Les accueils de loisirs en milieu rural face à la nouvelle donne territoriale
Passage sous compétence intercommunale, glissement du conventionnement vers la contractualisation, évolution des aides aux activités périscolaires et extrascolaires... Les accueils de loisirs font face à de nombreux changements, sources de difficultés en particulier en territoire rural. Une étude fait le point.
Familles rurales et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) ont récemment publié une étude très détaillée sur les accueils de loisirs sans hébergement (ALSH) en milieu rural. Réalisée par le cabinet Eexiste, cette étude s'appuie sur une enquête auprès de responsables de structures - 392 réponses ont été exploitées -, de la visite de 13 centres dans trois départements - l'Ardèche, les Ardennes et le Morbihan - et d'entretiens.
Sur cette base, les auteurs mettent en avant l'"extrême diversité" de ces centres, qui accueillent entre sept et 600 enfants, de 30 à 250 jours par an, avec des budgets qui oscillent entre 28.000 euros et 1,5 million d'euros.
Des spécificités liées au territoire rural se dégagent : on a souvent affaire à des "centres de petite taille", qui s'appuient sur une "mixité des âges", la "proximité avec la nature" ou encore l'"intergénération". Les ALSH ruraux rayonnent en moyenne sur huit communes, font appel pour la plupart (87%) à des bénévoles et accueillent fréquemment (73%) des enfants en situation de handicap. Les accueils de loisirs ayant participé à l'étude son majoritairement portés par des associations ou des fédérations associatives (82%) - dont Familles rurales -, mais aussi par des collectivités (17%). 87% des répondants appliquent des tarifs différenciés en fonction des quotients familiaux.
Rationalisation des offres d'accueil à l'échelle intercommunale
Ces accueils sont "conformes à la réglementation malgré les contraintes". L'étude recense un certain nombre de défis liés aux évolutions du contexte administratif. "Historiquement à portée communale", les ALSH ont désormais "de plus en plus souvent des interlocuteurs intercommunaux" : 64% d'entre eux sont désormais sous la compétence d'établissements de coopération intercommunale, avec pour beaucoup des changements d'EPCI en 2017.
Nombre d'intercommunalités ont opté pour des stratégies de rationalisation des offres d'accueil, ce qui peut se traduire par une perte de proximité et d'attractivité pour les communes qui perdent leur centre. Pour d'autres communes, la "nouvelle carte territoriale" est plutôt une chance, puisque leurs accueils sont destinés à accueillir les enfants d'autres communes et donc à être consolidés. Autre cas de figure : la mise en place de fonctionnements en réseau entre plusieurs centres à l'échelle intercommunale.
La contractualisation pousse les ALSH à "promettre beaucoup à moyens très réduits"
Par ailleurs, les centres de loisirs doivent faire face à une autre tendance lourde : le passage d'une logique de conventionnement à une logique de contractualisation. "Encore marginales il y a une dizaine d’années", les délégations de service public concernent 16% des ALSH associatifs de l'étude. Revers de la médaille selon les auteurs : la contractualisation "pousse souvent les acteurs à promettre beaucoup à moyens très réduits, dans l’espoir de maintenir des contrats avec la collectivité, parfois au détriment de la qualité d’exercice ou d’accueil pour les enfants". Si certains opérateurs "refusent" de se plier à ce nouveau cadre, d'autres "y voient une opportunité de se développer en mutualisant des modalités de gestion, d’intervention et des ressources financières et humaines".
En dépit de ces difficultés, 75% des centres d'accueil "déclarent que leur activité est importante ou essentielle pour les élus et qu’ils se sentent soutenus". Outre le soutien financier au bénéfice de la quasi-totalité des centres, les collectivités mettent à disposition des locaux (pour 90% des ALSH répondants) et parfois du personnel (37%). Elles peuvent également faciliter l'accès des enfants au centre (24%) ou encore soutenir financièrement les familles (22%).
Inquiétudes sur l'après réforme des rythmes scolaires
La place des ALSH dans l'élaboration des stratégies jeunesse est toutefois variable d'un territoire à l'autre ; seuls 45% d'entre eux seraient ainsi impliqués dans les contrats enfance jeunesse (CEJ). La "disparition programmée" des CEJ est source d'"incertitude", tout comme la réduction des contrats aidés – 36% des centres interrogés en emploieraient.
En outre, 33% de l'ensemble des centres interrogés "se déclarent mobilisés dans le cadre des plans éducatifs de territoire", sachant que "seuls 47% des ALSH ayant participé à l’étude sont ouverts en période périscolaire" et que parmi eux 76% "ont été jusqu’en 2017 ou sont actuellement en charge de l’organisation et de l’animation des TAP [temps d'activités périscolaires] sur leur territoire".
Les auteurs de l'étude relaient les préoccupations des ALSH sur l'après réforme des rythmes scolaires : "qu’en restera-t-il ? Certains territoires réussiront à maintenir les TAP comme ils le souhaitent, malgré la baisse des aides ?" Sur l’animation des temps du mercredi, "les ALSH voudront-ils s’engager dans une nouvelle réforme sans garantie sur sa pérennité ? Et avec la "disparition des bons vacances" ou la "baisse des aides départementales", quel avenir pour les "accueils de loisirs pendant les vacances scolaires" ?
Des pistes pour décloisonner les centres et améliorer la qualité d'accueil
A défaut d'avoir des réponses à ces questions, le cabinet Eexiste détaille en conclusion des pistes pour "pérenniser" les ALSH ruraux sur leur territoire. Il invite par exemple à mettre "à disposition un (ou plusieurs) minibus pour [mieux desservir] les ALSH d’un territoire", à "rompre l’isolement" des professionnels "grâce à la généralisation de postes de coordinateurs territoriaux, ouverts aux ALSH hors fédérations (sur le modèle de l’Ardèche)" , à "encourager les pratiques d’évaluation, en mobilisant largement toutes les parties prenantes (animateurs, enfants, parents, acteurs locaux...), sur l’exemple de l’ALSH de Viviers" ou encore à "financer la remise en état / l’agrandissement / l’équipement de locaux aujourd’hui vétustes ou ne répondant pas aux besoins".