Archives

Emploi - Les débat sur l'auto-entrepreneur fait ressurgir le statut du pluriactif

Finalement, le régime de l'auto-entrepreneur ne se verra pas réduit à une durée de trois ans. C'était la volonté de certains sénateurs, Jean Arthuis, sénateur de la Mayenne, en tête, qui avaient déposé un amendement dans ce sens dans le cadre du projet de loi sur l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL). Ces sénateurs craignaient que ce nouveau régime, offrant de meilleures conditions fiscales et sociales, ne fasse concurrence à d'autres régimes comme celui notamment des artisans. L'amendement a donc finalement été retiré par le Sénat lors des discussions le 8 avril 2010. Principal argument, défendu par d'Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé des entreprises et du commerce extérieur : "Si distorsion de concurrence il y a, elle n'est pas fiscale, mais tient au degré de simplification supérieur dont bénéficie le statut de l'auto-entrepreneur." Le régime rencontre depuis son lancement en janvier 2009 un vif succès. Il a séduit plus de 400.000 personnes, gonflant largement les chiffres de la création d'entreprise. Mais si le nouveau statut permet à des salariés, retraités, étudiants ou demandeurs d'emploi de démarrer une activité en douceur, il est aussi un moyen d'avoir une activité secondaire à moindre coût. Dans ce cas, il ne règle pas tous les problèmes des "pluriactifs", ces personnes qui exercent plusieurs emplois ou activités professionnelles, de façon successive ou simultanée sur une année… "C'est un problème extrêmement complexe, avec différents aspects à résoudre : l'obtention d'un emploi, d'un logement, la couverture sociale, la formation… et chaque cas est un cas particulier", explique Robert de Caumont, président de l'Association pour le développement économique de la Haute-Durance (Adecohd). Dans ce territoire, le phénomène de la pluriactivité a atteint un tel pourcentage que la moitié des travailleurs et familles sont concernés. Et si le régime de l'auto-entrepreneur a, selon le responsable d'Adecohd, donné "un coup d'accélérateur" à la création d'entreprises, peu de pluriactifs y ont recours. "La majorité d'entre eux sont salariés d'une entreprise qui fonctionne bien, et sont contents de ce qu'ils font, ils ne deviendront pas des auto-entrepreneurs ; un agent de remontée mécanique n'a ainsi pas spécialement envie de s'installer seul", détaille Robert de Caumont. De plus, le statut de l'auto-entrepreneur ne peut être choisi par tout le monde. Pour bénéficier de ce statut, il faut en effet dépendre du régime social des indépendants (RSI). Toutes les activités relevant du régime agricole et notamment de la mutuelle sociale agricole (MSA), en sont ainsi exclus : les agriculteurs, les entreprises de travaux agricoles, les entreprises de travaux forestiers, les artisans ruraux… Et si des discussions sont en cours pour étendre le statut de l'auto-entrepreneur aux fonctionnaires, qui sont eux aussi écartés du dispositif, rien n'est pour le moment annoncé quant aux activités agricoles.

 

Vers un statut du pluriactif ?

"Le régime de l'auto-entrepreneur, c'est de la poudre aux yeux ; il fait concurrence aux artisans qui sont déjà installés, puisqu'il leur offre de meilleures conditions et ce n'est pas la solution pour les pluriactifs", assure pour sa part Jean-Luc Chiappini. Le président du parc naturel régional de Corse défend quant à lui la création d'un statut du pluriactif, permettant de régler un problème bien spécifique au pluriactif : celui des différents régimes sociaux qui se cumulent. "Il faudrait admettre que ces personnes ne peuvent pas vivre d'une seule activité et qu'elles n'aient plus ce handicap de voir une activité prendre le pas sur l'autre au niveau social, il faut que les pluriactifs puissent relever d'une seule caisse", explique Jean-Luc Chiappini, qui se bat sur le sujet depuis cinq ans et compte rencontrer le ministre pour en discuter. A l'inverse, pour Robert de Caumont, la création d'un statut spécifique n'arrangera rien, les cas étant aussi variés que les personnes. "Il y a un statut des fonctionnaires car il peut être clairement défini, pour les saisonniers, c'est plus difficile et le problème n'est pas de créer un statut mais plutôt de régler leurs problèmes pratiques." Outre le problème de la concurrence des caisses sociales, d'autres questions concernant les pluriactifs demeurent sans réponse. "Nous avons dans l'hôtellerie des personnes qui sont des précaires, puisqu'ils occupent un contrat à durée déterminée et que la reconduction de ce contrat sur la saison suivante n'est pas gagnée d'office, pourtant ces personnes ne touchent pas de prime de précarité." Et la liste de ces injustices par rapport à un travailleur salarié non pluriactif est longue, mais "personne ne s'intéresse à ce phénomène", assure Jean-Luc Chiappini.
Emilie Zapalski