Décentralisation - Le transfert des routes nationales en bonne voie
Depuis la loi du 13 août 2004 prévoyant le transfert de près de 18.000 kilomètres de routes nationales aux départements, la réforme a fait son chemin : les routes à transférer ont été identifiées par décret, la réorganisation des services de l'Etat a été engagée avec la création de 11 directions interdépartementales des routes et de 21 services régionaux de maîtrise d'ouvrage, et le transfert des personnels a été organisé.
La deuxième édition du congrès Interoute, qui s'est tenue du 24 au 26 octobre dernier à Rennes, a permis de dresser un premier bilan de cette décentralisation des routes, dans un climat nettement plus apaisé que la précédente, il y a deux ans. A l'époque, les collectivités avaient surtout émis des craintes quant aux conséquences financières du transfert.
Les participants au congrès 2006 ont d'abord fait le point sur les nouvelles missions des DDE, orientées principalement vers l'urbanisme et les risques. Les communes, qui bénéficieront toujours, en matière de voirie, de l'assistance technique et de l'ingénierie des DDE, sont inquiètes de la disparition des subdivisions dans leurs ressorts territoriaux respectifs. Surtout, les élus locaux craignent, du fait même du transfert des moyens humains, que les DDE manquent de personnels à l'heure où la réforme du permis de construire va entrer en application.
Concertation élargie des personnels
En dépit de ces interrogations, un certain consensus a pu naître entre les divers représentants de l'Etat et les conseils généraux. En effet, là où le transfert des kilomètres de linéaire a pu poser problème, comme l'attestent encore les recours devant le Conseil d'Etat, le transfert des personnels s'est quant à lui passé "sans conflit" pour reprendre les termes de Yves Krattinger, président de la commission Aménagement du territoire à l'Assemblée des départements de France (ADF). Les personnels concernés, généralement agents d'exécution, ont été consultés dès le 15 avril 2006, puis ont reçu de leur supérieur leur pré-positionnement le 1er juin, avant d'effectuer leur choix d'affectation au 1er juillet dernier. Les décisions finales d'affectation seront prises cet automne, au terme de 6 mois de concertation, même si c'est généralement après la période de viabilité hivernale que la mise en oeuvre des transferts sera pleinement appliquée, soit en mars-avril prochain. Si une majeure partie des agents fait le choix de passer dans la fonction publique territoriale, ce qui représente pour certains conseils généraux entre 200 et 300 personnes, se pose la question de leur formation, autrefois assurée par l'Etat, et celle également des nouveaux personnels recrutés directement par les conseils généraux. Jugeant très favorable l'apport de la culture d'Etat des agents des DDE, Yves Krattinger a remarqué qu'il fallait maintenant organiser la formation de milliers d'agents, et ce dans cent départements ! Cette question a suscité l'intérêt du CNFPT, qui par la voix de deux de ses représentants (Pays-de-la-Loire et Alpes-Maritimes), a marqué tout son engagement en promettant d'élargir son offre de formation, notamment aux agents de catégorie B. Une réunion devrait se dérouler très prochainement pour voir comment mutualiser notamment l'information délivrée par le CNFPT auprès des conseils généraux. Les participants ont aussi souligné tout l'intérêt de la nouvelle "école" de la maîtrise d'ouvrage mise en place par le service formation continue de l'Ecole des ponts et chaussées.
Interrogations sur le devenir des parcs de l'Equipement
Mis à part l'enjeu majeur résultant du transfert de personnels, deux autres problèmes ont été soulevés au congrès de Rennes. C'est le cas de l'avenir des "parcs" de l'Equipement, qui présentaient en 2005 un chiffre d'affaires de 845 millions d'euros, et qui font l'objet de mesures particulières selon l'article 104-I-deuxième alinéa de la loi du 13 août 2004. S'il rejoint en partie le problème du transfert de personnels puisque 6.000 agents sont concernés, qu'en sera-t-il des moyens affectés à ces parcs et des orientations issues du rapport Courtial remis début 2006 au gouvernement et qui avaient déjà donné lieu à des mesures tests dans certains départements ? Enfin, dernier point soulevé par les protagonistes, celui touchant au réseau scientifique et technique de l'Etat qui, par l'intermédiaire de différents organismes comme le Centre d'études techniques de l'équipement, le Service technique des routes et autoroutes (Serta) ou le Laboratoire central des ponts et chaussées, propage la doctrine routière et symbolise le savoir-faire français en matière d'innovation en ce domaine. Patrice Parisé, directeur des routes au ministère des Transports a souhaité marquer sa bonne volonté. Un comité au sein du Serta comprenant des représentants de l'Etat mais aussi des collectivités territoriales aura pour mission d'orienter les activités de cet organe. Cet engagement est de nature à rassurer Yves Krattinger, qui a fait remarquer que depuis deux ans les choses avaient peu évolué, et que, à plusieurs reprises lors de réunions avec l'Etat, il avait indiqué que le réseau scientifique et technique devait devenir un réseau partagé entre l'Etat et les collectivités, lesquelles géreront au total quelque 380.000 kilomètres de routes !
Xavier Sidaner / Victoires Editions, et Anne Lenormand