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Habitat - Les bailleurs réagissent en ordre dispersé face au risque d'impayé

L'Agence nationale d'information pour le logement (Anil) publie une étude sur "La prévention des expulsions : locataires et bailleurs face à l'impayé". Celle-ci s'appuie sur une enquête réalisée en 2010 par questionnaire administré en face-à-face, dans 32 départements, auprès de 1.800 personnes, réparties à parité entre locataires et bailleurs du parc privé. Précision importante : tous les locataires interrogés étaient concernés par des difficultés de paiement du loyer. Ainsi, 50% d'entre eux avaient été orientés vers une Adil par un travailleur social ou un service administratif, 20% étaient venus de leur propre chef et 30% avaient contacté l'Adil par un autre canal, dont notamment le numéro vert mis en place par le gouvernement (voir notre article ci-contre du 17 mars 2010).
Certains enseignements de l'étude revêtent un caractère d'évidence : les locataires concernés par un impayé de loyer se caractérisent en effet par une forte proportion de personnes seules et de ménages avec enfants - tout particulièrement des familles monoparentales et des familles nombreuses - et par la faiblesse de leurs revenus. Près d'un locataire concerné sur deux consacre plus de 35% de son revenu au paiement du loyer hors charges, un quart dépassant même un taux d'effort - intenable - de 50%. Dans 70% des cas, les difficultés trouvent leur origine dans une baisse brutale des revenus (chômage, séparation, maladie...). En termes de dette locative, 35% des cas concernent des dettes de loyers de plus de six mois cumulés, 25% des impayés de trois à six mois et 40% des dettes de trois mois et moins. Après analyse des situations qui leur ont été soumises, les Adil concernées ont préconisé un maintien dans les lieux dans 65% des cas (assorti ou non de la constitution d'un dossier de surendettement) et un relogement dans 35% des cas (idem). Ces différents résultats recoupent et confirment les études déjà menées sur ce sujet par les caisses d'allocations familiales.

Des moyens de pression très divers

Les enseignements de l'étude sont plus inédits sur le volet des bailleurs. Ils mettent en évidence un comportement disparate de la part de ces derniers. Ainsi, seule une minorité de bailleurs recourt aux dispositifs de prévention des impayés ou d'aide à la résolution des impayés : 40% se font subroger dans le versement des aides au logement, tandis que seuls 12% d'entre eux ont souscrit une assurance impayés. Plus surprenant au regard de l'image donnée par les bailleurs privés, seuls 23% d'entre eux bénéficient d'une caution solidaire, mais il est vrai que celle-ci vise surtout les jeunes locataires. Les comportements face aux situations effectives d'impayés sont tout aussi divers. Ils vont ainsi de la volonté d'éviter à tout prix une démarche contentieuse à l'engagement d'une procédure judiciaire sans même passer par une négociation directe avec le locataire. Par ailleurs, certains bailleurs sont particulièrement négligents, puisque 10% de ceux qui bénéficient de la subrogation des aides au logement négligent de prévenir la CAF lorsqu'ils sont confrontés à des impayés, ce qui ne facilite évidemment pas le traitement précoce de ces derniers. Le motif avancé pour justifier cette négligence (illégale de la part du bailleur) est la crainte que la CAF suspende le versement de l'aide avant que la situation soit résolue.
En termes de statistiques, les moyens les plus usités sont les rappels écrits (80% de citations dans le cas d'impayés représentant plus de quatre mois de loyers), l'accord amiable sur des délais de paiement (48%), la déclaration de l'impayé à la CAF (93%, mais seulement 59% pour un impayé de un à deux mois), le commandement de payer (45%), l'assignation (34%), la mise en jeu de la caution lorsqu'elle existe (97%) et la mise en jeu de l'assurance lorsqu'elle existe (100%).
En dépit de son intérêt, la lecture de l'étude suscite un regret. Malgré la taille de l'échantillon (900 bailleurs) - qui aurait largement permis des tris croisés sur des sous-populations -, l'étude ne livre que les résultats bruts, tous types de bailleurs confondus. Il aurait pourtant été intéressant de distinguer entre le propriétaire bailleur d'un seul logement, celui qui gère plusieurs logements, voire l'institution à la tête d'un parc locatif (hypothèse sans doute assez peu probable dans la mesure où les bailleurs interrogés s'étaient déplacés dans une Adil).