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Environnement - Les députés font le point sur l'application du Grenelle 2

Pour être mis en oeuvre, ce monument législatif qu'est le Grenelle 2 nécessite la publication de près de 200 décrets. Où en sont ces textes et comment sont-ils accueillis par les élus et acteurs du terrain ? Le 29 juin, un groupe de députés a rendu une note d'étape éclairante sur le sujet.

Un an après sa promulgation, un peu plus de 20% des décrets d'application de la loi Grenelle 2 ont été publiés. C'est le principal enseignement qui ressort du point d'étape présenté le 29 juin devant les commissions des affaires économiques et du développement durable de l'Assemblée nationale. Un chiffre à interpréter avec prudence, car une bonne partie des textes est dans la file d'attente du Conseil d'Etat ou dans le circuit interministériel. La publication d'une vingtaine d'entre eux est imminente. Pour que le gouvernement atteigne l'objectif qu'il s'est fixé de sortir 189 des 199 décrets prévus d'ici la fin de la législature, le rythme de publication va rester soutenu cet été et au second semestre. En janvier prochain, la petite dizaine de députés qui planchent sur ce vaste chantier de suivi de l'application de la loi referont un point plus complet.
Leur premier constat est que si la gestation des décrets prend du temps, c'est que l'étape de la concertation que certains nécessitent en prend aussi. Du tour de table qu'ils ont effectué auprès de divers acteurs (élus, associations, professionnels), il ressort que cette concertation serait parfois précipitée. "Avec le Grenelle, le dispositif de concertation s'est renforcé. Mais il est fragile, la méthode fait encore défaut. Il manque une réelle stratégie de sortie des décrets, qui tiendrait compte des plus urgents et des plus complexes", a expliqué Bertrand Pancher, député de la Meuse et rapporteur de cette mission de suivi. Son collègue Philippe Tourtelier, également rapporteur et député d'Ille-et-Vilaine, a ajouté qu'il fallait plus de moyens humains et financiers pour assumer pleinement cette mission. Plus radical, André Chassaigne, député du Puy-de-Dôme, estime que derrière ce retard des décrets, "il y a un manque évident de volonté politique".

Les décrets "transports" se font attendre

Sur les 44 décrets prévus pour le Titre 1 (bâtiments et urbanisme), 12 seront parus d'ici la fin du mois. Des auditions menées, il ressort plusieurs interrogations sur l'efficacité du diagnostic de performance énergétique (DPE). Son coût, sa fiabilité, son impact sur le ralentissement des ventes (en province) posent des problèmes, auxquels le gouvernement dit s'atteler. "Ce manque de fiabilité est d'autant plus préjudiciable que le DPE est corrélé à l'octroi du prêt à taux zéro et donc associé à une politique d'aide publique", explique Annick Le Loch, députée du Finistère. Des problèmes d'interprétation se posent aussi avec la réforme de la publicité extérieure. Les députés recommandent que le décret en projet, qui portera règlement national dans ce domaine, encadre mieux les autorisations données aux maires pour les bâches publicitaires, au même titre que les règles fixées pour les bâches d'échafaudage. Dans les gares et aéroports, un dispositif spécifique aux affichages de petite taille (moins de 12m2) pourrait figurer dans le décret.
Sur les 12 décrets "transports" (Titre II) attendus, aucun n'est paru. Les retards les plus critiqués par les députés concernent la modulation des péages autoroutiers, l'expérience de péage urbain dans les agglomérations et le "droit à la prise" en habitat collectif pour les propriétaires de véhicules électriques. A ce sujet, un fonds semble s'esquisser en vue d'aider les collectivités à financer l'implantation de bornes de recharge. Pour le Titre III (Energie-Climat), 4 décrets ont été publiés sur les 24 prévus. Le dernier concerne les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie (décret du 16 juin dernier). Il y a un réel consensus sur l'intérêt de ces SRCAE. Mais le décret en question est paru trop tard pour que les régions puissent respecter la date d'échéance de mise en place fixée par la loi. En effet, d'ici le 13 juillet, une seule région, la Picardie, devrait avoir élaboré son schéma. Si l'absence de décret a incité les régions à prendre les devants, elle a aussi renforcé les disparités en termes d'avancement. Dix autres régions devraient l'avoir établi d'ici la fin d'année, et dix encore d'ici juin 2012. Dans le décret paru, les députés regrettent qu'il ne soit pas explicitement prévu que les gestionnaires de réseaux d'électricité soient associés à l'élaboration des schémas.

Risques de dérives

De manière générale, ils craignent les dérives et "glissements" entre l'objectif de la loi et son application. Prenons l'exemple des bilans d'émissions de gaz à effet de serre, dont le décret n'est pas paru. Des députés sont conscients que les collectivités qui auront à en réaliser militent pour que seules les émissions directes soient incluses. "Mais si les émissions indirectes induites par l'achat ou la production d'électricité ne sont pas prises en compte, cela pose un problème de fiabilité de la mesure, qui n'est plus assez complète pour servir de base aux SRCAE et au suivi énergie-climat de la collectivité", estime Philippe Tourtelier. Tout aussi problématique, le retard de publication des décrets en matière d'éolien "aboutit au résultat paradoxal de retarder le lancement des nouveaux projets par manque de sécurité juridique, alors que l'objectif de la loi était de clarifier le dispositif applicable", note les députés. Résultat : la création de nouvelles zones de développement éolien (ZDE) est aujourd'hui gelée. Egalement en suspens, le classement des éoliennes dans la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). A ce sujet, les députés craignent que l'administration veuille inclure les éoliennes des DOM dans cette nomenclature, ce que la loi ne prévoit pas. Côté agriculture (Titre IV, chap. 94-120), des rapports prévus par la loi n'ont toujours pas été réalisés ou transmis au Parlement. Enfin, concernant d'autres décrets en cours, par exemple sur la prévention des pollutions lumineuses et sonores ou sur les nanoparticules, les députés rapportent que l'insatisfaction domine et que des débats non réglés portent sur des questions de définition ou de seuils.