Pierre Balligand, ancien élu et président du comité d'orientation des finances locales de LBPCL. Cela a pour inconvénient d'accroître la dépendance des budgets locaux à la conjoncture.