Enfance - Les CAF prêtes à s'engager davantage dans le soutien à la parentalité
Dans un communiqué du 25 mai, la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) annonce la signature d'un partenariat avec la Fondation pour l'enfance, créée et présidée par Anne-Aymone Giscard d'Estaing. La convention prévoit notamment le financement du numéro "116.000 - enfants disparus", qui permet aux familles dont un enfant a disparu de bénéficier d'un accompagnement. La Cnaf va également soutenir l'actualisation et la réédition du guide "Devenir parents, pas si facile !", réalisé par la Fondation en 2007. Cette action de soutien à la parentalité s'inscrit dans la cadre de la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2009-2012 liant la Cnaf et l'Etat. L'intérêt de cette signature réside toutefois moins dans le principe et dans le contenu de la convention - la branche famille finance de nombreux acteurs du secteur social - que dans ce qu'elle révèle des orientations stratégiques de la Cnaf.
Celle-ci entend en effet apparaître désormais comme un acteur à part entière des politiques sociales et de l'action sociale, et non plus comme un simple instructeur et liquidateur de prestations pour la branche famille ou pour des tiers (l'AAH et le RSA activité pour l'Etat, le RSA socle pour les départements...). Dernier signe de cette ambition affichée : l'avis négatif rendu par le conseil d'administration de la Cnaf sur le projet de décret mettant en place le Fonds national de financement de la protection de l'enfance (voir notre article ci-contre du 20 mai 2010).
Cet avis négatif se fondait sur des arguments techniques, mais aussi et surtout sur la place, jugée marginale, laissée à la Cnaf dans la gouvernance du fonds. Interrogé alors par Localtis, Jean-Louis Deroussen, le président de la Cnaf, ne cachait pas les ambitions de son organisme en expliquant : "Certes, la protection de l'enfance est une compétence des conseils généraux. Mais les CAF jouent clairement un rôle, par exemple en matière d'aide à la parentalité, et sont souvent prêtes à en faire plus dans ce domaine. D'ailleurs, nombre de CAF et de conseils généraux coopèrent bien, par exemple s'agissant des commissions d'accueil du jeune enfant. Or ce décret semble nous écarter de toutes ces actions d'aide à l'enfance. Et ne permet pas de savoir qui fait quoi... et avec quel argent." Sur le terrain, les CAF multiplient effectivement les appels du pied aux départements, en particulier sur le terrain du soutien à la parentalité. Un activisme qui agace parfois certains responsables départementaux, qui aimeraient plutôt voir les CAF s'investir davantage sur le RSA ou sur le logement.
Si l'on prend un peu plus de recul, cette volonté d'"en faire plus" peut surprendre, au regard d'événements plus ou moins récents. Tout d'abord, il y a à peine plus d'un an, les CAF se disaient débordées par la demande sociale, au point que plusieurs d'entre elles ont carrément fermé durant plusieurs jours par calmer la tension et résorber les retards. Le même phénomène s'est renouvelé en février-mars dernier - face à une pression sociale effectivement en hausse (+33% pour les appels téléphoniques, par exemple). Dans un courrier au ministre du Travail, le président de la Cnaf écrivait alors que "l'ensemble de l'institution est proche de l'implosion" et affirmait : "Nous ne sommes pas en mesure d'honorer nos engagements en matière de qualité de service, prévus dans la convention d'objectifs et de gestion 2009-2012" (voir notre article ci-contre du 12 mars 2010). Aujourd'hui, la branche famille pourrait presque au contraire donner le sentiment de chercher de nouveaux domaines dans lesquels elle pourrait s'investir...
Si l'on prend davantage de recul, il est intéressant de constater que dans les années 90, les CAF se sont massivement désengagées de l'action sociale territoriale. C'était alors l'époque des "déconventionnements" entre les CAF - qui géraient de nombreuses circonscriptions d'action sociale pour le compte des départements - et les conseils généraux. Une quinzaine d'années plus tard, c'est un mouvement inverse qui semble s'engager avec un souhait manifeste de réinvestissement du champ social.
Jean-Noël Escudié / PCA