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Social / Citoyens - Les arrêtés anti-mendicité vont-ils faire leur retour ?

Au début de la décennie, les arrêtés anti-mendicité ont fleuri dans de nombreuses communes - et pas forcément des grandes villes -, au point de susciter un débat national sur la question (voir notre article ci-dessous du 12 avril 2013). Mais depuis lors, ce type de texte se faisait plus rare, sans avoir pour autant disparu. Depuis quelques semaines - à l'approche de l'été, période propice à leur éclosion -, ces arrêtés semblent faire leur retour.

Lutter contre la "mendicité agressive"

Le cas le plus emblématique est celui de Nice, qui accueille chaque année plus de 3,5 millions de touristes. Le 22 juin, Christian Estrosi, le maire (LR) de la ville, a ainsi signé un arrêté interdisant la "mendicité agressive" entre 9 heures et 2 heures du matin, jusqu'au 30 septembre. Quelques jours plus tôt, le 4 juin, le maire avait adressé un courrier au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République de Nice pour leur faire part de son inquiétude face à cette mendicité agressive - en insistant notamment sur la présence d'enfants et la vente de produits contrefaits - et leur demandant de le suivre dans sa démarche.
Selon les chiffres de la mairie, plus de 600 personnes vivent dans la rue à Nice, dont environ 400 (parmi lesquels une soixantaine de mineurs) se livrent à la mendicité. La ville a procédé à plus de 200 verbalisations depuis le début de l'année.
L'arrêté délimite de façon précise l'application de la mesure. L'interdiction vise ainsi uniquement certains lieux emblématiques de la ville (plages, églises, promenade des Anglais, zone piétonne...). Outre la notion de "mendicité agressive", elle vise aussi des circonstances bien déterminées : troubles à la tranquillité et à la sécurité des personnes (caisses de parkings, distributeurs de billets...), gêne à la circulation routière (carrefours et ronds-points, avec notamment le lavage forcé des pare-brise) ou encore présence de chiens de catégorie 1 ou 2 ou de chiens non tenus en laisse ou non muselés.

Des premiers résultats ?

Selon Christian Estrosi, "suite à nos échanges avec le préfet et le procureur, plusieurs personnes ont été jugées pour des faits de délaissement de mineurs, de provocation à la mendicité ou de mendicité agressive, suite au renvoi par le parquet de Nice. Je m'en félicite et je tiens à remercier monsieur le préfet et l'écoute de monsieur le procureur de la République. Nous ne pourrons aboutir que sur la base d'une action concertée de l'ensemble des services concernés".
Cette initiative n'est pas isolée. Quelques semaines plus tôt, le maire de Villefranche-de-Rouergue (Aveyron, 12.000 habitants) avait pris un arrêté similaire, entré en vigueur le 9 avril. Pour Serge Roques, le maire de Villefranche, "la pratique d'actions de mendicité s'est développée depuis quelque temps. Elles sont mal ressenties par la population et les commerçants. Ces derniers les jugent gênantes pour l'activité de leurs magasins et pour leurs clients. J'estime que cette pratique n'est pas très favorable à l'image de la bastide. Il fallait donc faire quelque chose pour protéger la libre circulation en centre-ville et l'accès à ses commerces".

Les arrêtés anti-mendicité ne sont pas illégaux, mais sous de strictes conditions

Les arrêtés anti-mendicité ne sont pas illégaux, du moins sous certaines conditions. L'article 65 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure - devenu l'article 312-12-1 du code pénal - prévoit en effet que "le fait, en réunion et de manière agressive, ou sous la menace d'un animal dangereux, de solliciter, sur la voie publique, la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien est puni de six mois d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende". Le maire de Nice a donc pris soin de s'inscrire dans ce cadre, tout en limitant le périmètre géographique.
Car les juridictions administratives, souvent saisies par des associations comme la Ligue des droits de l'homme, veillent au strict respect des conditions posées par la loi de 2003. La ville de Tours a vu ainsi son arrêté anti-mendicité - pris par deux maires successifs de couleur politique différente - annulé à deux reprises par la cour administrative d'appel (CAA) de Nantes.

Portée générale = annulation par la juridiction administrative

La dernière annulation remonte à un arrêt du 7 juin 2017. La CAA a notamment considéré que "l'interdiction décidée par l'arrêté du 16 mai 2014 [...] n'est pas justifiée par la nécessité de remédier de manière proportionnée à des risques significatifs et établis de troubles à l'ordre public". Pour la CAA, l'arrêté de la ville de Tours était en outre "de nature à affecter de façon spécifique la liberté d'aller et de venir de personnes, en particulier celles se trouvant en situation précaire".
Mais il est vrai que contrairement à celui de Nice, l'arrêté de Tours visait "toute occupation abusive et prolongée des rues et autres dépendances domaniales, accompagnée ou non de sollicitations ou quêtes à l'égard des passants, accompagnée ou non de chiens, même tenus en laisse, lorsqu'elle est de nature à entraver la libre circulation des personnes, la commodité de passage et la sûreté dans les rues et autres dépendances susvisées". Une portée très générale, bien au-delà du cadre posé par l'article 65 de la loi de 2003.

 

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