Les députés européens divisés sur la réduction des emballages
Alors que les déchets d’emballages continuent de croître, les députés européens ont adopté avec peine, en commission, leur position sur la proposition de règlement visant à les réduire. Ce texte de compromis, qui fait beaucoup d’insatisfaits, durcit certaines mesures et en assouplit d’autres, singulièrement celles visant la vente à emporter. Son examen en séance plénière, prévu en novembre, promet d’être âpre et l’issue du vote particulièrement incertaine.
Les parlementaires européens ont adopté en commission ENVI leur position sur la proposition de règlement "emballages" présentée par la Commission l’an dernier (voir notre article du 2 décembre 2022). Pas moins de 2.473 amendements ont été déposés sur un texte qui divise les parlementaires – y compris au sein du groupe PPE –, opposant notamment les partisans de la réutilisation aux adeptes du recyclage, singulièrement italiens. "Ce vote confirme nos préoccupations. Il met en danger la chaîne d’approvisionnement avancée de l’économie circulaire. Nous continuons à nous diriger vers un système qui ne valorise pas le modèle gagnant italien, mais qui le met en danger", s’est ainsi exprimé le ministre de l’Environnement et de la Sécurité énergétique transalpin, Gilberto Pichetto Fratin, à l’issue du scrutin. In fine, le texte adopté souffle le chaud et le froid.
La menace de la consigne sur les bouteilles et canettes plane toujours
Mesure qui intéressera particulièrement les collectivités, au moment où la menace vient d’être pour l’heure écartée dans l’Hexagone (voir notre article du 28 septembre), les députés ont abaissé de 90 à 85% le taux de collecte (en poids) des bouteilles en plastique et canettes – qui sera constaté en 2026 et 2027 – permettant aux États membres de ne pas introduire un système de consigne sur ces emballages. Ils souhaitent à l’inverse que d’ici le 1er janvier 2029, les États membres aient pris les mesures nécessaires permettant d’assurer la collecte annuelle séparée de 90% (en poids) du plastique, du bois, des métaux ferreux, de l’aluminium, du verre et du papier/carton. Les députés entendent par ailleurs qu’un objectif spécifique de réduction des déchets d’emballages plastiques générés par habitant soit consacré : -10% d’ici 2030, -15% d’ici 2035 et -20% d’ici 2040 (par rapport à 2018).
Ils se prononcent pour une réduction des délais à partir desquels les emballages recyclables devront satisfaire aux critères (qu’ils complètent par ailleurs) de conception en matière de recyclage d’une part, et de "recyclabilité à grande échelle" d’autre part, fixés par la législation. Ils proposent également l’interdiction de l’utilisation intentionnelle de PFAS et de bisphénol A dans les emballages en contact avec les aliments dans les 18 mois de l’entrée en vigueur du texte. Ils souhaitent encore que la Commission fixe un nombre minimum de rotations pour les emballages réutilisables. Ils ont en revanche supprimé les objectifs chiffrés d’emballages réutilisables devant être fournis par les professionnels de l’hôtellerie-restauration pour la vente à emporter, mais leur fixent l’obligation de permettre aux consommateurs d’apporter leur propre récipient (avec un produit vendu à un prix inférieur à celui emballé). L’assemblée plénière votera son mandat de négociation lors de la deuxième session de novembre. Le scrutin s’annonce plus que serré, et l’issue incertaine.
Déchets d’emballages toujours en hausse
Pour le président de la commission ENVI, ce vote "avec une position ambitieuse" constitue "une victoire contre les lobbys conservateurs". Les associations ZeroWasteFrance, No plastic in my sea ou la fondation Surfrider ne sont, elles, pas emballées par le texte, qui manque précisément selon elles d’ambition. Elles déplorent notamment que, sous la pression d’entreprises "telles que McDonald", les parlementaires "ont cédé et affaibli des mesures clés", visant notamment l’absence de taux de réemploi des emballages obligatoires pour la restauration à emporter. Ils le déplorent d’autant plus que d’après les dernières données publiées par Eurostat le 19 octobre dernier, les déchets d’emballages continuent de croître. 84 millions de tonnes ont été générées en 2021, représentant 188,7 kilos par habitant, soit 10,8 kilos de plus qu’en 2020. "La hausse la plus importante depuis 10 ans", est-il souligné. Le papier/carton représente 40,3% du total. Viennent ensuite le plastique (19%), le verre (18,5%), le bois (17,1%) et le métal (4,9%). Sur les 35,9 kg de déchets d’emballages plastiques générés par habitant, 14,2 kg étaient recyclés. Eurostat relève que si le taux atteint les 50% en Slovénie ou les tutoie en Belgique et aux Pays-Bas, il ne dépasse pas les 25% à Malte (20,5%), en France (23,1%) ou en Suède (23,8%). En moyenne dans l’UE, il atteint 39,7%, contre 37,6% en 2020.