Archives

Développement économique - Les aides aux entreprises à l'heure de la décentralisation

Alors qu'un audit est en cours sur les aides aux entreprises, un rapport sénatorial appelle à un renforcement du rôle des régions dans ce domaine. Il rejette en revanche l'idée des régions de rendre leurs schémas prescriptifs et pointe le risque d'une recentralisation à l'échelle régionale.

D'accord pour confier plus de pouvoir économique aux régions mais attention à ne pas aboutir à une nouvelle centralisation au niveau régional. C'est en résumé l'avertissement d'un rapport des sénateurs Jean-Luc Fichet et Stéphane Mazars publié ce mois-ci, à quelques jours de la présentation du projet de loi de décentralisation et d'un audit attendu sur les aides aux entreprises mené dans le cadre de la MAP (modernisation de l'action publique). Ce rapport intitulé "Les collectivités territoriales et le développement économique : vers une nouvelle étape ?" dresse un bilan des schémas régionaux d'aménagement du territoire (SRADDT) créés en 1995 et des schémas régionaux de développement économique (SRDE) instaurés par la loi Raffarin, à titre expérimental, en 2004. Un bilan pour le moins mitigé : ces schémas ont eu une portée assez limitée, ils ont été mis en œuvre de façon assez variable par les régions... mais leur principe n'est pas remis en cause. Les sénateurs souhaitent au contraire leur donner une nouvelle impulsion... avec ce bémol : "Disons-le clairement, nous n'irions pas jusqu'à octroyer un caractère prescriptif aux schémas", a déclaré Jean-Luc Fichet devant la délégation aux collectivités territoriales du Sénat. 

Jusqu'à 1.200 aides par région

On sait la volonté des régions de vouloir rendre leurs schémas prescriptifs – le SRADDT s'imposerait alors aux schémas de cohérence territoriale (Scot) et aux plans locaux d'urbanisme (PLU) - même si elles se défendent de toute velléité de tutelle sur les autres collectivités. Lors de leur congrès cet automne à Lyon, les déclarations de la ministre Cécile Duflot semblaient leur donner gain de cause. Mais la version du projet de loi de décentralisation transmise au Conseil d'Etat - qui consacre un titre entier au développement économique -, n'a pas retenu cette option et ne tranche pas davantage le partage des rôles entre région et métropole. Les SRADDT n'y sont pas évoqués (le seront-ils dans la loi sur l'égalité des territoires ?) ; en revanche, les SRDE seraient étendus à l'innovation et à l'internationalisation, ce que certaines régions ont déjà entrepris (l'Assemblée des communautés de France avait proposé de son côté d'y ajouter l'emploi et les politiques de qualification).
Selon l'avant-projet de loi, ces schémas élaborés pour cinq ans définissent notamment les orientations stratégiques en matière d'aide aux entreprises et les modalités d'organisation de la gestion de ces aides avec les autres collectivités... Car la première génération de SRDE n'a pas permis d'apporter de la lisibilité dans ce domaine. Conséquence de la clause générale de compétence, les sénateurs évaluent entre 60 et 100 le nombre d'intervenants économiques dans chaque région. Le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi présenté à la fin de l'année 2012 révélait un maquis de "7.000 dispositifs sur le territoire" (soit 1.000 de plus que dans l'audit des trois inspections réalisé il y six ans) ; une offre oscillant entre 600 et 1.200 aides par région. "Outre l'illisibilité et le saupoudrage engendrés par une telle situation, ses risques juridiques doivent également être soulignés, compte tenu de la nécessité d'assurer le respect des règles d'encadrement des aides fixées à Bruxelles", soulignent les sénateurs, qui pointent l'inefficacité de nombreuses aides. 

Une enquête sur l'ensemble des schémas régionaux

Le rapport propose de réaffirmer le rôle de chef de file des régions et de renforcer la dimension stratégique des SRDE afin qu'ils ne soient plus considérés "comme un catalogue d'aides régionales". Ils proposent d'associer davantage les collectivités, le Ceser, les chambres consulaires, les partenaires sociaux et les agences de développement économique à leur élaboration. Le schéma pourrait faire l'objet d'une réunion thématique de la future conférence territoriale de l'action publique, l'instance qui permettra de répartir les compétences des collectivités entre elles.
Les sénateurs insistent pour les autres niveaux de collectivité ne puissent intervenir "qu'en complément et dans le cadre du régime d'aides adopté par la région, qui pourrait toutefois déléguer la gestion de certaines aides" (ce que la loi de 2004 avait tenté d'imposer avec le système de conventions). "Les aides à l'immobilier pourraient en revanche rester aux mains des intercommunalités, qui ont développé une certaine expertise dans le domaine", suggèrent-ils.
L'audit de la mission chargée d'évaluer les aides aux entreprises (et d'en tirer des sources d'économies) permettra d'y voir plus clair. Les premières conclusions devraient être présentées à l'occasion du deuxième Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique, le 2 avril (et non le 4 comme précédemment annoncé). Le président de la région Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne, membre du trio chargé de cet audit, a déjà fait savoir qu'il souhaitait voir renforcer le rôle de coordination des régions. De son côté, l'ADCF vient de lancer une enquête sur l'ensemble des schémas régionaux.