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Politique de la ville - Les banlieues s'inquiètent d'une réduction des aides ZFU

Le plafonnement des exonérations dont bénéficient les zones franches urbaines, voté par les députés dans le cadre du PLF 2009, suscite un vif émoi chez les entrepreneurs et certains élus. Décryptage des conséquences possibles de la nouvelle disposition.

Déjà touchées par la crise, les entreprises de banlieue pourraient faire les frais d'une nouvelle disposition du projet de loi de finances 2009. L'article 82 du texte adopté à l'Assemblée nationale le 13 novembre 2008 modifie le régime d'exonération de cotisations sociales en faveur des zones franches urbaines (ZFU). L'article plafonne le niveau de salaire ouvrant droit à exonération totale de cotisations sociales (hors cotisations accidents du travail-maladies professionnelles) dans les zones franches urbaines à 1,4 Smic. Au-delà de ce seuil, le montant de l'exonération est dégressif, jusqu'à s'annuler lorsque la rémunération est égale à un seuil de sortie (2,4 Smic en 2009, 2,2 Smic en 2010 et 2 Smic en 2011). L'article met aussi fin aux mécanismes de sortie progressive du dispositif. Alors que jusqu'ici l'exonération pouvait s'étaler sur dix ans, dorénavant, au bout de cinq ans, les emplois relèveront du dispositif d'allègements généraux de cotisations sociales, concentrés sur les bas salaires. Objectif de la mesure : concentrer les aides publiques sur les salaires les moins élevés et favoriser ainsi le recrutement de salariés initialement moins qualifiés. La mesure doit aussi générer une économie de 100 millions d'euros sur le budget de l'Etat. Face aux conséquences d'une telle mesure sur l'économie locale et notamment l'implantation des entreprises, plusieurs amendements avaient été déposés, à droite comme à gauche, à l'Assemblée nationale, mais tous ont été rejetés. D'aucuns espèrent se faire entendre lors des débats au Sénat sur le projet de loi de finances, qui ont démarré en début de semaine. En attendant, l'article a provoqué la grogne des entrepreneurs, qui craignent des conséquences graves. La Fédération Ile-de-France des entrepreneurs et libéraux de zones urbaines sensibles (Fifel ZUS), qui regroupe des entrepreneurs des quartiers de la région parisienne, a notamment adressé une lettre au président de la République sur le sujet. "Nous considérons que réduire les exonérations liées à l'embauche des publics en difficulté d'insertion n'est pas une solution face à la crise, indique la lettre. Permettre aux entreprises de ZFU de créer des emplois en les y aidant ne correspond pas à leur faire des offrandes, c'est au contraire soutenir les TPE et PME dans leur volonté de changement des quartiers."

 

"Dès que les entreprises n'auront plus rien à gagner, elles se sauveront"

Les associations d'entrepreneurs craignent que les entreprises, attirées par ces exonérations de charges, ne partent rapidement. "Dès qu'elles n'auront plus rien à gagner, les entreprises vont se sauver, assure ainsi Youness Bourimech, président du Club des entrepreneurs de Bondy (CEB), co-signataire de lettre de la Fifel ZUS. 80% des entreprises sont venues par intérêt financier, 20% seulement sont des entreprises locales ou familiales qui resteront quoiqu'il arrive." Le président du CEB déplore l'effet négatif de cette mesure sur la dynamique créée autour de la création d'entreprises dans ces quartiers difficiles. "Rien n'a été anticipé dans cette loi, souligne-t-il, et l'économie de 100 millions d'euros est bien ridicule par rapport aux conséquences sur le terrain." Certains élus craignent aussi un effet pervers de la mesure qui risque de pousser les entreprises à maintenir des salaires bas pour profiter des exonérations. "Si la mesure n'aura pas ou peu d'incidences dans les grandes villes qui n'ont pas forcément besoin de ces zones franches pour se développer, elle en aura sur des territoires comme le nôtre où la zone franche a permis de doubler la taxe professionnelle et a été le déclencheur de ce petit développement économique dont on bénéficie", explique Xavier Lemoine, maire UMP de Montfermeil (93). Autre problème : l'article modifie les règles du jeu en cours de route. "C'est détestable au niveau des méthodes, s'indigne encore Xavier Lemoine. Si on veut modifier les règles du jeu, pourquoi pas, mais dans ce cas on ne le fait pas au détour d'un article, on concerte, on discute."
De nombreuses entreprises pensaient pouvoir bénéficier de ces exonérations pendant dix ans. Avec la nouvelle mesure, l'exonération s'arrêtera net au bout de cinq ans. "Auparavant, l'entreprise pouvait se remettre petit à petit dans la concurrence, explique Youness Bourimech. Subitement, il faut qu'elle prévoit qu'au bout de cinq ans qu'elle n'aura plus ces aides et si elle n'a pas pris en compte cette donnée, elle risque de couler." En Ile-de-France, cette aide concerne 2.000 entreprises, ce qui représente 11.000 emplois de salariés et un montant de 54 millions d'euros. Dans cette région, "les ZFU sont couvertes par plus de 18.000 entreprises, ces entreprises sont très actives", détaille le courrier de la Fifel ZUS. Une étude de Dares (ministère du Travail), publiée le 21 novembre 2008, témoigne également de cette dynamique. En 2006, les embauches exonérées dans les zones prioritaires de la politique de la ville ont ainsi augmenté de 13% pour atteindre 18.000 salariés. 15.825 embauches ont ouvert droit à exonérations sociales et fiscales en ZFU, soit une hausse de 17% par rapport à 2005.

 

Un système basé sur l'origine de l'employé

Les embauches sont principalement concentrées dans trois régions : l'Ile-de-France (32,1%), le Nord-Pas-de-Calais (11,9% des embauches) et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (7,3%). Le dernier rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus) est également venu apporter de l'eau au moulin des ZFU. Les créations d'entreprises se poursuivent à un rythme supérieur à la moyenne dans les villes concernées (+ 10%) et l'emploi y connaît une embellie, avec une hausse de 17% en 2007. Des résultats encourageants mais qui ne doivent pas occulter le taux de chômage de ces zones qui reste deux fois plus élevés que la moyenne nationale à près de 18%. Aussi, les ZFU ne font-elles pas toujours l'unanimité en raison des effets pervers qu'elles peuvent susciter, en particulier l'effet d'aubaine des aides. "Beaucoup d'entreprises sont juste venues créer des boîtes aux lettres pour profiter des exonérations sociales ; certaines vont même d'un endroit à l'autre pour profiter des aides financières, sans créer de l'emploi sur place, explique Gilbert Roger, maire de Bondy (93), le rapport entre ce que l'Etat a donné pour ces exonérations et le nombre de créations d'emploi me laisse perplexe." L'élu PS ne regrette pas la modification du régime de ces exonérations prévu dans le projet de loi de finances 2009. Il propose même de lancer un autre système fondé sur l'origine de la personne employée, et non sur le lieu d'implantation de l'entreprise. "L'entreprise pourrait ainsi bénéficier d'aides dès le premier emploi, si la personne est issue d'une zone urbaine sensible", détaille Gilles Roger. Une idée également défendue par Claude Dilain, maire de Clichy-sous-Bois, et François Pupponi, député-maire de Sarcelles, qui fera peut-être son chemin.

 

Emilie Zapalski