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Prévention de la délinquance - Les députés adoptent le projet de loi Sarkozy

Les députés ont voté, mardi 5 décembre, le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Ils ont tenu compte des craintes suscitées par ce texte chez les élus et apporté un certain nombre d'assouplissements.

Les députés devaient adopter, mardi 5 décembre, en première lecture le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Ce texte qui fait du maire le "pivot" de la prévention de la délinquance est aussi celui qui aura suscité le plus de remous en dehors du Palais Bourbon. Nombre d'associations d'élus et de syndicats s'étaient mobilisés pour dénoncer une "dérive" visant à faire du maire un "shérif". Le sujet s'est immiscé dans la précampagne présidentielle, mais n'a en revanche pas donné lieu aux joutes attendues dans les travées. Le ministre de l'Intérieur, qui était venu à la tribune pour présenter son texte il y a deux semaines, n'est ensuite plus apparu qu'épisodiquement dans l'hémicycle.
Les amendements discutés au fil des jours donnent  plus de marge de manoeuvre au maire. Par rapport au texte initial adopté par les sénateurs le 21 septembre, un certain nombre de mesures qui inquiétaient les maires ont été assouplies. Le but est d'assurer une meilleure information des maires afin qu'ils puissent jouer leur rôle de "pivot". Sur la question du "secret partagé", le texte laisse désormais plus de latitude au maire pour la désignation d'un coordinateur parmi les travailleurs sociaux.  Par ailleurs, l'article L.2211-3 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) est enrichi d'un alinéa qui impose au procureur de la République d'informer le maire, à sa demande, des suites judiciaires données aux infractions commises sur sa commune.
Le texte étend l'obligation de créer un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) dans les communes de plus de 10.000 habitants aux villes de moins de 10.000 habitants comportant une zone urbaine sensible. En revanche, afin d'éviter des problèmes de coordination, la création d'un CLSPD ne sera pas obligatoire dans les intercommunalités où existe déjà un contrat intercommunal.

"Le conseil général concourt aux actions de prévention de la délinquance"

Les députés ont par ailleurs adopté un amendement qui risque de faire couler beaucoup d'encre dans les départements. Il introduit dans l'article L.3214-1 du CGCT une disposition prévoyant que "le conseil général concourt aux actions de prévention de la délinquance dans le cadre de l'exercice de ses compétences sociales", alors que ses missions prioritaires n'y figurent pas.
La création d'un conseil pour les droits et devoirs des familles devient facultative. En tant que président de ce conseil, le maire pourra demander la mise sous tutelle des prestations familiales mais, désormais, la saisine du juge devra être faite conjointement par le maire et la caisse d'allocations familiales.
Par ailleurs, les députés ont durci les peines à l'encontre des mineurs multirécidivistes, sans pour autant retenir les propositions du ministre de l'Intérieur sur les peines planchers. L'ordonnance de 1945 se trouve ainsi retouchée pour la 24e fois !
Le texte comprend enfin un certain nombre de dispositions dans des domaines très variés : expulsion des gens du voyage en cas d'occupation illégale d'un terrain, durcissement de la législation sur les chiens dangereux, toxicomanie, etc. Les discussions ont également permis d'adopter des "cavaliers" sur des sujets très éloignés comme le permis à points.

Les députés n'ont en revanche quasiment pas touché aux dispositions adoptées par les sénateurs en matière de "prévention situationnelle", c'est-à-dire les obligations nouvelles faites aux aménageurs et constructeurs dans les projets d'ubanisme (article 11).

Le projet de loi doit revenir devant le Sénat en janvier, puis à l'Assemblée nationale, en seconde lecture. La campagne présidentielle battra alors son plein.

 

Michel Tendil

 

Les principaux amendements votés par les députés

- L'article L.2211-3 du CGCT est modifié pour permettre aux maires de solliciter une information par les parquets des suites données aux infractions commises sur le territoire de la commune et causant un trouble à l'ordre public ;
- L'article L.3214-1 du CGCT précise désormais que "le conseil général concourt aux actions de prévention de la délinquance, dans le cadre de l'exercice de ses compétences d'action sociale" ;
- L'article L.121-6-1 du Code de l'action sociale (CASF) est modifié quant aux modalités pratiques du partage de l'information entre les différents intervenants soumis au secret professionnel : les maires et présidents des conseils généraux pourront être informés par les travailleurs sociaux des "informations confidentielles" qui sont strictement nécessaires à l'exercice de leurs compétences. Tous les intervenants seront informés de cette transmission.
- L'article L.141-1 du CASF ne prévoit plus que la création d'un conseil pour les droits et devoirs des familles est obligatoire dans les communes de plus de 10.000 habitants ;
- L'article L.2122-12 du CGCT, relatif aux pouvoirs de police du maire, est modifié : le terme "bruit de voisinage" est remplacé par "trouble de voisinage", ce qui étend la compétence du maire ;
- L'article L.126-3 du Code de la construction et de l'habitation, relatif au délit de "squatt des halls d'immeubles" réprimé de deux mois d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende, est étendu au "fait d'occuper les toits des immeubles" ;

- Les dispositions renforçant la répression en matière de chiens dangereux sont confirmées : les maires et préfets pourront ordonner le placement de l'animal présentant un danger pour les personnes, c'est-à-dire notamment détenu par des mineurs ou des personnes condamnées pour crime ou à une peine d'emprisonnement. Enfin, les animaux utilisés pour commettre des délits, assimilables à des armes, pourront être confisqués ;

- La loi du 5 juillet 2000 relative aux gens du voyage est modifiée, notamment sur les conditions dans lesquelles les personnes en stationnement illégal peuvent faire l'objet d'une évacuation. Le texte responsabilise les propriétaires qui acceptent de recevoir des campements sauvages, qui pourront se voir imposer de "prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser l'atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publique".

 

Julien Bouteiller