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Transports - Le service minimum fait l'objet d'âpres discussions au Sénat

Le Sénat a poursuivi ce 18 juillet l'examen du "projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres de voyageurs". Comme on pouvait s'y attendre, le texte suscite de nombreuses controverses, l'opposition y voyant à la fois une atteinte au droit de grève et au principe de libre administration des collectivités.

Présenté aux sénateurs, avant les députés, depuis le 17 juillet, le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres de voyageurs est l'un des quatre textes phare que le gouvernement entend faire adopter définitivement avant la clôture de la session extraordinaire du Parlement le 3 août.
Dans son discours devant les sénateurs le 17 juillet, le ministre du Travail, Xavier Bertrand, a rappelé le triple objectif du projet : "éviter qu'on aboutisse à une grève, éviter la paralysie due à une grève, éviter l'absence d'information pour les usagers". "Ce texte ne vise nullement à remettre en cause le droit de grève, consacré par notre Constitution, a-t-il poursuivi. Il s'agit de trouver un point d'équilibre entre ce droit et les autres droits tout aussi légitimes que sont la continuité d'accès aux services publics, la liberté d'aller et de venir, la liberté du commerce et de l'industrie et la liberté du travail."
Mais les principales organisations syndicales, dont les positions ont été relayées dans l'hémicycle par l'opposition de gauche, y voient une "grave atteinte" au droit de grève. Elles dénoncent en particulier l'obligation pour un salarié de se déclarer gréviste 48 heures à l'avance et l'instauration d'un vote à bulletins secrets pour décider de la poursuite ou de l'arrêt du mouvement au-delà de huit jours de grève. "Si l'on veut organiser le service, si l'on veut informer les usagers 24 heures à l'avance de l'état du trafic, (...) nous avons besoin, 48 heures avant le début du conflit, de savoir qui va venir travailler", a justifié Xavier Bertrand qui a promis de "sanctionner toute entreprise (...) qui chercherait à faire pression sur les salariés" grâce aux déclarations préalables.
Philippe Arnaud pour l'UDF a déploré en séance un "projet a minima" qui "n'impose aucune obligation", mais a estimé le texte "porteur d'avancées significatives".
A l'inverse, le sénateur socialiste Yves Krattinger a fustigé un projet qui "se veut beaucoup trop briseur de grèves". "Demain comme hier, si les salariés des transports ou d'autres services publics veulent faire grève, ils le feront."
Faisant valoir qu'en 2006, sur 6.043 incidents survenus dans les transports publics, "seuls 140 étaient imputables à des mouvements sociaux", Michel Billout (PCF) s'est demandé si le gouvernement ne cherchait pas à "affaiblir l'action syndicale dans le transport ferroviaire au moment où se prépare la réforme des régimes spéciaux" de retraite.

 

Inquiétudes sur les responsabilités pesant sur les autorités organisatrices

Dans les rangs de l'opposition sénatoriale, on s'inquiète aussi d'une autre disposition importante du projet de loi : le rôle dévolu aux autorités organisatrices de transport, chargées de fixer les priorités de desserte, en cas de grève ou de forte perturbation, en définissant les besoins essentiels (lignes desservant les hôpitaux, trajets domicile-travail, transports scolaires, liaisons entre les principaux centres urbains, etc.).
Parmi les amendements prévus par la commission spéciale du Sénat présidée par le sénateur UMP Charles Revet figure la simplification de la notion de dessertes prioritaires. L'autorité organisatrice pourrait aussi déterminer des niveaux de service proportionnés à l'importance de la perturbation rencontrée, à l'instar de ce qui existe déjà en Alsace. Mais il est aussi prévu que le préfet soit informé de l'avancement du processus de définition des dessertes prioritaires et des niveaux de service et qu'il puisse se substituer rapidement à l'autorité organisatrice en cas de carence pour arrêter les priorités de desserte et approuver les plans proposés par l'entreprise de transport.
Pour Michel Billout, cette dernière disposition est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales et il estime qu'il n'appartient pas aux régions mais uniquement au Parlement de définir les "besoins essentiels" en termes de transports puisque, comme tous les services publics, ils relèvent de l'intérêt général.
Yves Krattinger pour sa part estime que "confier aux collectivités locales la définition des besoins essentiels de la population menace l'égalité des salariés devant le droit de grève et l'égal accès des citoyens aux transports". De plus, l'article 4 du projet de loi, qui place les collectivités sous la menace d'une "mise en demeure" et d'une intervention en cas de "carence" est selon lui également "attentatoire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités".
"Quelles seront les priorités pour un président de conseil général : assurer le transport scolaire plutôt que celui des salariés ? Voilà quelques-unes des questions (...) qui vont se poser très crûment aux autorités organisatrices de transport, a prévenu le sénateur socialiste Claude Domeizel. L'actuelle rédaction de l'article 4 sera source de nombreux contentieux, non seulement entre l'usager et l'autorité organisatrice, mais également entre cette autorité et l'entreprise de transport."
Au total, 83 amendements - dont 15 défendus par Catherine Procaccia (UMP), rapporteur de la commission spéciale - ont été déposés au Sénat, visant notamment à permettre qu'un médiateur puisse intervenir dès le début d'un conflit, à étendre le dispositif aux perturbations dues à des intempéries ou des incidents techniques, ou à ce qu'un service minimum soit également assuré dans l'enseignement, les jours d'examen du brevet ou du baccalauréat.
La discussion du texte, sur lequel le gouvernement a déclaré l'urgence (une lecture dans chaque chambre), doit se poursuivre jusqu'au 20 juillet, avant d'être transmis à l'Assemblée nationale.

 

Anne Lenormand avec AFP