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Création d'entreprises - Auto-entrepreneurs : derrière l'engouement, quel poids économique ?

En six mois, le nouveau statut de l'auto-entrepreneur a déjà convaincu plus de 182.000 Français. Mais les régions et les boutiques de gestion restent dubitatives sur leur impact économique réel.

Depuis son lancement, en janvier 2009, le statut de l'auto-entrepreneur, qui a été instauré par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, remporte un vif succès. 182.000 personnes se sont laissé séduire par ce nouveau statut. De quoi doper les créations d'entreprises qui, selon les données de l'Insee, ont bondi de 62,5% au premier trimestre 2009 par rapport à la même période en 2008. Et en juin 2009, le nombre de créations d'entreprises a tout simplement atteint un niveau historique avec 51.247 entreprises créées, dont plus de la moitié grâce au statut d'auto-entrepreneur. A ce rythme, les auto-entrepreneurs sont donc en train de s'imposer comme le premier bataillon de créateurs d'entreprises en France. "Ce nouveau régime modifie complètement la donne en matière de créations d'entreprises", s'est félicité Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat et des PME, en présentant mardi 21 juillet, un bilan des six premiers mois de mise en oeuvre du nouveau régime. "En six mois, ce dispositif a permis d'augmenter le nombre de créations d'entreprises de plus de 100.000", a-t-il souligné.
Le nouveau statut, qui s'adresse à toute personne, demandeur d'emploi, salarié, étudiant, fonctionnaire, retraité, permet de développer une activité complémentaire pour augmenter ses revenus. Il s'adresse en particulier aux personnes qui ne veulent pas nécessairement créer une entreprise commerciale pour exercer une nouvelle activité et souhaitent pouvoir débuter ou arrêter facilement leur activité indépendante. Principal atout du statut en comparaison des autres : la simplicité. Ainsi, l'auto-entrepreneur n'a pas à demander son immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS), ou au répertoire des métiers (RM), s'il exerce une activité commerciale ou artisanale. Une simple déclaration auprès du Centre de formalité des entreprises (CFE) suffit pour démarrer l'activité. Même principe en cas d'arrêt de l'activité. Aucune connaissance particulière du monde de l'entreprise n'est nécessaire pour se lancer dans l'aventure. L'auto-entrepreneur n'établit ni bilan ni compte de résultat. Il doit seulement remplir chaque mois un "livre chronologique des recettes" pour enregistrer ses ventes, et pour les commerçants, un "livre des achats".

36% des Français souhaitent devenir des auto-entrepreneurs

Autre intérêt du nouveau statut : l'auto-entrepreneur paie ses charges sociales et ses impôts en un seul prélèvement, en fonction du chiffre d'affaires réellement réalisé. Il n'a donc pas à faire d'avances de cotisations. Quant au montant du prélèvement, qui englobera charges et impôts, il est fixé à 23% du chiffre d'affaires pour les activités de services, et à 13% pour les activités commerciales. Conséquence : si l'auto-entrepreneur ne fait pas de chiffre d'affaires pendant un ou plusieurs mois, il ne paie pas de charge et n'a pas besoin de faire de déclaration. "J'étais auparavant en micro-entreprise mais ce régime ne me convenait pas car les charges étaient absolument énormes, explique un nouvel auto-entrepreneur, Rémy Marionnet, anciennement salarié dans le domaine de la sécurité privée, devenu responsable d'un site de vente de vins rares, La Cave à Pépère. Avec ce statut, on a l'esprit libre pendant les premiers mois ; pas de vente, pas de charges !"
Pour bénéficier des avantages de ce nouveau statut, il y a toutefois une condition : réaliser moins de 80.000 euros de chiffre d'affaires pour une activité de vente de marchandises, d'objets, de fournitures, de denrées à emporter ou à consommer sur place, ou une activité de fourniture de logement, et 32.000 euros pour les prestations de services. Des seuils qui évolueront chaque année comme le barème de l'impôt sur le revenu.
Face à l'engouement du public, le gouvernement pourrait revoir ses objectifs à la hausse. Ils étaient de 200.000 souscriptions en 2009, on parle désormais de plus de 250.000. Les Français ont d'ailleurs une très bonne connaissance du nouveau dispositif. D'après une étude d'Opinionway réalisée pour le salon des auto-entrepreneurs en juin 2009 auprès de 1.071 personnes, 83% des personnes interrogées connaissent le nouveau statut et 36% auraient envie de franchir le pas, dont 46% d'étudiants, 42% de salariés du privé et 23% de retraités. Et 46% de ces personnes qui souhaiteraient se lancer comptent le faire avant deux ans. L'étude indique que 93% des Français pensent que la création de ce nouveau statut peut permettre à certains de trouver une nouvelle voie et 89% qu'il donne des occasions de rebondir en testant une nouvelle activité. Une nouvelle étude, communiquée le 21 juillet 2009 par Hervé Novelli, donne une idée plus précise du profil de ces auto-entrepreneurs. Ce sont surtout des hommes (60% des auto-entrepreneurs), âgés de 40 ans en moyenne (contre 39 pour les créateurs individuels). Ils sont principalement salariés (33% des auto-entrepreneurs) et demandeurs d'emploi (25%). Un profil qui se rapproche des créateurs d'entreprise traditionnels. Tout le monde semble donc trouver son compte dans ce nouveau statut. Mais qu'en pensent les acteurs de terrain, ceux, qui comme les boutiques de gestion, ou les régions, ont affaire avec les créateurs d'entreprises ?

Se lancer en trois clics...

Les avis sont partagés. Côté boutiques de gestion notamment, on se montre plus nuancé sur l'impact réel sur l'économie. "D'après les chiffres du mois d'avril 2009, une grande partie des personnes qui ont choisi ce statut n'ont pas fait de chiffre d'affaires ; seules 15.000 personnes, soit 6% des auto-entrepreneurs en auraient fait, explique Frédérique Caméo-Ponz, président du réseau des boutiques de gestion. On a depuis toujours accompagné les entreprises quelle que soit leur forme juridique et on ne change pas de position, mais un projet d'entreprise se construit avec un plan de financement, un modèle économique, etc." Le réseau reste en effet interrogatif sur les projets d'entreprise de ces nouveaux entrepreneurs : "Là, les gens se lancent en trois clics." D'après le président des boutiques de gestion, trois catégories de personnes se cachent derrière un auto-entrepreneur : ceux qui auraient choisi le régime de la micro-entreprise, ceux qui travaille de manière occasionnelle, ou pour régulariser une activité au noir, et ceux qui mettent en oeuvre une véritable activité économique. "A nous de faire en sorte qu'on informe bien ces personnes et qu'on leur explique que pour constituer une entreprise, il faut travailler à son projet", explique Frédérique Caméo-Ponz. Même avis un peu dubitatif côté régions. L'Association des régions de France (ARF) dit ne pas avoir assez de recul pour se prononcer sur le nouveau statut. "Si c'est pour officialiser des activités qui étaient auparavant réalisées au noir, c'est de toute façon un plus, dit-on ainsi à l'ARF, mais il faut voir si dans la durée ces personnes arrivent à survivre avec cette activité ou si c'est juste un mirage." Malgré ces quelques réticences, la majorité des régions ont intégré le nouveau statut dans leurs politiques d'aide, au même titre que les autres statuts de création d'entreprise.
Reste enfin les critiques de l'Union professionnelle artisanale (UPA) et de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME). Les deux organisations avaient attiré l'attention d'Hervé Novelli sur les risques de distorsions de concurrence créés par le nouveau statut. Elles avaient demandé à ce que le régime soit limité à trois ans "pour éviter que ne s'installe dans la durée un entrepreneuriat à plusieurs vitesses". Le secrétaire d'Etat a répondu favorablement à leur demande, annonçant, le 25 juin, lors de la journée des présidents des UPA, que l'immatriculation des auto-entrepreneurs qui ont une activité artisanale à titre principale, non obligatoire jusque-là, "sera gratuite et sans taxe pendant les trois premières années à compter de leur création d'activité". Afin de prévoir d'éventuels autres ajustements du régime, un comité de suivi va être constitué avec les chambres consulaires, les fédérations patronales (CGPME, UPA et Medef) et les représentants des auto-entrepreneurs, dont l'association Union des auto-entrepreneurs. Il évaluera le nouveau régime et permettra de donner un premier bilan dès le mois de janvier 2010. Quant au chiffre d'affaires réellement réalisé par ces nouveaux entrepreneurs, il faudra attendre encore un peu. Les premiers inscrits devant transmettre leur déclaration trimestrielle aux Urssaf à la fin du mois de juillet 2009, les détails sur leur chiffre d'affaires ne seront disponibles qu'à la mi-août.

Emilie Zapalski

Un régime qui évolue au fil des mois

- 17 février 2009 : ouverture aux professions libérales ;
- 1er mai 2009 : taux spécifique pour les demandeurs d'emploi bénéficiaires de l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise (Accre) ;
- 1er août 2009 : actualisation trimestrielle du montant du revenu de solidarité active (RSA) pour les auto-entrepreneurs ;
- septembre 2009 : taux spécifique pour les auto-entrepreneurs d'Outre-mer ;
- fin 2009 : élargissement des conditions d'accès pour les fonctionnaires.

 

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