Tourisme - Le shopping touristique en perte de vitesse en France
Même si la France reste en 2010 la première destination touristique du monde avec 76,8 millions d'arrivées de touristes étrangers, "cette position est toutefois source de contre-effets, en ce sens qu’elle n’incite pas nécessairement au dépassement, au renouvellement et à l’innovation, tant dans le domaine du tourisme que du commerce", révèle l'étude "Tourisme et commerce" des cabinets Deloitte conseil et Du Rivau consulting pour l'Union du grand commerce de centre-ville (grands magasins, UCV), la Fédération des enseignes de l'habillement (FEH), le Syndicat national du cuir et de la chaussure (SNCC), la direction générale de la Compétitivité, de l'Industrie et des Services (DGCIS) du ministère de l'Economie et Atout France*. La France semble "vivre sur des acquis, liés notamment à un patrimoine exceptionnel (historique, culturel, gastronomique...)", alors que la concurrence internationale s'intensifie. Résultat, elle est en perte de vitesse : elle a "perdu plus de trois points de parts de marché mondial en matière d'arrivées internationales de touristes depuis 1995". Depuis cette même période, le pays perd également des places en termes de recettes au niveau mondial. Il s'agit maintenant, selon l'étude, de passer d'une situation de rente à une stratégie plus dynamique de rénovation et de renouvellement de l'offre touristique.
40% du chiffre d'affaires des grands magasins
Selon les chiffres de la Banque de France, le montant des dépenses des touristes en 2009 serait inférieur à ceux enregistrés en 2006 et surtout en 2007 : 35,4 milliards d'euros en 2009, pour 36,9 milliards d'euros en 2006 et 39,6 milliards d'euros en 2007. Le "shopping", insiste l'étude, est "partie intégrante de la fonction touristique". Toutefois, cet aspect est rarement mis en avant, au profit de la culture en première place, dont "l'intention apparaît plus noble. Or le shopping touristique est en pleine croissance et encore peu reconnu en France". Peu d'études et de statistiques sont disponibles sur les dépenses des touristes dans le commerce de détail en France. A Paris, le triangle Saint-Lazare-Opéra-Madeleine, où se situent notamment les implantations-phares des groupes Printemps et Galeries Lafayette, accueille 12 millions de visiteurs étrangers par an, soit une fréquentation supérieure à celles de la Tour Eiffel (7 millions) et du Louvre (8 millions), note l'étude. Leur nombre est évalué à 25 millions par an sur les Champs-Elysées, et le tourisme international contribue à environ 40% du chiffre d'affaires des grands magasins parisiens. En province le phénomène est moins systématiquement appréhendé mais les chiffres "confirment l'impact formidable que peut avoir l'apport des touristes sur les chiffres d'affaires du commerce".
Une culture du service "pas naturelle"
Bien qu'ayant observé de bonnes pratiques, les auteurs de l'étude ont surtout mis en lumière "des freins persistants". En voici quelques-uns : l'entente et la coordination entre acteurs institutionnels et acteurs du commerce restent insuffisantes. Les conditions d'accès et de déambulation urbaine doivent être rationnalisées et améliorées. Il s'agit de rendre plus fluide la circulation urbaine mais aussi d'améliorer dans la plupart des villes françaises les liaisons aéroport/centre-ville ou aéroport/gare, liaisons qui, comme le disent pudiquement les auteurs, "présentent des faiblesses". Au chapitre de l'accueil, l'étude note qu'une "culture de l'accueil et du service n'est pas perçue comme naturelle en France et demande donc des actions de soutien et de développement". La formation à l'accueil touristique est faible, voire inexistante, dans certains postes constituant les premiers contacts d'un touriste à son arrivée (douanes, bagagistes, taxis), et la pratique des langues laisse à désirer tant à l'oral qu'à l'écrit. Les plages d'ouverture des commerces sont insuffisamment adaptées aux spécificités des clientèles touristiques (l'étude mentionne "la problématique complexe" de l'ouverture des commerces le dimanche). Dans certaines grandes villes, le développement des grands événements d'envergure internationale est encore limité…
En conclusion, l'étude relève des potentialités manifestes mais déplore "un faisceau de freins et d'inerties qu'il devient crucial de prendre en compte et de traiter, face à une concurrence internationale dynamique dans son organisation, inventive dans ses produits, pragmatiques dans ses approches et conquérante dans les moyens et budgets mobilisés".
Catherine Ficat
* L'enquête a été menée sur six villes en France : Bordeaux, Lille, Marseille, Metz, Montpellier et Paris ; et trois villes étrangères : Barcelone, Bilbao et Londres ; elle a été réalisée en novembre 2011 et présentée le 13 mars 2012 au ministère de l'Economie.