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RMI - Les départements ont profondément revu leurs politiques d'insertion après la loi de 2003

Globalement positif : ainsi pourrait-on qualifier le bilan dressé trois ans après le transfert complet du RMI aux départements. C'est en tout cas ce que montre une étude des ministères du Travail et de la Santé, réalisée en partenariat avec l'Assemblée des départements de France (ADF). Les départements ne se sont pas contentés de récupérer les compétences transférées par la loi du 18 décembre 2003. Ils ont au contraire saisi l'occasion pour revoir en profondeur leurs dispositifs d'insertion.
Un résultat qui peut surprendre si l'on se souvient du climat de polémique qui a entouré le transfert aux départements de la responsabilité complète du RMI. Les débats autour de la mise en oeuvre de la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité se sont - il est vrai - focalisés sur la question de la compensation financière allouée par l'Etat, sous la forme d'une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Selon l'approche adoptée - en termes budgétaires ou en termes de trésorerie -, Etat et départements s'opposaient alors vivement sur le coût réel de ce transfert de compétences. Mais ce débat, d'ailleurs toujours ouvert, n'a pas empêché les départements de prendre à bras le corps ces nouvelles compétences

 

Des PDI remis à neuf

Réalisée au dernier trimestre de 2006, l'étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) apporte de nombreux enseignements. Premier effet positif : 92% des conseils généraux ont aujourd'hui adopté un plan départemental d'insertion (PDI). Ils étaient moins de huit sur dix au début de 2005. Même les départements qui s'étaient déjà dotés d'un PDI en ont profité pour le réviser : neuf PDI sur dix ont ainsi été élaborés après la loi de 2003. Dans leurs réponses à l'étude, deux tiers des départements qualifient d'ailleurs le contenu de leur PDI de "nouveau" et un tiers de "transitoire". Ceux qui ne disposent pas encore d'un tel document indiquent au moins avoir un PDI en cours d'élaboration.
Autre effet de la décentralisation : devenus maître du jeu, les départements ont saisi l'occasion pour mettre l'accent sur l'insertion professionnelle des bénéficiaires du RMI. Dans la traditionnelle quadrilogie des formes d'insertion - sociale, par l'emploi, par la santé et par le logement - c'est désormais la seconde qui domine nettement, même s'il faut se méfier de l'effet d'affichage d'une composante jugée plus "valorisante" pour les politiques locales. Cette évolution suscite parfois l'inquiétude des professionnels de l'insertion qui craignent de voir le dispositif se centrer sur les personnes les plus "insérables", déjà proches du marché de l'emploi, au détriment des bénéficiaires les plus désocialisés.


Priorité à l'emploi

Les départements se sont donné les moyens de leur politique d'aide au retour à l'emploi. Malgré quelques frictions - notamment sur le coût des prises en charge - 85% des départements ont passé des accords avec l'ANPE et 6% ont en projet de tels accords. L'accord-cadre national signé, le 6 décembre 2005, entre l'ADF et l'ANPE a contribué à accélérer ce mouvement. Chaque département ayant passé un accord avec l'agence finance en moyenne 8 postes ANPE en équivalent temps plein, dont la moitié est située dans les services de cette dernière et l'autre moitié dans ceux du conseil général ou, très rarement, dans des structures partenariales (plates-formes ou maisons de l'emploi). De même, 39% des départements ont passé au moins un accord avec l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) - contre 21% au début de 2005 - et 8% en ont un en projet. Enfin, 85% des départements ont passé des accords pour l'insertion professionnelle avec d'autres organismes : associations, chambres consulaires, missions locales, structures d'insertion par l'activité économique (IAE), agences d'intérim... Le soutien aux structures d'IAE est d'ailleurs une constante, puisque 93% des départements cofinancent des chantiers d'insertion, des associations intermédiaires ou des entreprises d'insertion.
Les départements n'hésitent pas à mettre eux-mêmes la main à la pâte en essayant de valoriser l'image des bénéficiaires du RMI auprès des entreprises. Ainsi, un peu moins de la moitié d'entre eux contactent directement des entreprises ou des groupements d'entreprises (branches professionnelles, fédérations ou organisations patronales), tandis qu'environ 20% s'appuient sur les chambres consulaires et une petite minorité sur les experts-comptables.

 

Un quart des référents dans les communes

L'étude dresse également un bilan de la mise en place d'un référent pour chaque bénéficiaire du RMI, qui est l'une des innovations majeures de la loi de 2003. Elle montre que cette mise en place est aujourd'hui quasi généralisée, mais selon des modalités très variables.
Les trois quarts de ces référents sont des personnels des services départementaux, tandis qu'un quart relève, par voie de convention, d'autres organismes : le plus souvent un centre communal ou intercommunal d'action sociale ou, parfois, des associations ou organismes à but non-lucratif. Les profils de ces référents sont très divers. Près de six départements sur dix font appel uniquement à des travailleurs sociaux - ce qui ne facilite pas toujours l'interface avec les entreprises - mais on compte aussi des agents administratifs (un département sur cinq) ou des conseillers en insertion professionnelle (un sur huit). Un département sur dix utilise même uniquement ces derniers comme référents. On relèvera par ailleurs que quatre départements sur dix ont élaboré une charte du référent.
Curieusement, l'étude reste très discrète sur le sujet délicat du recours à des cabinets privés pour accompagner l'insertion professionnelle des bénéficiaires, malgré le fort développement de ces interventions depuis deux ans.

 

Plus d'accompagnement... et plus de contrôle

L'étude montre que les départements ont sensiblement renforcé leurs dispositifs d'accompagnement des bénéficiaires du RMI, notamment pour assurer la fonction de référent. L'effort de recrutement a été important, même si la Drees ne le chiffre pas. Un peu plus de la moitié de ces effectifs supplémentaires a été recrutée, 29% correspondent à un transfert de personnel de l'Etat et 18% à un redéploiement au sein des services du département. Contrepartie de cet engagement en faveur de l'accompagnement : les trois quarts des départements disent avoir renforcé leurs contrôles sur l'engagement des bénéficiaires du RMI dans une démarche d'insertion, contre seulement 20% au début de 2005. Un tiers disent ainsi ne pas hésiter à suspendre le versement d'allocations en cas de non-respect du contrat d'insertion ou de non-réponse à une convocation du référent. Des chiffres corroborés par les caisses d'allocations familiales, qui assurent le versement du RMI.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) : "Les politiques d'insertion des conseils généraux en direction des bénéficiaires du RMI", Etudes et Résultats 582 (juillet 2007).